Palmarès de la rédactionPalmarès des lecteurs
Albumrockeurs, Albumrockeuses,

Année électorale oblige, les possibilités de débattre gagnent du terrain, dans les médias, sur les réseaux sociaux, les repas de famille trop arrosés ou les apéros confinés. On déplorera, au choix, les thèmes, les bassesses, le fond ou la forme, les intervenants, l’écart entre les enjeux anthropologiques ou les préoccupations des Français et les sujets mis sur la table au profit de polémiques stériles. Il est loin le temps où Habermas vantait l’espace public comme lieu du débat raisonné.

Pourtant, s’il y a bien un domaine où les discussions gagnent en profondeur et apportent un plaisir intense à mesure que s’étend l’empire de la mauvaise foi et de l’outrage hyperbolique, c’est bien celui de la joute entre amateurs de rock au sens large. Une sentence définitive sur Lou Reed, un jugement caricatural sur la scène de Manchester, une attaque bien sentie contre le rock progressif, un vomi verbal contre le Metal … Une engueulade fraternelle en somme, aussi belliqueuse qu’elle est finalement apaisée. Voilà le genre de débat qu’on voudrait voir en prime time !

Ainsi se présenta l’année 2021, comme un délice pour qui aime ce genre de discussion houleuse.

En janvier, ce fut Steven Wilson avec Future Bites qui confirme et exacerbe son tournant pop ; les amateurs de prog’ sont en pleurs face au destin de leur plus grand espoir ou usent de mauvaise foi pour le défendre (évidemment) en jouant sur les mots entre progressif et progression.

En février, Foo Fighter enflamma notre espace commentaire avec Medecine At Midnight … L’occasion pour nous de vous inviter à prendre la parole, c’est un plaisir de vous lire et de vous répondre même si vous manifestez – poliment – un désaccord.

En avril, le groupe qui déchaine les passions dans le monde opulent du revival, Greta Van Fleet, sortit un second opus (sans compter leur EP) qui fut pour beaucoup d’entre nous le franchissement d’un palier. Reste que la querelle des Pro et des Anti n’est pas enterrée et que le phénomène continue de diviser. On vous parlera surement de leur unique date en France en juin 2022, le rendez-vous est pris.

En septembre, trois rédacteurs ont souhaité chroniquer Senjutsu d’Iron Maiden, et les avis continuent de diverger entre les fans envoutés par la formation, ceux qui déplorent un album peu inspiré et mal produit, et d’autres plus hésitants. Quoiqu’on pense du groupe, on aperçoit ici son influence historique immense dans l’histoire du rock : dans une moindre mesure, une autre formation de grande envergure, Yes, suscitera des passe-d’armes avec The Quest.

Le climat ne fut pas seulement antagonique, preuve en est de certains consensus entre la plupart des rédacteurs et les lecteurs : en témoignent nos deux champions, Wolf Alice et Mastodon (on ne peut faire plus diversifié).

2021 ce fut également des retours inattendus chez les anciens (Helloween, Styx, The Stranglers) ou les moins anciens (The Killers, deux albums pour Weezer). Ce fut aussi la confirmation ou l’émergence de formations à surveiller de près : Ayron Jones, Altesia, Unto Others, Crown Lands, Black Country New Road, Dead Poet Society … Une diversité stylistique et géographique qui permet de souligner la bonne santé de la scène rock et de son public, puisqu’en l’absence de soutien médiatique, son rôle n’en est que plus exacerbé.

Le rock progressif au sens large, qu’il ait des ambitions metalliques ou grand-public, semble avoir connu une année riche, à moins que le tropisme de certains rédacteurs n’influence ce constat : Leprous était au rendez-vous, Big Big Train également (malgré les tristes événements qui touchent le groupe), mais encore Dvne, et combien d’autres.

La rédaction ne m’en voudra pas si je me permets de saluer les prouesses des pays scandinaves, que ce soit la Norvège pour le progressif (Caligonaut, Jordsjo, Meer), la Suède pour le hard-rock revival (Hot Breath, Acid’s Trip …) ou le Danemark dans d’autres styles (Iceage en tête, mais également Vola).

C’est toujours une satisfaction de mesurer la proportion à peu près équilibrée de chroniques de nouveautés entre d’un côté les Etats-Unis et le Royaume-Uni, et de l’autre le reste du monde - la France et la Scandinavie dépassant les 10%. Les deux grandes nations du rock demeurent hégémoniques, mais elles sont loin d’avoir un quelconque monopole ; cette affirmation vaut depuis plusieurs décennies, mais il est toujours bon de la rappeler, et d’en tirer les conclusions nécessaires (c’est-à-dire décloisonner un peu nos oreilles).

Reste à découvrir les différents classements, des rédacteurs, de la rédaction et des lecteurs, d’en débattre si besoin, en nous souhaitant une riche année 2022 qui s’annonce déjà enthousiasmante.

François