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Critique d'album

Baroness


Red Album


(04/09/2007 - Relapse Records - Sludge / Prog - Genre : Hard / Métal)
Produit par Philip Cope

1- Rays On Pinion / 2- The Birthing / 3- Isak / 4- Waiting Wintry Wind / 5- Cockroach En Fleur / 6- Wanderlust / 7- Aleph / 8- Teeth Of Cogwheel / 9- O'Appalachia / 10- Grad / 11- Untitled
Note de 5/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"L'album rouge de la baronne révèle un groupe de sludge insolemment doué"
Nicolas, le 20/07/2012
( mots)

Tout commence avec un contact visuel fascinant, celui de deux êtres mythologiques étendus dans un champ de coquelicots carmins, le regard vide fixant l’infini avec lascivité et méfiance. Leur visage surmonté d’une opulente chevelure dégage une féminité inquiétante, tandis que leur corps et leurs bras musculeux exhalent une troublante virilité. Ainsi s’approche-t-on de Baroness, dont l’aspect extérieur se trouve marqué au fer rouge (c’est le cas de le dire) par les illustrations très typées art-nouveau de John Baizley, chanteur, guitariste et maître à penser de l’autre gros phénomène de Savannah à avoir vu le jour après le grand frère Kylesa. Ainsi aborde-t-on le Red Album, première déclaration d’un groupe qui n’en finit pas de surprendre.

S’il fallait résumer Baroness en un mot, ce serait “éclectisme”. Quand on a l’habitude d’écouter les éternelles bravades des métalleux, leurs riffs abyssaux superposables, leur distorsion caricaturale ou leur jeu de batterie digne d'une compétition sportive, la découverte de cet album rouge fait un bien fou. On y retrouve toute l’ouverture d’esprit d’un groupe qui prend un malin plaisir à partir dans les directions les plus inattendues. Bien sûr, il persiste des fondamentaux, comme le son principal des guitares qui se fond dans le moule sludge géorgien popularisé par Mastodon, le chant bourru, monotonal et braillard de Baizley qui possède une importance très secondaire au sein d’un canevas essentiellement instrumental, et la batterie qui apparaît très atypique, très subtile, si peu en accord avec les canons métalliques. Mais cette présentation demeure hautement incomplète, car, une fois encore, Baroness n’arpente jamais deux fois le même chemin, ici en jouant à peine avec des décalage de rythme, là en baissant le volume pour développer des trésors d’harmonie délicate. On passe de la contemplation hébétée à la charge guerrière écrasante sans s’en être rendu compte, et c’est ainsi qu’un morceau comme "Rays on Pinion" développe des atours proprement fabuleux avec son introduction en crescendo rutilant, son groove implacable puis ses riffs herculéens transportant les hurlements sauvages de l’ours barbu de Savannah. C’est doux puis violent, beau puis terrible, et pourtant tout coule avec une improbable évidence. Les morceaux sont quasiment tous enchaînés les uns aux autres et créent une ambiance travaillée qui nous plonge dans un univers chatoyant et ensorceleur. Autre particularité de Baroness : contrairement à la quasi totalité de ce qui se fait sur la planète metal, le groupe n’hésite pas à utiliser des sons de guitares assez aigus. Cela rend un titre comme "The Birthing" étonnamment aérien, et ce malgré les riffs stoners percuttants qui introduisent et concluent le titre.

Pas vraiment progressif malgré une relative complexité de composition, le style de la baronne emprunte à beaucoup de genres différents, puisant presqu’autant ses idées chez le Black Sabbath d’Osbourne que chez le Pink Floyd de Barrett, ici donnant naissance à un superbe solo de batterie surnageant au sein de larsens mystérieux ("Wailing Wintry Wind"), là développant des teintes acoustiques presque folk ("Cockroach en Fleur") avant de relancer la machine infernale à riffs crasseux qui tabasse sans ménager sa peine pour lorgner en fin de course vers des teintes 70’s soyeuses ("Wanderlust", incroyable). On pourrait continuer comme ça à l’infini avec le reste du disque, alors terminons ce plaidoyer pour le Red Album par un petit comparatif avec le Blue Record qui lui fait suite et qui, clairement, marque une sorte d’impasse stylistique. Si on part du principe que la production d’un disque consiste à donner forme à des chansons, de leur mise sur bande aux conseils quant à leur structure et à leurs arrangements, alors clairement le disque bleu souffre de carences sur les deux tableaux. Doté d’une prise de son miteuse, avec une batterie inaudible et une voix gutturale omniprésente dans ses imperfections, la galette se fourvoie trop souvent dans des compositions à tiroir inutilement compliquées, n’exploitant ses bonnes idées que de façon parcellaire et frustrante : un véritable gâchis quand on appréhende l’immense talent de John Baizley et de sa bande, même si, bien sûr, le disque reste hautement recommandable. A l’inverse, l’album rouge, produit par le robuste Phillip Cope de Kylesa, met parfaitement en valeur les singularités stylistiques de Baroness.

Alors que vient tout juste d’arriver le double Yellow and Green qui marque encore un tournant majeur dans la discographie des géorgiens (très bientôt analysé en ces pages), on ne peut que vous conseiller de vous frotter sans aucune retenue à ce Red Album qui, malgré quelques erreurs de jeunesse (et notamment l’atonalité et la sous-exploitation assez effarante des parties chantées), reste un magnifique disque de rock ciselé avec minutie et passion, mi-ange mi-démon, et le premier coup de force d'une formation qui sera bientôt amenée à jouer un rôle de tout premier plan sur la scène rock internationale. Et si vous en doutez, nous en tout cas, on est prêt à prendre les paris.

 

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