AlbumRock a rencontré Benjamin Lebeau et Guillaume Briere du groupe The Film à quelques heures de leur concert au Cabaret Run Ar Puns de Chateaulin.

AR : Vous venez de sortir votre premier album il y a un mois mais vous n'êtes pas pour autant à votre premier coup d'essai dans le monde de la musique ?

B: En fait, on se connaît depuis 17 ans avec Guillaume donc on a eu le temps d'explorer plusieurs styles de musique. On vient de Reims, on s'est connu là bas. On a déménagé à Bordeaux il y a 6 ans ensemble et c'est là qu'on a commencé à faire de la musique ensemble. Puis The Film est né il y a 2-3 ans.

G: C'est vrai qu'avant on a fait pas mal de choses, on a eu un parcours musical assez classique c'est-à-dire groupe de lycée. On faisait des reprises de Nirvana, des trucs de notre génération que tout le monde a fait.

AR : Benja & Fatalis c'était quoi pour vous ?

G: Quand on s'est retrouvé à Bordeaux il y a 6 ans, on a décidé de monter un studio ensemble, de mettre du matériel en commun, pour produire notre propre musique. On a eu l'opportunité de rencontrer Zimpala à Bordeaux qui nous ont proposé de faire des morceaux pour le collectif. Nous on commençait à grandir un petit peu donc ça nous intéressait de nous investir dans ce projet là. Entre guillemets, se faire la main dans divers domaines de production c'est aussi pour ça qu'on est arrivé à faire des musiques auxquelles on aurait jamais pensé toucher : musique électronique ...

B: C'était une sorte d'initiation au home studio. On s'est plongé vraiment dans ce créneau là pendant quelques années. G: Celà nous a permit aussi d'exister, de sortir des disques, d'avoir l'excitation de la sortie de ton disque. Mais on a eu envie au bout d'un moment de faire notre propre musique et non pas au sein d'un collectif. C'est pour cela qu'on a créé The Film.

AR : Vous produisez ?

B: Oui, on a tout fait à la maison, enregistrer, mixer sauf le mastering qu'on a laissé à d'autres.

AR : Et le nom The Film, ça vient d'où ?

G: Ce n'est jamais facile de trouver un nom de groupe ...

B: Il faut absolument qu'on trouve une histoire originale à raconter...

G: C'est vrai que là il n'y en a pas tellement. On cherchait un nom, on a trouvé ça, ça plaisait à tout le monde, c'était court, international ...

AR : C'est assez générique quand même ...

B: Mais aussi mystérieux, on ne sait pas trop, c'est intriguant ...

AR : Vous vous cachez derrière cela ? Déjà à la vue de la pochette du disque, on ne voit pas vos visages, on ne sait pas qui vous êtes ...

B: Il y a quand même une petite photo à l'intérieur ...

G: Faut prendre le temps d'ouvrir le livret (rires)

AR : Oui c'est vrai mais si on compare à d'autres qui jouent vraiment sur le créneau rock star, vous êtes assez discrets ...

G: Ce n'est pas vraiment qu'on n'aime pas mais c'est notre premier disque, on ne veut pas arriver, se la jouer. On a sorti notre premier disque sans même un titre, il s'appelle " The Film " tout simplement. On voulait quelque chose de vraiment simple et minimal en terme de visuel. B: Après en concert, on se montre, on fait notre boulot sur scène. Peut-être que sur le prochain disque, on posera comme des divas, sur un canapé en mangeant du raisin (rires)

AR : La pub pour la 407, ce fut un formidable coup de pub pour vous ...

G: Forcément, ça rend ta musique accessible, pleins de gens l'entendent et la reconnaissent. Ca nous a donné une crédibilité tout de suite au niveau des maisons de disque parce qu'on ne trouvait pas de maison de disque. A chaque fois on nous disait que c'était bien mais qu'il fallait chanter en français.

AR : Ca marche avec les belges mais pas avec les français ?

B: C'est ce qu'on pense aussi.

G: La pub a permis d'autofinancer le groupe. Faut pas le cacher ça nous a rapporté de l'argent, pour acheter du matériel, pour produire notre disque, pour pas bosser au mcdo. On a décidé de consacrer notre vie à The Film. Cette pub nous a fait passé un cap décisif.

AR : Comment justement vous est venu cette opportunité avant même la sortie de l'album ?

G: " Can you touch me " avait déjà été distribué en autoproduit. Il était même sur une compil de DJ Zebra « dance to the underground » donc il a été repéré. L'agence de pub avait eu ce disque en possession et comme ils cherchaient désespérément une musique. Ca c'est fait comme ça.
B: C'est un peu un miracle : quand on calait notre musique sur la pub, le hasard faisait qu'au niveau des changements de plans, tout s'imbriquait parfaitement. Donc ça a été une sorte de miracle ...

AR : Pour eux comme pour vous ?

G: Surtout pour nous parce que eux ne sont pas trop à plaindre. Mais ils étaient contents quand même surtout que la pub a fonctionné et remporté des prix ...
B: Là où on a eu de la chance c'est qu'ils voulaient acheter « Seven Nation Army » des White Stripes qui eux n'ont pas besoin de trop d'argent. Eux ont refusés donc on a eu cette opportunité.

AR : Ils n'achètent que des duos chez Peugeot ? (rires)

G: C'est vrai, Stone et Charden ont leur chance, on va leur proposer (rires).

AR : A ce propos, dans le rock, le duo est assez rare. On remarque tout de même que vous avez un batteur sur scène, vous vous considérez comme un duo ou un trio ?

G: Sur ce disque là on est duo, c'est un projet qu'on a mûrement réfléchi à deux. Par la suite, on a peut-être envie de s'agrandir un peu, de travailler avec d'autres gens. Sur scène, ce n'est pas un duo, d'habitude on est même quatre, avec un saxophoniste. Mais il y a quelques duos dans le rock.

AR : Il faut faire beaucoup de choses en même temps ?

G: Oui il faut être homme orchestre un peu.

AR : Quel était votre état d'esprit lorsque vous avez sorti cet album, étiez vous stressés ?

G: Un petit peu, on était content, excité de voir l'accueil et un peu le stress aussi. Mais même si ce disque là n'est sorti qu'il y a un mois, pour nous cela fait un an qu'il est fini.
B: On était plutôt impatient.
G: Nous on l'a digéré depuis longtemps donc pour répondre à ta question : petite angoisse mais beaucoup d'excitation à la sortie.

AR : Et ça marche, vous avez des retours sur les ventes ?

G: On en est à 800 000 à peu près, on frôle le disque d'or (rires).

AR : C'est vrai que vous êtes dans la bonne mouvance parce que le rock électro a le vent en poupe...

G: Je ne qualifierais pas trop notre musique de rock électro.
B: De toute façon on ne sait pas la qualifier notre musique.
G: Disons que c'est du rock fait dans un home studio de manière un peu électronique.

AR : C'est vrai que vous êtes issues un peu des deux mouvances ...

G: Oui c'est clair mais à l'écoute du disque, je ne pense pas qu'il y ait de sons électros vraiment frappants.
B: Je crois que de toute façon, il n'y a plus tellement de barrières entre le rock et l'électro. Dans le dernier album de The Hives que j'adore, ils ont fait plein de bidouilles un peu dans tout les sens, ils ont coupé des trucs à l'ordinateur. Donc je pense que maintenant il n'y a pas tellement de limites. Les mecs qui font de l'électronique mettent des guitares un peu partout. Il n'y a plus vraiment de barrières : c'est juste de la musique.

AR : Pour revenir à ces références rock, ce qui crie, je trouve, sur cet album c'est l'influence Bowie, dans la voix, dans les mimiques vocales, est-ce que vous revendiquez cette ressemblance ?

G: On adore Bowie. On nous dit le souvent mais ça n'a pas été un parti pris.

AR : Lequel des deux a la voix de Bowie ?

G: C'est lui. Moi j'ai la voix à Démis Roussos (rires).

AR : C'est vrai qu'on est assez dérouté parce que vous faites tout l'un et l'autre.

G: Oui, je trouve ça assez rigolo. Sur scène je fais la guitare, lui fait la basse. Mais sur le disque il y a des morceaux où c'est lui qui fait la guitare et moi la basse. Il chante un petit peu plus quand même puisqu'il ne veut pas me laisser chanter.

AR : On aime une chanson plus particulièrement, " Ou est le plaisir " la seule chanson en français de l'album. C'est le fruit d'une expérience personnelle ?

G: Oui c'est un peu autobiographique, on est des fétards, on aime bien les endroits un petit peu sombre ...

AR : Vous touchez des royalties avec Zubrowska ? (rires)

B: Non même pas, on a fait ça exprès pour être sponsorisé et puis ça ne marche pas. Sinon nous on écoute aussi beaucoup de chansons françaises, Gainsbourg, Polnareff et donc on avait le souci d'écrire aussi en français mais c'est assez exigeant comme langue. En plus, la musique qui nous vient spontanément est une musique assez anglo-saxonne. Donc on a adapté une musique spécifiquement pour la langue française sur ce morceau.

AR : Vous avez hésité à mettre ce morceau sur l'album ?

B: Oui un peu, il détonne mais en même temps, de tous les morceaux en français qu'on a fait c'est celui-ci qui s'accorde le plus avec l'album.

AR : C'est risqué c'est vrai, moi je le trouve personnellement excellent mais par rapport au reste de l'album c'est déroutant.

G: T'as l'impression qu'il y a eu un problème de gravure (rires)
B: En même temps ce n'est pas une grande chanson à textes, c'est quand même un peu ludique donc dans l'esprit de l'album ça s'intègre quand même bien. C'est le côté ludique qui les rassemble.
G: C'est quand même un peu de la fiction, l'histoire d'un mec qui se prend des râteaux alors que nous, ça nous arrive jamais (rires). Sur tout le reste de l'album, c'est quand même une musique assez frime, avec des paillettes à la con. Donc ce morceau là c'est une façon de contrebalancer un petit peu, le côté frimeur etc... qui est de la fiction d'ailleurs.

AR : Vous avez des idées pour le prochain album ?

G: Oui on a déjà plein de morceaux.

AR : On va en entendre ce soir ?

B: Oui il y a des morceaux qu'on va jouer qui ne sont pas sur le disque.

G: Il y en a même qui sont sur le disque et qu'on ne va pas jouer. Comme on vous a dit, ce disque pour nous il est fini depuis un bout de temps donc on est déjà impatient de plancher sur le prochain.



AR : Vous avez déjà fait pas mal de dates en France, comment percevez-vous l'accueil du public ?

B: De mieux en mieux, c'est vrai que depuis la sortie du disque, la fréquentation est de plus en plus importante. Ce n'est pas encore énorme mais on a un très bon accueil en général. Vu qu'on arpente tous les petits clubs de France, on commence à se faire un petit public.
G: On a fait au moins 50 ou 60 dates avant que le disque ne sorte, on a quand même un gros travail en amont du disque, on s'est fait entendre un peu partout. Ca fait plaisir c'est comme si on avait semer des petites graines et maintenant on revient dans certains endroits, les gens nous connaissent un peu mieux, nous ont déjà vu.
B: Comme hier, on a joué à Lorient, il y avait des gens qui nous avaient vus à Ancenis et qui revenaient nous voir, c'est très touchant.

AR : Ca tape à vos loges ou pas encore ?

G: Non ... non ...
B: Mouais ...
G: Bon ça arrive un peu ! (rires)

AR : Pour revenir à vos débuts, Benja & Fatalis, on a été surpris parce que dans le dossier de presse, c'était écrit que vous étiez connu en Asie du Sud et au Moyen Orient ...

G: Ca ce n'est qu'un tissu de mensonges !

AR : Ca a été repris par tous ...

G: C'est une grosse connerie. Sur le dossier de presse, on a eu la chance que le texte soit signé de Patrick Eudeline dont on est d'ailleurs assez fan. Et y a un malade du management qui s'est amusé à rajouter ce petit texte de m...
B: C'est vrai qu'à chaque fois on y a droit, " vous êtes des grands voyageurs ... "
G: Et personne ne nous dit que Patrick Eudeline a écrit un super texte sur vous, tout le monde se focalise sur cet extrait. Donc merci Fabrice !

AR : Ca vous dérange qu'on qualifie votre musique de rock anglais ?

G: Non, il y a plein de gens qui pensent qu'on est anglais.
B: Ils nous entendraient parler anglais déjà, ils changeraient d'avis (rires).
G: Ca ne nous dérange pas, c'est quelque chose qui est venu comme ça, on écoute beaucoup de musiques anglo-saxonnes. Ca s'est fait naturellement.

AR : Vos références musicales ?

G: Il y en a énormément ... Bowie, T Rex, Roxie Music, Madness, The Stranglers, The Beatles, The Rollings Stones

AR : Les bonnes bases !

G: Les bonnes bases oui, que des belles choses !

AR : Vous écoutez quoi en ce moment ?

B: En ce moment, j'écoute Captain Beefheart, un groupe qui faisait la première partie de The Doors à l'époque.
AR : Et dans les nouveaux groupes qui commencent à poindre ?

G: J'aime beaucoup le premier groupe de rock signé par Warp qui est Maximo Park. Il y a deux trois morceaux sur le disque qui sont fabuleux ! Il y a aussi The Zutons, The Libertines, Franz Ferdinand...
B: Mais en général on achète quand même des disques qui ont plus de trente ans. On va fouiller un peu dans les vieux groupes ...
G: C'est assez passionnant parce que tu pars d'un truc connu comme le Velvet Underground et puis en se documentant, tu rebondis sur des groupes moins connus etc. ... c'est sans fin !

AR : Vous n'écoutez votre propre musique ?

G: Absolument pas !
B: Moi j'ai écouté le disque une fois ...
G: Je ne supporte pas ça. Quand on met notre disque dans une soirée, je suis toujours super gêné, je n'aime pas ça.
B: En général on fait le morceau, étant donné qu'en plus on produit, on l'a en boucle en permanence. Donc des fois on laisse 6 mois sans jamais le réécouter pour avoir un peu de recul, être objectif.

AR : Vous arrivez à faire votre autocritique sur un album ?

B: C'est assez dur mais maintenant on commence à voir un peu ce qu'il vaut.
G: C'est l'avantage d'être deux aussi, c'est d'être le gardien du mauvais goût de l'autre !

AR : Est-ce que vous connaissez le groupe qui passe après vous ? (Hollywood Porn Stars)

G: Absolument pas ! J'ai juste vu le clip et c'est tout. Vous connaissez, vous ?

AR : Un petit peu : c'est du rock belge quoi ! (rires) Eux ont une légitimité à chanter en anglais...

G: Alors qu'ils parlent français comme toi et moi ! Eux, on ne leur prend pas la tête !

AR : C'est vrai que c'est étonnant : en Belgique la quasi-totalité des groupes de rock chantent en anglais.

B: Mais en France ça se décomplexe un petit peu. Mais c'est vrai qu'on a joué à Bruxelles il y a deux semaines et musicalement ce n'est pas la même ambiance qu'en France.

AR : C'est-à-dire ?

G: Il y a moins de complexes ...
B: Peut-être qu'aussi qu'ils ont moins l'héritage. En France il y a Gainsbourg, Brel ...
G: Brel il était belge ! (rires)
B: Mais bon moins l'héritage de cette grande chanson française que nous on adore.

AR : Vous allez continuez les chansons en français dans le prochain album ?

G: Peut-être que oui, peut-être que non ...

AR : Merci The Film !

G,B: Merci Albumrock