L’album charnière, diront certains.
Archive a marqué son époque d’une pierre blanche en signant avec
You All Look The Same To Me, l’un des chefs-d’œuvre de l’électro-rock psychédélique. Ce malgré le succès d'un premier album,
Londinium, devenu culte dans la veine du trip-hop. Ici, le choix a été fait d’humaniser davantage la musique d’
Archive. Avec
You All Look The Same To Me, le virage rock est atteint, et admirablement négocié. Les sonorités électro plus discrètes, mais encore largement présentes, relèvent les riffs de guitares et les batteries, de quoi décontenancer les fans de la première heure qui crieront là au scandale…
Ce n’est cependant pas la seule nouveauté. Nouvel album, nouveau genre, nouvelle formation. Après Roya Arab et Rosko John sur
Londinium, ou Suzanne Wooder sur
Take my head, le noyau dur Danny Griffiths et Darius Keeler a fait appel au chanteur d’un groupe irlandais,
Craig Walker, et à Maria Q, pour confirmer encore, s'il le fallait, que les londoniens fonctionnent en combo, au gré des participations vocales. La voix de
Craig Walker prend ici toute sa dimension. Imparfaite, elle colle parfaitement au spleen de la plupart des morceaux de l’album, "Again" et "Finding it so hard" en tête. Maria Q, elle, arrive plutôt comme une bouffée d’air frais, dénuée des fumées acides de la pesanteur des compositions. Une utilisation réfléchie des capacités de chacun à exprimer les tourmentes des londoniens, accompagnée par les fidèles petits sons de synthés. Le présage d’un album riche et construit comme une œuvre globale, où les morceaux s’enchaînent dans le style ou dans le texte. Il est question, en vrac, de séparation, d’apathie, de tristesse, et de mort. Ragoutant !
Pourtant, avec Archive, on aime être au trente-sixième dessous. D’entrée de tracklisting, "Again" nous entraîne inexorablement dans les profondeurs froides, pourtant suffocantes, de son univers. Le petit arpège de guitare sèche, l’harmonica larmoyant commencent à nous finir. Une machine à penser noir pendant plus de seize minutes. Le second single, "Numb", sonne la revanche de la hargne avec son rythme tribal et son leitmotiv hypnotique. L’autre titre phare, "Finding it so hard", lorgne du côté de la Drum & bass, se permettant un télescopage de styles avec la voix volontairement soporifique de
Craig Walker. Une panoplie de genres musicaux largement représentée tout au long de ces dix titres aux compositions brillamment produites et aux accents pink-floydiens. Dautres titres, s’ils frappent moins l’esprit, brillent par leur optimisme tranchant avec l’ambiance globale de ce troisième album comme pour les deux dernier morceaux.
Et dans cette multiplicité, on trouve de tout ! Mais que du bon.
You All Look The Same To Me, YALTSTM pour les intimes de plus en plus nombreux, offre à
Archive l’assise permise à un groupe sur le chemin du succès, malgré les pleurs des premiers fans. Mais si cette confrontation est logique, telle qu’on peut la lire ou l’entendre un peu partout, à l’écoute du disque,
Archive conserve tout de même sa personnalité. L’ambiance lourde et sombre semblant sortir des subways crasseux de Londres et les sonorités synthétiques font le lien entre le passé du groupe et son avenir, que le recul nous permet de savoir déjà florissant, jonché pour notre plaisir masochiste de roses noires.