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Critique d'album

Sharon Van Etten


Remind Me Tomorrow


(18/01/2019 - Jajaguwar - Indie Rock - Genre : Pop Rock)
Produit par John Congleton

1- I Told You Everything / 2- No One's Easy To Love / 3- Memorial Day / 4- Comeback Kid / 5- Jupiter 4 / 6- Seventeen / 7- Malibu / 8- You Shadow / 9- Hands / 10- Stay
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"L'audacieux et résolu retour de la singer-songwriter made in Brooklyn"
Diego, le 05/11/2020
( mots)

L’artiste Sharon Van Etten s’est imposée sur la scène indie rock new yorkaise à la fin des années 2000 avec ses albums Because I Was In Love et Epic (on attirera l’attention sur ce-dernier qui contient la merveille "Love More"). Sa voix pleine de nuances et ses qualités de songwriter lui ont même permis le luxe d’avoir comme producteur de sa troisième galette Monsieur Aaron Dessner (The National). Le résultat de cette collaboration, Tramp (2012), était un mélange de la douce mélancolie folk-rock (dont le superbe duo "We Are Fine" avec Zach Condon de Beirut) et d’accents plus pêchus (Serpents). Et puis la belle et captivante Sharon nous a sorti une merveille en la présence de Are We There (2014), recueil d’hymnes Joni Mitchelliens ou Cat Poweristes plus délicieux les uns que les autres ("Tarifa", "Break Me", "Afraid of Nothing"). Le somptueux "Every Time the Sun Comes Up" lui a même ouvert la porte « grand public », via une pub pour Volvo (qu’ils ont l’air cool les gens qui écoutent du Sharon Van Etten dans leur bagnole suédoise…).


Mais voilà, un tel parcours menait l’artiste à une sorte de croisées des chemins, un piège délicat à appréhender : comment avancer lorsque l’on a atteint un sommet de son style ? Renouveler l’effort à l’identique attirerait les foudres des critiques qui y verraient une paresse, une facilité. A l’inverse, se mettre en danger, par définition, représenterait un risque considérable. 


C’est toutefois ce qu’a choisi de faire Sharon sur son dernier album, intitulé Remind Me Tomorrow. D’abord via l’art cover. Fini les tons de noirs et les semi portraits ténébreux et énigmatiques : on colle des enfants à poils dans une chambre en (gros) bordel. Sharon va nous secouer les puces, n’en déplaise à la censure puritaine américaine.


Suite à un hiatus bien mérité suite à un heureux événement, une professionnalisation dans la psychologie et un rôle convaincant dans la série Netflix The O.A. –injustement annulée, mais le débat n’est pas là- le premier single signant le retour de Van Etten dans l’actualité s’intitule justement "Comeback Kid". Des propres mots de l’artiste, c’est la première chanson gaie issue de sa production. Et ce n’est pas le seul changement notable : finie les guitares acoustiques et les introspections douloureuses, on part sur un rythme upbeat, des synthés et une énergie revancharde et franche dans l’élocution. Et ça marche plutôt bien !  On se fait effectivement secouer, et pas nécessairement de la manière dont on l’attendait. Pour le reste de l’album, on laisse un peu de côté l’aspect clairement gai (faut pas déconner non plus), et on retrouve les thèmes fétiches de Sharon Van Etten : les relations humaines (amoureuses) et leur impact sur la psyché ("I Told You Everything" – titre évocateur – ouvre l’album avec ses accords de pianos presque frappés, "No One’s Easy to Love" – titre évocateur –, enchaîne avec une basse synthé démoniaque, "Stay" – titre évocateur –, conclut l’opus avec un espoir enchanteur, où la chanteuse nous mène dans des nuages de douceur meringuée avec son falsetto impeccable, toujours nourri d’harmoniques divines avec Heather Woods Broderick). Ces titres, pris dans l’ordre chronologique sur l’album, racontent presque déjà toute l’histoire.


Et puis entre tout ça, on trouve des morceaux plus « classic Sharon », tels que "Malibu" (hormis le synthé kitschissime qui débarque dans la deuxième partie du titre – et en plus ça fonctionne plutôt pas mal), ou encore "Jupiter 4" et son ambiance obscure obsédante.


Quelques ovnis à noter : "Memorial Day" laissera les auditeurs habituels pantois, mais offre une transition appréciable à un moment clé du disque (ça reste le morceau le moins réussi cela dit) ; "You Shadow" permet à l’auteure-compositeure-interprète de se lâcher comme jamais : « You don’t do nothing I don’t do, you shadow » (« tu ne fais rien que je ne fasse, tu n’es qu’une ombre ») assène-t-elle avec hargne et conviction ! Sur "Hands", elle balance sans gêne ses paroles un brin provocatrices, ce qui fait partie également des nouveautés de ce disque.


Et puis il y a le sommet de l’album, et, selon votre serviteur, un sommet du genre sur l’année 2019 : sur "Seventeen", Sharon Van Etten en appelle aux souvenirs plein d’espoir, d’innocence, mais aussi d’angoisse de notre jeunesse, et de notre adulescence en particulier. Se parle-t-elle à elle-même, s’agit-il d’une introspection par machine à remonter le temps ? Quoiqu’il en soit, la projection est immédiate, et on se retrouve face à nous-mêmes à l’aube de notre vie d’adulte, au bord du vide, confronté au jugement de cette personne prête à bouffer le monde ; d’ailleurs était-ce vraiment le cas à l’époque ?: « I used to be free, I used to be seventeen (…) I used to be free, or was it just a dream?” (« J’étais libre, j’avais dix-sept ans, j’étais libre, où était-ce seulement un rêve ? »). Sur "Seventeen", Sharon prend des airs de Springsteen des années 2020. Un Springsteen qui cause toujours aux âmes victimes des rêves brisés par la vie et sa réalité, dopé aux arrangements et aux touches électroniques tout droits sortis de TV On The Radio. Et que c’est beau… Je vous invite à chercher des lives de ce titre, pour voir la sincérité d’une artiste qui laisse ses tripes sur scène sur le bridge… (c’est cadeau). 


Mais "Seventeen", c’est aussi une ode à New York, à ses quartiers et à ses rues arpentées par la talentueuse Sharon Van Etten (« I used to be on theses streets »). "New York I Love You, But You’re Bringing Me Down", chantait James Murphy (LCD Soundsystem); titre repris avec brio par notre héroïne (par ici). Il n’y a pas de hasard.


Pari réussi donc globalement sur cette création de qualité, on l’où apprécie le fait que les choses ont été réalisées avec conviction. On quitte cet album, les puces secouées donc, et puis excité comme elles, car on a vraiment envie de savoir où Sharon Van Etten va nous emmener pour la suite. 


On y va ensemble ?


 


 


PS : on peut mentionner également le fait que "Seventeen" a été repris en duo avec Norah Jones, en version plus lente et plus country. C’est joli, mais n’arrive pas à la cheville de l’original.


 

Commentaires
MaximeL, le 27/01/2021 à 08:57
C'est drôle je l'ai justement beaucoup réécouté en ce début d'année, et c'est un vrai bijou. Et c'est la chronique qui m'avait donné envie de me pencher dessus. Merci Diego !
FranckAR, le 26/01/2021 à 17:27
Je n'avais pas encore pris le temps de me plonger comme il se doit dans cet album. La première écoute m'avait laissé de marbre, mais je dois bien avouer qu'après avoir insisté, je suis complètement tombé sous le charme des différents morceaux qui parcourent ce Remind Me Tomorrow ! Merci Diego pour la découverte. PS : Et je confirme, The O.A. était une des meilleurs séries Netflix, dommage que la suite soit annulée…