Palmarès de la rédaction et des visiteurs
Albumrockeurs, Albumrockeuses,

Quand est venue l’idée de réaliser un dossier pour les cinquante ans de l’année 1970, l’enthousiasme était partagé à la rédaction, même si certains s’abreuvent largement dans la musique de cette décennie quand d’autres n’y font que des détours plus sporadiques. Par contre, tous, nous sommes convaincus de la richesse et de l’importance de cette année et de la période qu’elle ouvre dans l’histoire du rock. Les 1970’s sont sûrement le moment d’effervescence le plus intense de l’histoire de cette musique qui gagne alors en puissance, en complexité, en diversité, en extension géographique … Cette variété est reflétée par les presque 70 chroniques qui composent ce dossier : s’il manque évidemment de nombreuses productions, nous pouvons être fiers du travail accompli.

Par ailleurs, au regard des résultats du vote, mais nous y reviendront, on peut se demander quand commencent les années 1970, si l’on prend comme perspective l’histoire du rock. Vous le savez peut-être, mais la périodisation est relative au sujet traité : en histoire politique et diplomatique, on fait ainsi souvent finir le XIXème siècle en 1914 plutôt qu’en 1899 et le XXème siècle en 1991. En ce qui concerne le rock, les années 1970 pourraient bien commencer en 1968 ou 1969 : après tout, c’est à ce moment qu’émergent le rock progressif et le hard-rock qui dominent la décennie. C’est aussi la naissance des grands groupes du début des 1970’s qui tiennent le haut du pavé dans ce classement.

Venons-en à celui-ci. Il nous a paru évident de faire participer nos lecteurs à ce projet en leur demandant de voter pour leur cinq ou dix albums préférés. Contrairement aux Awards, les votes de la rédaction étaient mêlés à ceux des visiteurs. Techniquement, nous offrions de 10 à 1 point par album, de façon décroissante, selon la place dans les classements respectifs. En tout, 63 albums ont été mentionnés, nous n’avons gardé que les 20 premiers, un nombre suffisamment élevé pour atteindre un classement diversifié.

En effet, si l’on s’intéresse de près au top 10, il y a finalement peu de surprises et dans le détail, cela est encore plus éloquent. Si Led Zeppelin III est premier, il l’est avec une large avance et a été clairement plébiscité : il a obtenu 201 points, quand Paranoid et In Rock (les deux suivants) sont dans les 130 points. Les résultats témoignent de l’accomplissement du hard-rock encore balbutiant avec les deux premiers Black Sabbath dans le top 5 (Nicolas, auteur d’un ouvrage sur le groupe, doit être ravi) ainsi que l’opus initial du Mark II de Deep Purple. C’est de ce côté que l’héritage de l’année 1970 se trouve.

Néanmoins, les formations un peu plus anciennes, celles ayant marqué la seconde moitié des années 1960 (voire la première), étaient encore en forme et capables de proposer des albums d’une grande qualité. Preuve en est de la place de Morrison Hotel (6e), de l’ultime Beatles (10e) ou du Live at Leeds (11e). De même, le folk-rock américain et les différentes faces de la scène californienne sont solidement installées : deux productions de notre poète canadien Neil Young (Déjà Vu et After the Gold Rush, respectivement 8e et 13e), Cosmo’s Fatory (7e, Pendulum n’ayant été mentionné qu’une seule fois) et bien sûr le fameux Twelve Dreams of Dr. Sardonicus de Spirit (14e), dont je dois dire que la réception parmi vous a été une grande satisfaction. On retrouve aussi des vétérans de Woodstock, festival auquel avaient participé Jimi Hendrix et Santana, également dans le top 20.

Un autre élément très saillant mérite notre attention. Bien qu’Atom Heart Mother soit à une place très honorable, le rock progressif est très peu représenté, d’autant plus que l’inscription des Pink Floyd dans ce genre est toujours propice à des débats byzantins (quoique pour cet album, il ne semble pas qu’on puisse tourner trop longtemps autour du pot). Certes, Trespass, le tournant progressif de Genesis, et le premier Emerson Lake & Palmer sont dans ce classement, mais à des places relativement basses. Le rock progressif n’apparaît réellement que dans la suite de tableau (5 des dix albums suivants, dont les deux King Crimson). Il est clair que d’autres chefs-d’œuvre, peut-être supérieurs, apparaissent dans les années ultérieures, et que cela explique en partie cette faible représentation du genre. En tout cas, il ne semble pas que le rock progressif trouve ici un retour en grâce.

Que reste-t-il de l’année 1970 cinquante ans plus tard quand il s’agit du rock ? Voilà peut-être ce que nous apporte ce classement. Il n’est en rien un étalon, mais une photographie de ce qu’un nombre d’amateurs retiennent de cette année où le genre était en au sommet de la musique populaire. A chacun de prendre le temps de comparer avec ses propres choix, de commenter et on en reparle en 2021 pour les cinquante ans de l’année 1971 !

François