Beck
Midnite Vultures
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1- Sexx Laws / 2- Nicotine & Gravy / 3- Mixed Bizness / 4- Get Real Paid / 5- Hollywood Freaks / 6- Peaches & Cream / 7- Broken Train / 8- Milk & Honey / 9- Beautiful Way / 10- Pressure Zone / 11- Debra
Quand on aime un artiste, on attend de lui qu'il nous surprenne, mais pas trop quand même... Avec Beck, mieux vaut ranger ses préconceptions au placard. Car ce diable de blondinet parvient à faire de chacun de ses albums une totale surprise. Après avoir défiguré le folk, rajeuni la country, travesti la pop et le hip-hop dans les audacieux Mellow Gold et Odelay, on se demandait ce qu'il pouvait bien encore recycler. La réponse nous est donnée en 1999 avec Midnite Vultures, sorte d'énorme gâteau d'anniversaire fait maison d'où bondissent tour à tour strip-teaseuses au déhanché spectaculaire, cow-boys en pantalons moulants et à la langue pendante, cuivres, marimbas et machines à sous. Car c'est à l'univers du funk et de la soul que s'attaque maintenant Beck, et avec quelle réussite !
Probablement l'un des meilleurs albums de funk blanc du vingtième siècle (même si je ne suis pas experte en la matière), Midnite vultures n'est pas du genre à dissimuler ses avantages. Il débute sur des chapeaux de roues avec les cuivres bruts de "Sexx laws", titre-phare de l'album qui, bien que très funky, lorgne dans ses trente dernières secondes vers la country d'Odelay (écoutez bien le banjo). Beck s'amuse ensuite à remettre au goût du jour le disco au travers de quelques titres tels "Mixed bizness" ou surtout le morceau d'anthologie "Get real paid", où les bruits de robots et de lasers dissimulent à peine les fantasmes limites incestueux des paroles. Vient ensuite le hip-hop soul presque R&B de "Hollywood freaks" réalisé avec la complicité des Dust Brothers ou le magnifique "Pressure zone" qui ne peut s'écouter que le volume à fond... Entre temps Beck aura tout de même pris cinq minutes pour rendre hommage à celui dont le talent hante cet album, autrement dit Prince. Après une ballade plus que moyenne ("Beautiful Way"), du moins lorsqu'on considère la qualité de l'ensemble, Midnite Vultures s'achève sur la pièce "Debra", sorte de ballade soul accomodée à la sauce piano-bar, qui est depuis longtemps l'un des moments fort des concerts de Beck.
Depêche de dernière minute : Beck nous confirme qu'il n'y a rien à comprendre dans cet album (il faudrait peut-être le dire aux journalistes de Rock & Folk, qui eux cherchent toujours...). Il suffirait en fait pour l'apprécier d'observer avec quelle virtuosité le Californien se ré-approprie les effets les plus cheaps (vieux synthés sur "Pressure Zone", cordes beatlesiennes et petite voix féminine acidulée sur "Nicotine & Gravy" ou encore batterie electronique sur "Broken Train"), pour ensuite les transcender et les intégrer dans des compositions complexes, ouvertes aux influences les plus diverses. Beck subvertit le cheap en quelque sorte. C'est un bricoleur qui fait feu de tout bois, un "garbage man" de génie ! Devant un tel talent, on se surprendrait presqu'à trouver la pochette de l'album jolie, c'est pour dire...