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Une année s’achève, une autre commence, et le monde continue de tourner. Malgré Charlie, malgré le Bataclan, malgré la Promenade des Anglais. Nous avions entamé notre analyse des sacro-saints Albumrock Awards de 2015 sur un ton solennel, la tragédie du 13 novembre encore douloureusement inscrite dans nos coeurs, et déjà nous pleurions Lemmy Kilmister et David Bowie, deux stars éternelles qui nous avaient malencontreusement quittés dès le début du mois de janvier. Un an plus tard, nous pourrions parfaitement vous tenir le même discours, d’autant que d’autres grands noms sont allés rejoindre les étoiles, et pas des moindres. Keith Emerson. Prince. Greg Lake. Leonard Cohen. George Michael. Rick Parfitt. Jimmy Bain. George Martin. Glenn Frey. Piotr Grudzinski. Le groupe Viola Beach au grand complet. On pourrait continuer encore longtemps cette liste et s’apitoyer sur le triste sort qui attend le rock à moyenne échéance, car ne nous leurrons pas : même si leur musique demeurera éternelle, les musiciens finiront tous par rendre l’âme, et le rythme des trépas devrait mathématiquement s’accélérer dans les années à venir. On s’étonne même de voir encore tourner les Rolling Stones, les Who, Paul McCartney, Bob Dylan, Black Sabbath, Deep Purple ou Ian Anderson. Mais ne jouons pas les oiseaux de mauvais augure. La vie est ainsi faite, et si l’on pourrait évidemment pleurer sous le coup des mauvaises nouvelles qui ne manqueront pas de s’accumuler durant les douze prochains mois, il n’est pas interdit d’accepter sereinement cette fatalité. Qu’on le veuille ou non, les gloires du passé tomberont et pourront dès lors entrer pleinement dans l’histoire. Il ne tient qu’aux jeunes générations de prendre leur relais.

Parlons-en, de ce relais, à l’heure d’un bilan 2016 qui, de l’avis général, s’est révélé un cru plutôt mauvais, voire même très mauvais pour certains, alors qu’au contraire 2015 nous avait plutôt enthousiasmés. De fait, nous avons eu toutes les peines du monde à nous enticher de coups de coeurs faisant fi des traditionnelles frontières qui jalonnent le territoire de la rock music. C’est un - triste - fait : aucun acteur ayant émergé au cours de la décennie 2010 ne nous a pleinement convaincus cette année. Paresse journalistique ? Peut-être, mais votre classement à vous autres lecteurs, sensiblement superposable au nôtre, tend à nous donner raison. Pour être tout à fait honnête, vous avez quand même tenu à célébrer un premier album au sein de vos votes, Do Hollywood des Lemon Twigs. Disque à côté duquel nous sommes allègrement passés, nous voulons bien l’admettre, mais la réécoute à froid des émoluments psyché-pop du duo de Long Island, tout encensé qu’ils fut par les Inrocks, ne nous a pas franchement emballés. Au bénéfice du doute, on veut bien se repencher encore un peu dessus durant les semaines à venir. Mais avouez qu’une seule réelle nouveauté remarquable sur toute l’année, c’est bien peu au regard des dizaines de géants qui sont récemment passés de vie à trépas.

Dans ce contexte morose pour les jeunes pousses, pas étonnant que les vieilles branches demeurent toujours aussi solides. C’est donc sans aucune contestation possible que Radiohead a remporté haut la main le palmarès de 2016. Si la bataille a pu s’avérer un tantinet serrée à la rédaction, vos votes à vous autres lecteurs sont sans appel, le quintette d’Oxford récoltant deux fois plus de suffrages que votre choix numéro deux. Il faut bien reconnaître que Thom Yorke et ses sbires ont cette fois-ci fait taire les critiques qui avaient émaillé la réception en demi-teinte de leur précédent Roi des Aulnes, jugé trop abscons, trop électronique, trop touffu, trop cérébral. Dès lors, il ne sera pas dit que les anglais n’auront pas entendu les critiques qui leur furent adressées tant il est vrai qu’A Moon Shaped Pool s’avère éminemment plus charmeur que The King Of Limbs. Le talent de songwriting de Yorke et les superbes arrangements symphoniques de Greenwood auront su faire la différence, et avec la manière. Alors que Radiohead affiche désormais plus de vingt années de carrière au compteur, on gage qu’ils sauront encore bâtir bien d’autres monuments à la gloire de la musique contemporaine, et tant pis pour leurs contempteurs et tous ceux qui regretteront encore une fois leur désamour pour la guitare électrique et le rock plus charnu. Après tout, il n’est pas dit qu’un véritable successeur à The Bends ne verra jamais le jour.

Continuons avec nos vieilles branches, et notons au passage qu’il est tout de même rare qu’elles parviennent pleinement à combler nos attentes. On attendait de pied ferme le White Album de Weezer ? Rivers Cuomo a répondu présent, confirmant le net regain de forme des bostoniens après un Everything Will Be Alright In The End aux petits oignons. Porté par ses chansons lumineuses, ses atours sonores musclés et son écriture redoutable, l’album blanc arrive quatrième de notre classement, et même s’il échoue à se hisser sur les ultimes marches de votre côté, c’est d’un chouïa, soyez-en assurés. Autre groupe dans lequel nous placions beaucoup d’attentes, Black Mountain a renoué avec le rock heavy et psychédélique qui avait fait notre bonheur sur In The Future. Bien que moins réussi que son grand frère, IV parvient sans problème à éclipser le peu reluisant Wilderness Heart et nous redonne foi en ce collectif de Vancouver qui, espérons-le, nous livrera encore bien d’autres pépites. Une sixième place méritée, tant du côté des lecteurs que des rédacteurs. N’oublions pas non plus The Kills qui, en versant leurs cendres sur la glace, ont livré un nouvel opus solide, plutôt meilleur que le précédent (Blood Pressure) et permettant au garage rock du couple Jamie Hince - Alison Mosshart de se refaire une place au soleil (Ash & Ice, quatrième au classement des lecteurs). Place enfin, pour le coup, à deux vieux de la vieille, David Bowie et Iggy Pop. Si le premier a pu nous livrer son étoile noire avant de trépasser - et on ne doute pas que cette dernière scintillera à jamais au firmament tant la musique du Thin White Duke, étrange et sophistiquée, semble avoir fait preuve sur ce disque d’une grâce toute particulière -, le second s’est refait une santé aux côtés de Josh Homme avec un Post Pop Depression aux accents de Queens Of The Stone Age qui n’a pas été pour nous déplaire, ni vous non plus d’ailleurs. Blackstar se classe septième de notre top, et vous avez propulsé l’iguane et le grand roux de Palm Desert à la troisième place de vos votes (dixième choix des rédacteurs).

Et c’est à peu près tout pour le rock tout venant. Pas de Nick Cave & The Bad Seeds malgré l’accueil délirant qui lui a été réservé partout ailleurs, mais soyons honnêtes : son Arbre Squelette, particulièrement déprimant, n’était sans doute pas le disque que nous avions envie d’écouter à l’heure où l’Angleterre claquait la porte de l’Europe et où l’Oncle Sam élisait un milliardaire raciste imbécile aux plus hautes fonctions de son appareil d’état. Pas de Savages - mais qu’il aurait été difficile d’égaler Silence Yourself -, pas de Bon Iver ni de Parquets Courts (le nouveau groupe hype surcoté de 2016), de Twin Peaks, de Wilco ou d’Angel Olsen. Qui plus est, pas de Frank Ocean, de Rihanna, de Chance the Rapper ou de Beyoncé, puisque c’est d’eux qu’il est question chez nos confrères. Aucun de ces disques ne nous a emballés, quand déjà nous avons eu envie de les écouter. Autant se renommer Albumpop ou Album-mainstreamshittymusic, non mais. Au lieu de ça, vaches maigres obligent, nous avons choisi de nous retrancher derrière nos barricades spécialisées.

Quid du cru metal de 2016 ? Pas trop mal, en témoigne la place de choix que nous avons accordée à Avenged Sevenfold avec un The Stage arrivé à l’improviste à la fin de l’année qui a séduit les adeptes de la première heure. Savant mélange de heavy metal à l’ancienne, de progressif et de metalcore mélodique, ce septième album du type vengé sept fois termine à la deuxième place de notre classement et a même un temps fait trembler Radiohead sur son piédestal. En lieu et place d’AS, vous avez donné votre préférence au dernier opus des landais de Gojira, avec un Magma certes plus accessible mais qui vous a hautement convaincus, en témoigne la cinquième place que vous lui avez accordée. En revanche, le Hardwired… To Selfdestruct de Metallica ne vous a pas plus intéressés que nous. Dommage quand on songe au statut désormais quasiment divin dont jouissent les Four Horsemen qui, et c’est véridique, vendent maintenant leurs places à près de 200 euros l’unité - prix constaté pour leur concert de Bercy le 27 septembre prochain. Ils se prennent pour les Rolling Stones ou quoi ?

Côté Sludge, le Purple de Baroness, sorti en décembre 2015 (et éligible de fait aux votes de 2016, eh oui) a retenu toute notre attention (numéro 5 de la rédaction) tandis que vous l’avez oublié, sans doute sans le faire exprès. En tout cas, le quatrième album de John Baizley, enregistré dans des conditions difficiles après que le groupe ait eu à souffrir d’un très grave accident de la route, permet à sa baronne pourpre de briller de mille feux, présageant vraiment le meilleur pour cette scène de Savannah qui demeure encore vivace. Quant au blues-hard rock, le fait est là : lorsqu’il est bien troussé, il séduit plus que jamais. Rival Sons et The Temperance Movement, de part et d’autre de l’Atlantique, prouvent qu’un pieux retour aux sources des 70’s peut constituer la formule gagnante. On peinait à adouber sans réserve le revival hard de la décennie précédente ? Il semblerait que ces deux groupes qui ont fait de l’ours blanc leur emblème de 2016 - les premiers en ont dessiné un sur l’artwork d’Hollow Bones tandis que les seconds ont carrément appelé leur disque White Bear - satisfassent enfin notre soif d’un son puissant mais sensible. Et on serait surpris que les fils rivaux et que le geste de modération aient encore accompli leurs plus hauts faits d’arme.

Reste une chapelle qui, cette fois-ci encore, a recueilli un certain nombre de nos (et de vos) suffrages : le rock progressif. On ne saurait s’en étonner tant 2016 a été riche dans ce créneau, plus encore que 2015 - ce qui n’est pas peu dire. Vainqueur par KO dans ce secteur, Bruce Soord et son Voleur d’Ananas se taillent l’une des places de choix de ce classement, avec il est vrai un Your Wilderness particulièrement brillant et touchant du bout des doigts la propre légende qu’ils s’étaient bâtie chez Cyclops il y a déjà presque dix ans de cela, bien aidé par le renfort inopiné de Gavin Harrison, le fabuleux batteur de Porcupine Tree. Respectivement deuxième et troisième de ces Awards, The Pineapple Thief a lancé ici un gros pavé dans la mare. Et pour conclure votre palmarès, vous avez réservé de belles places d’honneur à deux réussites non moins belles, FEAR de Marillion (n°9) et Sorceress d’Opeth (n°10), prouvant ainsi que, dans deux styles radicalement différents, le rock progressif a encore de bien jolies choses à nous livrer.

Et 2017, nous direz-vous ? Eh bien sachez d’ores et déjà que 2017 s’annonce mieux, mais alors beaucoup mieux que 2016. Jugez plutôt : alors que le troisième opus de The xx vient tout juste de sortir, nous attendons de pied ferme de nouvelles productions studio de la part de U2, Bruce Springsteen, Beck, Dan Auerbach, Arcade Fire, Queens Of The Stone Age, Arctic Monkeys, Marilyn Manson, The Offspring, Gorillaz, Depeche Mode, Mastodon, Royal Blood, Japandroids, Modest Mouse, The Shins, Spoon, Steven Wilson - en solo et avec Blackfield, carrément -, Rammstein, System Of A Down, At The Drive-In, Alice In Chains, Soundgarden, Incubus, The Offspring, X Japan (reformation après 20 années de séparation pour les chantres du Visual Kei), A Perfect Circle, Crystal Fairy (l’association Omar Rodriguez-Lopez - Terri Gender Bender - The Melvins), Amplifier, et on devrait même voir arriver de nouvelles choses du côté de chez LCD Soundsystem, Nine Inch Nails, voire Tool qui va bien finir par mettre fin à ses interminables sessions studios. Vous imaginez ! Nous n’allons plus savoir où donner de la tête. Et si là-dessus Axl Rose, Duff et Slash remettaient le couvert en studio avec les Guns N’ Roses ? Nous n’en sommes qu’au stade des rumeurs, mais elles vont bon train, inutile de vous le dire. Par ailleurs, on guettera les reformations de Ride et Slowdive afin de voir si le shoegaze a encore quelque chose dans le ventre vingt cinq ans après son avènement, sans compter le retour très attendu des frères Reid et de leur Jesus & Mary Chain, source d’inspiration s’il en est des shoegazers. Bref, vous l’aurez compris, 2017 s’annonce sous d’excellents auspices.

Encore faudrait-il que nous puissions traiter toutes ces sorties, et c’est bien là que le bât blesse. Reprises d’études, mutations professionnelles, aléas familiaux, soucis de santé, tel est le lourd quotidien d’un webzine amateur sans cesse en manque de chevilles ouvrières, de plumes acérées, d’oreilles fines et de langues bien pendues. C’est la raison pour laquelle, en raison d’une diminution assez inopinée de nos rédacteurs à la fin de l’année dernière, nous lançons une nouvelle campagne de recrutement. We need you ! Si vous aimez le rock, que vous savez écrire et que vous voulez vous lancer dans l’aventure du webzinat, n’hésitez pas à tenter votre chance pour venir grossir les rangs d’Albumrock : nous vous accueillerons à bras ouverts. Critiques, live reporters, interviewers (habitant sur Paris pour ces derniers), community managers, monteurs vidéos, nous sommes preneurs de toutes les bonnes volontés. Rendez-vous sur notre page de recrutement, remplissez notre questionnaire, écrivez une belle critique, et envoyez moi le tout : je ne manquerai pas de vous répondre. Sachez que nous planchons d’ores et déjà sur deux dossiers traitant l’un de classic rock, l’autre de post punk, et que nous comptons enregistrer prochainement un podcast qui sera axé sur un célèbre groupe de metal (les paris sont ouverts). Vous le voyez, si nous ne manquons pas d’idées, nous sommes en demande de sang frais, et il ne tient qu’à vous de nous en fournir.

Bonne année à toutes et à tous, and forever more, keep rocking.

Nicolas