Shannon & The Clams
Year Of The Spider
Produit par Dan Auerbach
1- Do I Wanna Stay / 2- All Of My Crying / 3- Midnight Wine / 4- I Need You Bad / 5- Year Of The Spider / 6- In The Hills, In The Pines / 7- Godstone / 8- Snakes Crawl / 9- Mary, Don't Go / 10- Leaves Fall Again / 11- Flowers Will Return / 12- Crawl / 13- Vanishing
Il existe pléthore de méthodes permettant de faire face à la tragédie. La liste, non exhaustive, inclut les cinq étapes du deuil, le refuge dans la religion, la découverte de nouvelles passions, l'implication dans une communauté. Lorsque la conversation ne tourne pas autour du commun des mortels mais des artistes, les options sont en général plus caricaturales : dépression, paradis artificiels en tous genres. Pour le cas des membres de Shannon & The Clams, quatuor californien de rock garage, l'originalité a été privilégiée. C'est en effet vers la cartomancie et l'astrologie que Shannon Shaw, leader et bassiste du groupe, s'est tournée lorsque les incendies californiens ont menacé sa maison, lorsqu'un cancer a été diagnostiqué à son père et lorsque le batteur du groupe a été emporté par ses addictions.
De cette expérience a surgi le titre de l'album, sixième exercice des musiciens d'Oakland : Year of the Spider. Dès les premières notes du titre ouvrant le bal, "Do I Wanna Stay", on réalise que l'on est en présence d'une œuvre tout à fait particulière. Dramaturgie, cinématographie western spaghetti, clins d’œil aux classiques de Nancy Sinatra, puis guitare crunchy accompagnant les râles rocailleux de Shannon. Nul doute que nous embarquons vers un voyage des plus nostalgiques, sans pour autant verser dans la mélancolie.
S’ils n’ont pas attendu de voir tourner le vent de la mode, on ne peut que se réjouir que ce groupe à l’authenticité sincère se voit aujourd’hui en première partie d’autres adeptes du vintage, comme Greta Van Fleet.
Si vous ne vous faites pas directement embarquer vers la destination 60s sur "Godstone", jetez une oreille au très doo-wap "I Need You Bad", ou à "Year of the Spider", qui voit la vocaliste du groupe conjurer le mauvais sort à grands coups de râles rocailleurs sur une rythmique cavalant à toute vitesse. L’excellent "Mary Don’t Go" tire même sur les années 50, tout en mettant en avant une autre expérience traumatique : celle du harcèlement dont la leader du groupe a été victime, l’entraînant à déménager.
La voix de Shannon Shaw est justement une signature sonore très distinctive du groupe. Cependant, les palourdes n’ont pas dit leur dernier mot et les harmonies vocales sont très présentes sur le disque : en particulier, Cody Blanchard l’accompagne sur de nombreux morceaux, avec réussite !
Le guitariste est justement à l'honneur sur le magnifique "In the Hills, In the Pines", perle de l'album où le musicien regrette le départ des proches, des rues et quelque part d'un style de vie appartenant à un autre temps. Le San Francisco bohème est mort, même si des groupes comme Shannon and the Clams tentent de lui insuffler un nouvel élan.
Pour compléter le tableau rétro, le lennonien "Snakes Crawl" et le très 60s pop "Flowers Will Return" sont des atouts imparables. Le dernier cité fait preuve d’une efficacité mélodique diabolique, en dépit de facilité lyrique : "I want you to learn that flowers will return, if you give it time" / " je veux que tu apprennes que les fleurs seront de retour si tu leur laisses le temps ". Le contexte de sortie de l’album laisse penser que, en bons adeptes de la méthode Coué, les musiciens tentent de s’auto-convaincre de l’existence et de la proximité d’une lumière au bout du tunnel. La métaphore botanique avait déjà débuté sur le titre précédent, "Leaves Fall Again", dont la guitare surf rock accompagne l’angoisse sous-jacente extériorisée par les cris des refrains.
Finalement, c’est même du côté de la Motown que des titres comme "Crawl", "All of my crying" ou "Vanishing" vont tirer les dernières essences vintage de ce voyage dans le temps que constitue Year of the Spider. "Midnight Wine" voit même le producteur du disque Dan Auerbach participer à la fête bluesy. "All of my Crying" est un modèle de groove mené tambour battant par la voix de tête de Cody Blanchard, tandis que "Vanishing" remet Shannon Shaw au centre des débats, avec une prestation vocale époustouflante sur le très folk-soul dernier titre de l’album.
Pour faire face aux épreuves du présent, Shannon and the Clams se sont réfugiés dans ce passé qu’ils affectionnent tant. Ne nous y trompons pas, si la nostalgie a sa place dans les compositions, c’est bien l’optimisme qui ressort gagnant de ce beau disque. De notre côté, nous avons hâte de voir ce que le groupe nous réserve à l’avenir.
A écouter : "All of my Crying", "In the Hills, In the Pines", "Flowers Will Return".