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Critique d'album

Immortal


At the Heart of Winter


(22/02/1999 - Osmose - Black Metal - Genre : Hard / Métal)
Produit par

1- Withstand the Fall of Time / 2- Solarfall / 3- Tragedies Blows at Horizon / 4- Where Dark and Light Don't Differ / 5- At the Heart of Winter / 6- Years of Silent Sorrow
Note de 4/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Le diable est dans les détails. – Friedrich Nietzsche "
Daniel, le 02/11/2021
( mots)

Il n’existe pas de meilleur album de métal extrême que celui-ci. Même s‘il n’est pas extrême. Juste métal. Mais extrême, si on veut.


Tout est question de contexte géographique. Pour accéder au Trolltunga, l’endroit le plus photogénique de Norvège, il faut prévoir 10 heures (environ) de randonnée difficile, tout en sachant que la météo peut se montrer capricieuse. C’est dire si le pays du lütefisk (1) est franchement "rieur" par nature. 


Certains jours d’hiver, le soleil ne se lève jamais sur la contrée. Si la fin du monde devait intervenir en novembre, les Norvégiens ne verraient probablement pas la différence (2).


Flash-back : novembre 1999. Après quelques efforts peu transcendants (mis à part quelques succès d’estime dans un monde où, pour un rien, les rockers s’injurient, s’entretuent ou incendient des églises en bois), Immortal est moribond et se réduit à un triste duo (peinturluré en hommage à Kiss). 


En effet, perclus de tendinites, Demonaz, le troisième homme (3), vient de renoncer à jouer de la guitare. Il se contente d’écrire des lyrics improbables qui puisent leur inspiration dans le paganisme et les mythes proto-lovecraftiens (Chtulhu, reviens !). Il n’est aucunement question de satanisme ici ; le mot "démon" n’est utilisé qu’une seule fois sur tout l’album (4). 


Demonaz se trouvant en rupture de ban, ne restent que Horgh et Abbath (5) ! 


Le bedonnant Horgh est un maître-batteur dans ce style extrême très particulier ; il a marqué sa génération par un jeu très speedé (au-delà des 150 BPM) mais bourré de nuances et jamais brouillon. 


Abbath Doom Occulta s’occupe de tout le reste (guitares, basse, claviers, voix et, peut-être, approvisionnement en lütefisk pour le déjeuner). 


Abbath n’est pas un "grand" guitariste. Accordé en Ré, il enquille les riffs (empruntés un peu partout – une vraie encyclopédie du recyclage) et, plus parcimonieusement, quelques rares arpèges. Très occasionnellement, il ose un solo à un doigt (par exemple, sur "Where Dark And Light Don’t Differ" ou "At The Heart Of Winter"). Abbath joue comme un bucheron norvégien. Mais un bucheron élégant, lyrique et inspirant. 


Personne ne saura jamais si Abbath est un "grand" basiste puisque, comme sur les albums de Metallica avec Jason Newsted, on n’entend jamais la quatre cordes (6). 


Abbath n’est pas non plus un "grand" chanteur mais il éructe les textes de Demonaz avec une immense conviction et sans jamais rire (7), ce qui doit demander énormément de self-control. En comparaison, Dany Filth fait un peu figure de Kid Creole et King Diamond de Mère Denis.


L’album a été enregistré dans les studios suédois Abyss de Peter Tägtgren durant un vilain mois de novembre. Le bâtiment est érigé en bordure d’un cul de sac, devant un paysage désolé qui rappelle vaguement l’Ardenne belge mais en plus plat et en plus froid.


Objectivement, et à l’exception de quelques dispensables touches old school, on ne remarque pas vraiment la production "globale" de Tägtgren, si ce n’est sur le traitement de la batterie (son premier instrument de prédilection) qui absorbe tout le spectre sonore dans les basses et les mediums. Les guitares s’installent ailleurs. Le fait que le groupe soit réduit à un duo a probablement évité les disputes. Chacun sa bande passante. Et tant pis s’il neige dehors.


A l’exception de "Years Of Silent Sorrow" qui, en clôture de l’album, se montre assez laborieux, les cinq autres titres sont des pépites inédites, marquées par la fureur épique des instrumentations (8), avec une mention particulière pour la plage éponyme (et son intro magnifique). "At The Heart Of Winter" s’écoute en apnée des tympans et restera un monument de glace dans l’histoire du rock. Il faut l’écouter d’urgence, avant que le réchauffement climatique ne l’emporte, au même titre que le royaume immense de Blashyrkh. 


Avant de devenir une forme de normalité avec le passage du Temps, l’art extrême est, par nature, un domaine réservé aux personnes tolérantes. Après, que l’on aime ou que l’on n’aime pas n’a plus vraiment d’importance.


Entre deux verres d’Aquavit, les Norvégiens prétendent aujourd’hui qu’Immortal fait de la musique classique. Tout est dit. Ou presque…


Il serait étrange de clôturer cette chronique sans mentionner la pochette, naïve mais emblématique (avec un logo "Immortal" enfin lisible), qui est l’œuvre d’un Jean-Pascal Fournier juvénile (9). 


 


(1) morue séchée à la moutarde.


(2) Et on voudrait que j’aie le moral ("Bruxelles" de Jacques Brel)


(3) Demonaz est l’inventeur probable de Blashyrkh (prononcez "Blashyrrrrkh" si vous ne voulez pas passer pour un ou une touriste). Il s’agit d’un royaume imaginaire et glacé (ce qui donne envie), gouverné par un corbeau géant (qui, selon certaines sources apocryphes, aurait inventé la machine à vapeur). Comme quoi, la consommation massive de poissons riches en Oméga 3 n’a pas que des effets anodins sur le cervelet.


(4) dans le titre qui conclut l’opus.


(5) ce sont des pseudonymes. Horgh s’appelle en réalité Reidor Horghagen et Abbath, Olve Eikemo.


(6) la basse est seulement audible sur quelques petits passages "planants" de "Solarfall" et "Tragedies Blows At Horizon" (qui se clôture par un passage électro-acoustique, assez inédit dans le genre).


(7) si l’on considère que les fréquents "Eurgh !"(onomatopée difficile à transcrire) ne sont pas des rires contenus. Peut-être de légers relents de morue séchée à la moutarde.


(8) sans jamais tomber dans la linéarité caricaturale et assommante de, par exemple, Panzer Division Marduk (enregistré en 1999 également, par les cousins suédois de Marduk). "Cousins" n’est pas le terme le plus adapté quad on sait que certains groupes norvégiens et suédois s’échangeaient fréquemment des menaces de mort.


(9) en avril 2020, l’Isérois a mis un terme pour le moins violent à sa carrière d’illustrateur. Et probablement aussi à sa carrière d’être humain. Sempiternelle question : faut-il juger les artistes en fonction de leurs œuvres ou de leurs actes ? C’est une question à laquelle le rédacteur de la chronique n’a jamais trouvé de réponse. Il faudrait peut-être la poser au corbeau géant de Blashyrkh (s’il est enclin à la conversation).

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