Foo Fighters
In Your Honor
Produit par Foo Fighters, Nick Raskulinecz
1- In Your Honour / 2- No Way Back / 3- Best of You / 4- DOA / 5- Hell / 6- The Last Song / 7- Free Me / 8- Resolve / 9- The Deepest Blues Are Black / 10- End Over End / 1- Still / 2- What If I Do? / 3- Miracle / 4- Another Round / 5- Friend of a Friend / 6- Over and Out / 7- On the Mend / 8- Virginia Moon / 9- Cold Day in the Sun / 10- Razor
Le double album reste un exercice impitoyable qui met à rude épreuve la virtuosité du groupe qui s'y livre. C'est Bob Dylan qui le premier instaura cette pratique pour le chef d'oeuvre que l'on connaît (Blonde On Blonde). Depuis, on a assisté à des foirages historiques et quelques rares réussites. Car personne, pas même Dieu ne peut être pertinent sur plus d'une heure sans connaître quelques longueurs et dérapages malvenus. Ceux qui rigolent encore du "Revolution 9" des Beatles en savent quelque chose. Qu'attendre alors des Foo Fighters sur ce choix périlleux, courageux quand il n'est pas vaniteux ? Certes, voilà une formation qui livre depuis maintenant dix ans de la sympathique power pop décomplexée mais il faut bien reconnaître que c'est plutôt derrière les fûts (chez Queens Of The Stone Age, Killing Joke ou NIN) que Dave Grohl brille. Si son modèle pour cet album reste Physical Graffiti (Led Zep, toujours Led Zep !), il n'est jamais aussi génial que lorsqu'il prend la place de Bonham plutôt que celle de Plant ou Page. On introduit donc le disque dans la platine tout en astiquant la touche "skip" dont on se prépare à faire un usage intensif.
In Your Honor est donc un double album dédié aux partisans de John Kerry que Grohl a soutenu lors de la campagne présidentielle mais aussi et surtout un disque que l'ex-Nirvana est fier de présenter au monde et à ses fans comme une pièce majeure de son répertoire. Le groupe a choisi de disposer sur la première galette leurs compos les plus énervées et de compiler sur l'autre des chansons acoustiques. Une telle dichotomie rebute un peu au début, car les disques des Foo reposaient justement sur cette alternance entre titres musclés et ballades plus confidentielles et on craint de prime abord que le disque électrique occulte complètement l'acoustique.
Le premier CD reste assez décevant dans sa première partie. La pêche est là, mais on ne retrouve pas toute l'efficacité et la puissance d'un One By One (à l'exception d'un percutant "DOA" tout en furie). C'est à partir de la piste 6 et de ce "The Last Song" que l'ensemble décolle réellement. On retrouve le groupe dans une forme olympique qui décoche coup sur coup mélodies en béton et riff imparables. Dans le genre, "Free Me" se pose là. Le tout aboutit en un "Deepest Blues Are Black" magistral, cinglant comme une gifle avec un Dave Grohl remonté et vengeur. 10 titres qui illustrent donc ce que Foo Fighters a toujours été : du Green Day sans punk, du Weezer sans crise existentialiste, du grunge sans désespoir. L'ensemble reste donc honnête même s'il ne se hisse pas au niveau de l'effort précédent dans la qualité des compos.
Mais c'est véritablement dans le second disque que le groupe étonne, épaulé notamment par John Paul Jones qui vient jouer de la mandoline. 10 compos qui vont du pas mal au franchement excellent, 10 réussites sans que jamais l'ombre de Cobain ne vienne planer, ce frère d'arme disparu trop tôt à qui Grohl rend hommage dans le vibrant "Friend Of A Friend", inédit composé au début du groupe, ici magistralement réinterprété. "Another Round" , "Miracle" et "On The Mend" se hissent sans problème dans le rang de leurs meilleures ballades (avec "See You" tout de même). On sent le vent des Posies affleurer sur ces titres simples et inspirés. La musique des Foo Fighters prend alors singulièrement du plomb dans la tête et révèle des zones d'ombre insoupçonnées. L'ami Grohl cacherait-il quelques fêlures derrière son sourire chevalin ? Même si la facture des chansons reste très classique et la voix du frontman loin d'être inoubliable, on est réellement bercé et transporté par ces mélodies qu'on prend plaisir à reprendre. Norah Jones vient murmurer sur ce "Virginia Moon" éclatant de limpidité tandis que le plus rythmé "Cold Day In The Sun" revient insuffler un peu de nerf en fin de parcours, lequel aboutit à un "Razor" honnête accompagné par le compère Josh Homme à la guitare.
Si In Your Honor n'est pas le chef d'oeuvre du groupe (qui demeure à mon sens The Colour And The Shape), il reste cependant une sacrée claque et se tient debout sur ses 83 minutes. On attendait tous les 2 ou 3 ans sa petite dose de power pop efficace, honnête sans être renversante, mais avec cet opus surprenant, qui met au jour des qualités qu'on ne suspectait pas, on se demande bien ce qu'on va se prendre sur le coin de la tronche à la prochaine livraison. Les Foo remontés à bloc pour 10 nouvelles années.