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Critique d'album

John Martyn


Solid Air


(01/02/1973 - Island - Folk-Jazz - Genre : Chanson / Folk)
Produit par John Martyn, John Wood

1- Over the hill / 2- Don't want to know / 3- I'd rather be the devil / 4- Go down easy / 5- Dreams by the sea / 6- May you never / 7- The Man in the Station / 8- The Easy Blues / 1- Solid Air
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Du Folk-Jazz envoutant, sombre et liquide"
Guillaume , le 19/03/2023
( mots)

L’histoire du Folk regorge d’artistes fabuleusement méconnus. A la destinée aussi romanesque que tragique. John Martyn ne déroge pas à la règle.


En bon chanteur folk qui se respecte, Martyn a connu son lot de vagabondages (ses parents, séparés et chanteurs d’opéra, vivaient à Londres et à Glasgow) d’errances dans la nuée de pubs qui peuplent le Royaume. Mais il ne fait pas de vieux os dans ce parcours obligé pour les folksingers en puissance. Très vite repéré par Chris Blackwell en 1968, le boss de la compagnie Island, Martyn y enregistre ses premiers albums - dont certains, accompagné par sa femme Beverley -  sur lesquels il fait déjà parler son inimitable jeu de guitare et sa voix impeccablement timbrée, d’une grande liberté. Il expérimente l’Echoplex sur sa guitare acoustique, un système d'écho qui va enrichir considérablement sa palette sonore, immergeant certaines de ses créations dans une atmosphère hypnotique de transe électronique jamais vue à l‘époque. Ses récentes expérimentations le poussent à s’orienter vers un nouveau langage musical, d’expression plus libre, non loin du jazz. 


A cette même époque, en 1972, les mêmes remises en cause taraudent l’esprit délabré de Nick Drake. Dont John Martyn est très proche. D’où la chanson titre de l’album "Solid air", en guise de clin d'œil à son ami "Tu as vécu d’air solide, je ne sais pas ce qui te travaille à ce point". Epaulé par son fidèle ami contrebassiste du groupe folk Pentangle Danny Thompson et par quelques coulées de piano ici et là,  Martyn, armé de sa seule guitare, met au point un climat très personnel. Imaginez un univers sous-marin, sombre et organique, proche de l’onirisme. Sûr de ses capacités vocales, Sa voix se perd en grognements, hurlements, borborygmes, aux confins de l’inarticulé, à la façon d’un instrument solo comme Van Morrison pouvait le faire à cette époque-là. Les claviers liquides ne peuvent que rappeler les ultimes giclées pianistiques de Ray Manzarek sur "Riders on the Storm" des Doors. Martyn embrasse ses origines (son père était écossais) puis saute à cloche-pied dans une gigue celtique endiablée sur "Over the hill". De passage, Richard Thompson, le génial guitariste de Fairport Convention, a même sorti la mandoline pour l’occasion. "Don’t want to know" développe un groove racé, sensuel aidé en cela par les notes cristallines de piano électrique fusionnant avec les harmonies caressantes de Martyn. L’irruption de la batterie laisse place à un solo de clavier jazzy incroyable de maturité. Un vrai tour de force folk-jazz. Ne vous méprenez pas. Solid air n’est pas fait du même bois que certains albums jazz-soft rock complaisants, typiques des seventies. Sous l’apparente tranquillité, affleure toujours une tension sous-jacente prête à jaillir à la moindre occasion. Aucun signe de douceur n’est à signaler sur la terrassante relecture de "I’d rather be the devil" de Skip James. Martyn branche son Echoplex, déchaîne tous les diables de son existence tourmentée qui finiront pas le rattraper. Est-ce du Blues du delta ? Du Funk planant ? Du rock psyché gorgé de Fuzz ? Probablement un peu tout ça à la fois. John Martyn avait ce don très rare de s’accaparer totalement les chansons qu’il reprenait.


"Dreams by the sea" enfonce le même clou du dérapage lysergique avec toujours ce saisissant effet echoplex sur sa guitare Martin (il a juste changé le I en Y pour en faire son nom de scène) qui reproduit à la perfection la menace rampante d’une attaque de guitare électrique. Encore aujourd’hui, il est difficile de comprendre comment "May you never" ne figure pas dans les Tables de la Loi du Folk. Avec ce diamant brut, Martyn avait pourtant percé le secret des succès folk-pop à la Tim Hardin. A savoir l’évidence ultime, à la désarmante simplicité. Interprétation d’une grande tendresse, mélodie exquise et jeu de guitare ahurissant. Tout coule comme du miel. Le grand manitou du "Rock à papa" (j’ai nommé Eric Clapton) ne s’y est pas trompé puisqu’il se l’est réapproprié quelques années plus tard. Pour clore les débats, Martyn revient à ses premières amours avec "The easy blues", faisant étalage de son époustouflante technique guitaristique à la fois intense, percussive et gorgée d’accents improvisés…. Ce qui rend toute tentative de l’imiter totalement inepte ! 


L’insuccès chronique de John Martyn est une insulte au bon goût. Solid air restera son testament le plus éclatant et le plus accessible pour les générations futures. Sa musique habitée, tout en clair-obscur n’a pas fini de livrer ses secrets. A l’instar de la fascinante pochette de l’album qui reprend le procédé de l’effet Schlieren, méthode d’optique permettant de discerner les mouvements de l’air, normalement invisibles à l'œil nu.


A écouter : "Solid air", "Dont want to know", "I'd rather be the devil", "May you never"

Commentaires
Quentin, le 21/03/2023 à 10:44
Un grand merci Guillaume pour ta chronique de John Martyn, encore un artiste un peu maudit qui a connu une carrière vraiment chaotique. Mais quelle voix, et quel album !