On la craignait, on nous a dit qu’on allait en baver, qu’au lieu de se mettre à croire à des lendemains qui chantent il allait plutôt falloir serrer les fesses (et le porte-monnaie), cette fois-ci on y est : nous sommes bel et bien en 2009. Une année où on va plus que jamais parler de récession, dé et relocalisation, dé et restructuration, croissance et décroissance. 2009, année crise, victoire absolue des chiffres devant lesquels vont se poser des milliards de regards inquiets. Chaos économique mégalithique déclenché par un système rendu fou, tout autant hystérique quand il s’agissait hier de jouer avec les bourses que d’en préserver aujourd’hui les principales arcanes. Laissez les grands instigateurs de ce foutoir mondial régler la question, nous dit-on. Autant laisser à un pyromane le soin de régler les problèmes de déforestation en le larguant en pleine Amazonie avec une boîte d’allumettes. Bref, cette année 2009, on n’est pas vraiment pressé d’y rentrer, alors autant y aller à reculons en dressant un rapide bilan de 2008.

Une première tendance saute au visage : la victoire absolue des groupes monstres, des dinosaures vivants, des vieux briscards qui ont fait leurs preuves. Dans le genre, le hard en a tenu une bonne vigoureuse : Metallica, AC/DC et l’arlésienne Guns N’ Roses ont trusté les premières places de charts dans le monde entier et n’en finissent pas bourrer les stades. Comme si face à un climat si incertain et ces repères éculés qui se mettent à vaciller uns à uns, il n’y avait de salut que dans les vieux routiers, ceux dont on connaît les fonds de cuve par cœur. Mieux vaut se méfier de la nouveauté pour aller s’ébattre dans des sentiers certes maintes fois rabattus, mais dont on est au moins sûr qu’ils ne nous mèneront pas au bord du gouffre, tel a été l’un des leitmotivs les plus récurrents de ces derniers mois. Comment expliquer autrement le formidable accueil du dernier Oasis ? La tambouille des frères Gallagher n’a pourtant guère changée depuis des lustres, et Dig Out Your Soul n’est ni pire ni meilleur que ses prédécesseurs post-Morning Glory. Si le groupe n’a pas changé c’est donc le public ? les critiques ?

Lourdement dominée par ces titans paléolithiques, 2008 a très peu cédée aux sirènes de la nouveauté. La grosse révélation restera donc MGMT, première place des classements internationaux pour la rédaction et les internautes. Il ne faudra pourtant pas demander aux deux musiciens aux noms imprononçables de nous tracer des perspectives d’avenir. Ils préfèrent jouer à la marelle sur la plage, substituant à l’affrontement contre la réalité la quête d’une enfance fantasmée. Nous avons été quelques uns à nous prêter au jeu, sous le regard indifférent et/ou agacé des autres qui n’y ont vu que des Flaming Lips remis à la mode fluo. Ce en quoi ils n’ont pas tout à fait tort. Ailleurs, on a plutôt trouvé à boire et à manger auprès de groupes solides, constants dans l’excellence. Le hard vintage se porte bien, qu’il se frotte au psychédélisme flyodien (Black Mountain et leur second et fantastique album, à la première place dans le palmarès de deux de nos rédacteurs), qu’il se déguste sauce Mariachi (The Raconteurs) ou retrouve les joies du shredding et de la descente de gammes pentatoniques (Metallica). Le rock indie s’ébat avec bonheur : VV et Hotel découvrent les joies de la mélodie (The Kills, première place dans deux palmarès rédacteurs), The Last Shadow Puppets remet au goût du jour le lustre des productions pop sixties, Beck, Dandy Warhols et Hoosiers font varier les plaisirs. Là encore, les vieux de la vieille démontrent qu’ils n’ont pas encore dits leur dernier mot : Portishead efface 10 ans de silence avec brio avec un magistral Third, Melvins et Sonic Youth pilonnent les décibels et maintiennent toujours l’attention en dépit de leurs discographies pléthorique au sein desquelles on n’a pas fini de se perdre.

Si les différences entre les choix de la rédaction et des internautes reste minime sur le plan international, c’est véritablement l’éclatement quand on se pose sur le sol français. Les internautes préfèrent rester sur les terres de la chanson française habitée et extra-terrestre (Alain Bashung, Thomas Fersen, Saez, Julien Doré). La rédaction choisit massivement Frustration, sombre post-punk qui cingle le visage comme un brutal uppercut. Ensuite, nos forces vives ont opté pour le papillonnage, jonglant entre univers mutants (Ez3kiel, Cheveu, Mr. Lab), sonorités anglo-saxonnes (The Do, John & Jehn, The Teenagers), et chansons crépusculaires (Alain Bashung, Daniel Darc). Au final, on reste le cul coincé entre besoin de renouveau et attrait pour les bonnes vieilles sensations. Autant ne pas choisir et entrer en résistance, refusant le déclinisme ambiant pour lui préférer la recherche obstinée de ce que le présent peu offrir de meilleur. Le rock a toujours été un compagnon idéal quand il s’agissait d’améliorer l’ordinaire, voire de le sublimer. Ça fait plus de 50 ans que ça dure, aucune raison que ça s’arrête maintenant. Espérons que 2009 nous fournira quelques munitions supplémentaires pour prendre le maquis.

Bonne année à vous tous.