↓ MENU
Accueil
Première écoute
Albums
Concerts
Cinéma
DVD
Livres
Dossiers
Interviews
Festivals
Actualités
Médias
Agenda concerts
Sorties d'albums
The Wall
Sélection
Photos
Webcasts
Chroniques § Dossiers § Infos § Bonus
X

Newsletter Albumrock


Restez informé des dernières publications, inscrivez-vous à notre newsletter bimensuelle.
Critique d'album

John Frusciante


To record only water for ten days


(13/02/2001 - Warner - Guitariste des Red Hots ! - Genre : Rock)
Produit par John Frusciante

1- Going Inside / 2- Someone's / 3- The First Season / 4- Wind up Space / 5- Away & Anywhere / 6- Remain / 7- Fallout / 8- Ramparts / 9- With No One / 10- Murderers / 11- Invisible Movement / 12- Representing / 13- In Rime / 14- Saturation / 15- Moments have you
Note de 5/5
Vous aussi, notez cet album ! (3 votes)
Consultez le barème de la colonne de droite et donnez votre note à cet album
Note de 4.0/5 pour cet album
"Troisième album mais le premier, sain, sauf et sobre."
Maxime L, le 20/01/2020
( mots)

1994, la sortie de son premier album solo, Niandra Lades and Usually just a T-shirt, est un échec total et laisse John Frusciante dans l’état où il est depuis son départ des Red Hot Chii Peppers, à savoir un junkie notoire, destitué de son titre de génie de la six cordes et promis à une mort lente et certaine.


Il va passer les 3 prochaines années de sa vie reclus dans sa maison de Los Angeles. Ses amis, Johnny Depp et Gibby Haines des Butthole Surfers, pour une raison difficilement compréhensible, décident de le filmer, dans son élément, ou plutôt dans son taudis qui lui sert de maison, dans le but de sortir un documentaire « Stuff », malheureusement trouvable un peu partout, et difficilement regardable tant il suinte la dépression et la déliquescence de l’artiste suite à ses consommations excessives de drogue. Le film est encore plus pénible à regarder que Niandra Lades and Usually just a T-shirt pouvait l’être à écouter. On y distingue quelques ombres de Frusciante, allongé par terre, tel un mort-vivant ; on y voit surtout les murs vandalisés, tagués, les détritus jonchant le sol de ce qui semble être un squat digne de Trainspotting bien plus qu’une villa de rockstar. Difficile de comprendre la démarche derrière la réalisation de ce documentaire. Volonté de voyeurisme ? Tentative d’électrochoc ? Le fait est qu’une fois encore, c’est un fiasco sur toute la ligne.


Frusciante se replie encore un peu plus sur lui même et s’enfonce davantage dans la drogue. En 1996 Il perd toute sa collection de guitares dans un incendie qui ravage sa maison, et durant cette même année, il est victime d’une overdose qui manque de le tuer. 


C’est à cette période qu’une télé hollandaise, VPRO, parvient miraculeusement à décrocher une interview avec Frusciante, filmée, et qui montrera un homme squelettique, cadavérique, déambulant dans son salon en peignoir, l’œil hagard, allumant clope sur clope et peinant à aligner 2 phrases de suite. Sa voix est à peine audible et difficilement supportable tant elle semble provenir directement d’une cage thoracique vide, sans organes, sans air et sans espoir.


C’est dans une volonté unique et dans un but précis qu’il sort tant bien que mal son second album : continuer à s’acheter de la drogue pour pouvoir se défoncer encore plus vite, plus fort et plus profondément.


Smile from the streets you hold porte les stigmates d’un junkie en plein bad trip. Ce disque est ni plus ni moins l’expression sonore du poison qu’est l’héroïne. Criard, déstructuré, effrayant, schizophrénique, « dicté par des voix », ce second album est encore moins écoutable que Niandra Lades and Usually just a T-shirt , qui partait déjà très loin dans les délires obsessionnels et toxicomanes de Frusciante. S’il est introuvable en version physique, on le trouve sur Youtube : libre à chacun d’essayer, mais je ne le conseille pas. L’album avait été retiré du marché, comme Niandra d’ailleurs, à la demande de Frusciante, sauf que Smile from the streets you hold lui ne ressortira jamais. Si Niandra Lades and Usually just a T-shirt avait valeur parfois d’espoir, une sorte de bouée de sauvetage lancée un peu à l’aveugle, ce Smile from the streets you hold n’est qu’une déjection orale de toxicomane malsaine et bruyante.


Inutile de s'attarder donc sur ces collages sonores et bruitistes qui forment cet album. A cette période là, et à plus forte raison après avoir vu le reportage sur VPRO, on se dit que Frusciante file tout droit vers le funeste club des 27. Et puis, sans que l'on sache réellement pourquoi, sans doute à force d'être tancé, poussé et même imploré par son cercle très proche, notamment son ami Bob Forrest des Thelonious Monsters, Frusciante s'oriente enfin vers des lendemains plus sains en intégrant un centre de désintoxication à Pasadena. Nous sommes en 1998, il y restera « seulement » un mois et en sortira transformé, transfiguré par cette expérience.


S'il en ressort manifestement guéri, son discours sur ses années de junkie toutes récentes restent "perturbantes" : "Quand j'ai décidé de devenir un junkie, c'était une décision réfléchie. J'étais malheureux, sauf quand je prenais de la drogue. Donc, je devais prendre de la drogue tout le temps. Je ne me suis jamais senti coupable. J'étais toujours très fier d'être un junkie". Le sombre adage qui dit qu’au départ "on prend de la drogue pour être bien mais qu’on continue à en prendre pour ne pas être mal" se vérifie une nouvelle fois. On peut donc résolument craindre une vraie fragilité chez le bonhomme, avec une forte probabilité de rechute.


Mais entre temps, Flea parvient à convaincre Kiedis et Chad Smith de le réintégrer aux Red Hot Chili Peppers, eux qui cherchent un énième souffle depuis leur expérience en demi-teinte sur One Hot Minute avec Dave Navarro. Ce retour au premier plan s'avérera salvateur à la fois pour le groupe et pour Frusciante, qui renait de ses cendres en tant que guitariste, en tant qu'homme, et le succès de Californication lui permettra en outre de retrouver une vraie stabilité financière et sociale. Et afin de ne pas réitérer les mêmes erreurs et de garder une sorte de contrôle sur sa créativité et sur ses inspirations musicales, le groupe le laissera mener une double carrière à partir de 1999 : les hits, les stades et la gloire avec les Red Hot Chili Peppers ; l'expérimentation et surtout la liberté artistique sur ses disques solos. 


C'est sans contestation possible la période la plus faste de sa carrière, et là où ses œuvres en solo passent un réel cap, comme on le constate en 2001 avec la sortie de ce To record only water for t’en days, son troisième disque en son nom.


C’est le disque de la renaissance, le premier enregistré sans l’influence de drogues, et le témoin d’un nouveau départ, moins torturé, plus sain évidemment mais sans perdre une once de créativité.


L’album s’ouvre sur le « single » de l’album, même s’il faut être prudent avec le terme « single » lorsque l’on parle de John Frusciante et s’avère être une excellente entrée en matière pour découvrir ce Frusciante 2.0, avec cette guitare un peu cradingue, sur fond de boite à rythme bricolée mais surtout avec une vraie nouveauté chez l’artiste : de la structure et de la cohérence. Impression confirmée avec "Someone" qui sans être parfait s’écoute sans la dose de malaise inhérente aux 2 premiers albums.


Bien entendu, toujours pas l’ombre d’un riff funky, ni de démonstration guitaristique ; amateur exclusif des Red Hot Chili Peppers, continue de passer ton chemin. Deux défauts ressortent principalement de cet album. En premier lieu, le son. On est loin des productions parfaites et bien circulaires de Rick Rubin. Le son est abrupt, rugueux mais tellement supérieur aux deux albums précédents que cela participe au charme et au renouveau créatif. Ensuite, la voix. Alors non, ici pas de miaulement, de cris d’angoisses ou de borborygmes, mais « juste » sa voix, souvent haute, parfois passée dans un filtre un peu crunchy, et pas toujours très juste. Il est évident que Frusciante n’est pas un excellent chanteur d’un point de vue technique, mais l’intention et les émotions transmises viennent gommer cela assez naturellement. 


Concernant sa voix, il paie aussi ses longues années d’addiction, en plus d’avoir failli y laisser un bras, les drogues lui ont fait perdre toutes ses dents avant l’âge de 30 ans, et l’appareillage a sans doute une petite influence sur le chant et la prononciation de certaines phrases.


Comme sur ses disques précédents, tout est fait par un seul homme, et bizarrement, ça n’est toujours pas un album de guitariste. Il s’agit même du premier vrai rendez-vous de Frusciante avec l’électronique, l’album étant truffé de synthétiseurs (exemple parfait avec "Away & Anywhere" et son thème super incisif), flirtant avec la new-wave ou le lo-fi avec "Murderers" chanson chouchou des fans, instrumentale, et dont la « ritournelle » basique finira irrémédiablement par vous creuser le cerveau tant elle est efficace. Si l’album n’est pas exempt de tous reproches, et aurait gagné à être plus concis (15 morceaux tout de même), il y a des trouvailles et surtout, de vraies chansons tout simplement. Entre le folk mélancolique de "The First Season", les notes suraiguës de "Wind Up Space", on passe un excellent moment. Quelques temps forts se détachent au delà des titres évoqués, comme le parfait alliage électro-guitare de "Remain" ou encore la très minimaliste "Fallout", son chant tout en falsetto et son riff acoustique typiquement Frusciantesque, sorte de signature qu’on retrouvera sur bien d’autres morceaux plus tard. Même "Ramparts", et son interlude d’une minute n’est pas dénuée d’interêt et si l’on tend l’oreille, on entendrait presque les arabesques guitaristiques dont il nous gratifie avec les Red Hot.


Est ce du folk, de l électro, de l’acoustique ? De la musique synthétique ? C’est un peu tout ça oui. Une fois de plus, difficile de coller une étiquette à ce To record only water for t’en days, à plus forte raison quand il s’agit d’un disque d’un artiste revenu des enfers et auprès de qui on peut enfin attendre une créativité nouvelle, libératrice et surtout saine et salvatrice pour lui.


Le phoenix de Santa Monica est donc miraculeusement sur pieds et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : cette même année 2001 verra la sortie d’un nouveau disque From the sounds Inside qu’il mettra gratuitement à disposition sur son site internet, avant de se lancer 3 ans plus tard dans un pari totalement fou et à la hauteur de son immense talent...

Commentaires
MaximeL, le 22/01/2020 à 15:31
Il n'y a absolument pas de honte à avoir, les disques solo de Frusciante sont très souvent sortis en catimini, notamment les 3 ou 4 premiers. Quant à The Empyrean, sans spoiler les critiques à venir représente une forme d'aboutissement oui, même si ça n'est pas mon préféré. Merci à toi pour ta lecture et pour ton retour.
Jimmy, le 22/01/2020 à 09:18
Merci pour ces critiques à propos de la discographie atypique de Frusciante, c'est un véritable plaisir à lire ! J'ai un peu honte, mais à part son premier album Niandra et The Empyrean en 2009 (ce dernier que j'affectionne particulièrement), je ne connais pas le reste... J'attends donc la suite avec impatience pour pouvoir m'y plonger sans m'y noyer ! Merci