Placebo

Placebo est vraiment un groupe étonnant, positivement étonnant, l’un des seuls à réussir à se faire acclamer à travers ses pires albums et à se faire haïr au moment où il entre en phase ascensionnelle - on vous renverra aux crispations clivantes générées par la période "Teenage Angst" et aux insultes molkophobes accompagnant tout nouvel émolument du trio depuis le mauvais Meds. Cette fois-ci, c’est un EP original qui nous est proposé, le premier du groupe depuis sa formation, qui plus est affublé d’un patronyme jeuniste au raz des pâquerettes ("bii-srii-ii-pii", difficile de faire plus tarte), et voilà les mauvaises langues qui se délient à nouveau. Et pourtant...

On va passer très vite sur le single liminaire, "B3", sorte d'ersatz au déjà pas terrible "Black Eyed" de Black Market Music, pour nous concentrer sur l’essentiel, à savoir cette couleur musicale qui se rapproche effectivement de la musique du marché noir. Pour la première fois depuis de longues années, Placebo fait un pas en direction de titres rock plutôt que pop, et de surcroît se fend de ses plus belles balades depuis des lustres. Tout les voyants se mettent ici au vert, avec tout d’abord la reprise de "I Know You Want To Stop" qui laisse gaillardement parler le riff tandis que le duo chanté apporté par la voix gutturale de Stefan Olsdal tracte le morceau dans ses retranchements les plus pervers. Plus loin, "I.K.W.Y.L" prend le temps de poser ses guitares en une lente et majestueuse gradation qui explose en de longs tourments instrumentaux dignes de la grande époque des londoniens. Mais clairement, ce qu’on retiendra surtout de cet EP, c’est la réussite incontestable que sont les deux complaintes "The Extra" et "Time Is Money", calmes, sereines, finement arrangées et transportées par la diction habitée et impliquée de Brian Molko, avec en point d’orgue le joli accompagnement piano - corde électrique du second titre qui s’étire tranquillement sur plus de sept minutes. Joli coup.

On se surprend donc à espérer beaucoup d’un groupe dont on n’attendait à peu près rien peu avant la sortie de Battle For The Sun. Alors que le septième album de Placebo est annoncé pour mars 2013, on ose imaginer un disque qui tiendra la route, et même plus si l’on en croit l’aperçu qui nous est livré ici. Reste que Molko peut encore pêcher par excès de confiance et ne distiller que quelques bonnes pièces au sein d’un amas de pop-songs bancales et/ou prétentieuses. Il l’a déjà fait, et il le refera certainement si on lui tresse des lauriers trop difficiles à porter. En un sens, mieux vaudrait que l’on continue à cracher sur cet EP : ceux qui attendent encore quelque chose de Placebo pourraient, eux, croire à un possible retour en grâce. Mouais, faudrait pas pousser, quand même.