Caligonaut
Magnified As Giants
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Quelques accords arpégés … Le calme avant la tempête … Arrive la guitare saturée, virtuose, entre mélodie et vague de notes aux associations tonales audacieuses … Le voyage sera tumultueux.
Il faut dire que l’affiche est alléchante. Caligonaut est certes le projet solo d’Ole Michael Bjorndhal (Airbag, entre autres), mais il bâtit son monument en se faisant accompagner des musiciens de Wobbler (Hultgren, Prestmo, Froislie, Ree) ou des groupes desquels il est issu (Hvinden de Oak, Fossum d’Airbag). Bref, on se rapproche doucement mais sûrement du supergroupe, et les attentes en sortent décuplées : c’est le gratin de la magnifique scène revival progressive norvégienne qui s’offre à nous, et Dieu sait qu’elle est brillante.
D’ailleurs, amoureux de Wobbler, vous trouverez ici de quoi satisfaire votre idylle, jusqu’à l’ambition affichée dans la structure de l’album : cinquante minutes, quatre morceaux, dont deux qui dépassent très largement les dix minutes (presque vingt minutes pour le dernier). Mais c’est sur le plan musical que les liens sont encore plus audibles : racines folks et pastorales, profusion instrumentale contrastée par des moments plus introspectifs, goût pour les claviers analogiques, réinterprétation subtile des références du monde progressif … Si vous appréciez ces puristes nordiques surdoués, vous serez donc conquis.
Magnified as Giant joue évidemment sur des évolutions entre phases calmes, folks, introspectives, installant des ambiances parfois tamisées, intimistes, et des phases beaucoup plus électriques ou enlevées, notamment lors des soli. Mais ces constructions tourmentées ne sont jamais ou rarement brutales, au contraire, menées par un instrument en particulier qui s’installe en contrepoint, ces variations coulent de source. Ainsi, dans "Hushed", alors que dans l’introduction la guitare folk véloce s’entremêle avec le piano, la basse, en arrière-plan, nous entraîne vers un passage beaucoup plus heurté. La longue pièce initiale, "Emperor" multiplie ainsi les paysages tout en gardant toute son unité. S’inaugurant sur des arpèges apaisés (qui évoquent Arabs in Aspic), des lignes de guitares multiples, des nappes de claviers, il se déroule vers des chorus genesiens, puis dans un mouvement heavy (les voisins d’Opeth ne sont pas loin) avant de prendre un nouveau tournant fondé sur un chant tamisé, accompagné d’un piano et d’un violon … Décrire une telle pièce est toujours périlleux, puisque nous n’égalerons jamais une écoute en bonne et due forme, mais cela a le mérite de voir dans quel dédale musical on se lance, et de mettre en avant la composition méticuleuse qui permet de se promener avec les musiciens dans leur pérégrination.
Les références sont nombreuses et élégantes : le solo de guitare au final d’ "Emperor" évoque Red, la guitare sur "Hushed" est tantôt floydienne, tantôt camelienne, tandis que les emprunts à Genesis sont assumés (la fin pastorale du titre suscité, avec des sons de claviers dans l’esprit du groupe) jusqu’à une citation bienvenue de "Dancing with the Moonlight Knight".
Ce sont les caractéristiques que l’on retrouve sur le longue fresque "Lighter than Air", bien nommé l’écoute de son début floydien à la guitare aérienne, au calme de ses premières minutes, avant une montée en puissance électrique (vers 6 minutes, c’est presque "Tom Sawyer" de Rush), un solo typé Metal-prog’, et des claviers très synthétiques plus néo-progressifs. Un envol pour retomber dans une seconde partie plus répétitive et atmosphérique. Une sobriété qu’on retrouve, dans un registre différent, sur le morceau-titre, chanson folk sans excès instrumentaux.
La Norvège fait enfin sa rentrée progressive, et ce sont les grands noms du genre qui se chargent de la rappeler à notre mémoire après une années 2020 immensément riche pour la nation scandinave. Il semble que ce ne soit que le début, puisque Jordsjo a d’ores et déjà annoncé sa future production … Progressivement vôtre.