
dredg
Chuckles and Mr. Squeezy
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1- Another Tribe / 2- Upon Returning / 3- The Tent / 4- Somebody is Laughing / 5- Down Without A Fight / 6- The Ornament / 7- The Thought of Losing You / 8- Kalathat / 9- Sun Goes Down / 10- Where I'll End Up / 11- Before it Began


Chuckles & Mr Squeezy, ou l'album indéfendable. Rares sont  les disques à avoir déclenché des réactions aussi hostiles voire  haineuses de la part d'une communauté de fans, et ce dès que les  premiers extraits audio furent postés sur la toile. L'affaire en est  arrivée à un tel point qu'un proche collaborateur de dredg, qui a  préféré garder l'anonymat (comme c'est courageux), a volontairement  dérobé les masters de ce cinquième opus studio pour les poster sur  YouTube un mois avant sa sortie officielle, ceci dans le but, dixit le  communiqué de cet illustre inconnu, de "faire prendre conscience aux fans de la médiocrité de l'album afin que les gens n'aillent pas acheter cette merde". Franchement, Gavin Hayes et sa bande ont-ils vraiment mérité un tel traitement ?
Il faut dire que dredg a sacrément tendu le bâton pour se faire battre. Attente de deux années seulement depuis le fantastique The Pariah, The Parot & The Delusion  (alors que le combo est reconnu pour sa rareté et pour sa  méticulosité), appel au très hype Dan The Automator, vieux pote de Gavin  Hayes, pour assurer une production d'emblée annoncée pop-électro, nom  d'album ridicule, artwork absolument hideux, et premiers extraits  laissant entrevoir un traitement sonore limite bâclé avec sensation de  flou global. Ça fait tout de même beaucoup pour un groupe de rock indé  qui bénéficie d'un capital de sympathie aussi élevé que sa visibilité  dans les médias grand public est basse. L'autre fait à mettre en lumière  est que dredg, à ce jour, n'a commis que des albums de grande classe.  Entre l'expérimentation mesurée de Leitmotif, le prog-rock suffocant d'El Cielo, le canevas sonore massif de Catch Without Arms et la pop sélect de The Pariah...  , le quatuor a touché quatre fois à l'excellence en autant d'albums  pourtant fondamentalement différents. S'il est tout à l'honneur du  groupe d'avoir voulu une nouvelle fois explorer de nouveaux territoires  sonores, peut-être n'était-il pas nécessaire d'effrayer à ce point ceux  qui le soutiennent depuis tant d'années.
Le traitement pop de Chuckles & Mr Squeezy  a nécessité de sacrées compromissions de la part de dredg. Exit la  complexité instrumentale, exit les gros rushs de guitare, exit les  sublimes partitions de batterie de Dino Campanella (probablement le  cogneur le plus intelligent de la planète, toutes tendances confondues).  Seul le massif "Upon Returning" permet à Dino de se lâcher un peu sur  son drum-kit tandis qu'il passe le reste du disque à bidouiller ses  boites à rythme. Clairement, le premier contact avec Chuckles est  déroutant tant on peine à reconnaître le goût pour l'orfèvrerie  précieuse des quatre hommes. Certains morceaux se révèlent même  étonnamment faibles, comme le ridicule "When I'll End Up" qui pourrait  presque passer pour un mauvais Phil Collins tendance BO de Walt Disney  (c'est dire). Plus gênante est cette sensation de flottement que l'on  ressent en permanence et qui donne l'impression que l'album ne décolle  jamais complètement. Autant dire qu'après une paire d'écoute, la  sentence se révèle atrocement lapidaire.
Mais ensuite la  perplexité laisse place au soulagement. Non, dredg n'a pas perdu son âme  en chemin, c'est juste qu'il faut réussir à faire abstraction de ce que  le groupe a pu réaliser avant pour pouvoir rentrer dans l'univers  nonchalant et rêche de Chuckles. Une fois ce pré-requis réalisé,  on se trouve en présence d'un disque qui tient parfaitement la route (si  on omet la daube sus-nommée) et qui ménage de vraies réussites. A ce  titre, le magistral "The Thought Of Losing You", pourtant descendu en  flèche par les adulateurs du combo, se révèle absolument parfait et  donnerait des sueurs froides à tous les groupes mainstreams dont les  bouses tournent en boucle sur la bande FM. Même son de cloche pour  l'efficace "Somebody Is Laughing", balancé et mélodique à souhait,  prouvant par A + B que la formation possède un réel talent pop (et comme on  le dit souvent, il n'est pas si aisé que cela de réussir à sonner de  façon claire, évidente et accessible). Ailleurs dredg tente quelques  expérimentations intéressantes, comme l'emploi de grosses rasades  d'électro grésillante ("Down Without A Fight") ou l'abus de rythmiques  surpuissantes et de guitares martelées sans ménagement ("Upon  Returning"). Ces titres étouffants alternent avec des morceaux plus  légers et contemplatifs qui, même étranglés par un mixage vraiment  médiocre (LE gros point noir du disque), parviennent à nous égarer hors  des sphères de ce monde, tantôt avec un petit accent americana très  Nouveau Mexique ("Before It Began"), tantôt en allant chercher l'émotion  au fond des tripes d'un Gavin Hayes toujours aussi séduisant dans sa  simplicité vocale ("The Ornament", magique, ou encore "Kalathat"). On en  parvient même à apprécier ce curieux morceau introductif, l'opioïde  "Another Tribe", gros trip aussi neurasthénique que groovy (appréciez le  paradoxe).
Bah, peu importe, finalement. Si vous avez un minimum d'intelligence, vous avez déjà fait le tour du net et vous savez déjà que Chuckles & Mr. Squeezy  relève invariablement de l'excrément intersidéral qui ne mérite  aucunement votre attention. Dès lors, vous avez pu rire jaune devant  cette critique en râlant sur le manque de pertinence d'albumrock. Il est  vrai que cet article est probablement l'un des seuls papiers à avoir  essayé de sauver tant bien que mal le groupe du naufrage public dans  lequel il est en train de s'enfoncer. 3,5, est-ce vraiment mérité ?  Probablement pas, mais une chose est certaine : même si Chuckles déçoit, l'album n'est pas aussi mauvais qu'on le prétend. En tout cas, dredg n'a certainement pas mérité un tel lynchage.
























