All Traps on Earth

Autre province du rock progressif, qui s’est affirmée tardivement dans toute sa splendeur, la Suède est une terre porteuse pour cette musique, des Flower Kings à Anglagard. En parlant de ces derniers, très inspirés des années 1970, sachez que la base du projet All Traps on Earth vient du bassiste d’Anglagard, Johan Brand (Högberg) - le monde scandinave est petit. S’il n’est pas seul dans le groupe puisqu’accompagné de Erik Hammarström (percussions) Thomas Johnson (claviers), et Miranda Brand (chant), auxquels il faut ajouter des invités comme Magnus Bage (flute), Brand s’est fait ici multiinstrumentiste (basse, claviers, guitare, chant) et a grandement participé aux phases d’enregistrement. Avec un Johan Brand maitre à bord, on est face à un projet qu’il avoue lui-même complexe à mener mais fortement personnel. Les influences crimsoniennes de son groupe d’origine sont ici plus qu’exacerbées. 

Si vous êtes attirés par la pochette effrayante de A Drop of Light, rappelant dans sa fusion entre l’humain et le végétal ainsi que par les êtres souterrains, une autre production nationale mais télévisuelle cette fois-ci (la série Jordskott très recommandable), soyez prudent. La musique est aussi torturée que semble l’indiquer le visage des personnages représentés, aussi complexe que les ramifications des racines de ces êtres anthropomorphe. 

En effet, proposant cinq titres dont quatre dépassent les 13 minutes, l’album est difficile d’accès, les structures très complexes et tortueuses. Ce n’est pas le genre d’album à faire écouter à quelqu’un qui n’est pas familiarisé au rock progressif. Même au bout de plusieurs écoutes, on cherche toujours avec angoisse une branche à laquelle se raccrocher, l’expérience musicale indéfinissable nous transportant autant qu’elle nous inquiète. 

L’album est très sombre et agressif, souvent expérimental, les seules traces de "chant" - si on peut employer ce terme – viennent des vocalises puissantes de Miranda Brand s’employant au chant lyrique. Cela lui donne une indéniable coloration Magma-tique (dans le sens Christian Vander).  

Ainsi, les jeux sur les rythmes dominent : écoutez les premières minutes de "Magmatic Warning" (tiens donc …), non seulement le rythme est ultra-syncopé, mais en plus les instruments partent dans tous les sens. Explosion de sonorités, de rythmes, d’ambiances, au profit d’une harmonie certaine mais déroutante. 

Le travail sur le son est excellent. Au sens large. Il n’est pas seulement question de la qualité d’enregistrement bien présente, mais surtout de la variété dans les volumes et dans l’instrumentation, ainsi que sur l’agressivité qui est servie par ces variations. La présence de Brand dans tout le processus d’enregistrement donne sans doute cette cohérence à ce travail d’orfèvre. 

Difficile d’en dire plus sur cette musique sinon qu’elle offre une belle expérience musicale, si l’on dispose d’un état d’esprit adéquat pour s’immerger … Mais le détour en vaut la peine. Sans conteste une des plus belles productions de 2018 en matière de rock progressif.