
Girls
Father, Son, Holy Ghost
Produit par
1- Honey Bunny / 2- Alex / 3- Die / 4- Saying I Love You / 5- My Ma / 6- Vomit / 7- Just A Song / 8- Magic / 9- Forgiveness / 10- Love Like A River / 11- Jamie Marie / 12- Love Life / 13- Martina Martinez


Comment  peut-on passer à côté d’un tel groupe, d’un tel album ? Et pourtant,  vous pouvez toujours chercher : vous ne trouverez aucune critique de  Girls sur Albumrock datant d’avant ce mois de mars 2013, c’est-à-dire  trop tard, bien trop tard puisque le groupe de San Francisco a depuis  splitté pour ne plus subsister qu’en la personne de son maître à  composer, Christopher Owens. Et alors qu’on a récemment attiré votre  attention sur Lysandre, premier essai solo du jeune songwriter torturé,  on ne peut que vous supplier d’opérer une très sérieuse machine arrière  sur cette supplication trinitaire.
A  l’époque de la sortie de Father, Son, Holy Ghost, lorsque l’on a  demandé à Owens de justifier le nom de ce disque, l’intéressé répondait  qu’il reflétait la nature spirituelle de sa musique. De fait, au delà du  genre abordé, ce disque excelle principalement par la qualité de  l’écriture et la sincérité de la délivrance. On ne cesse de vous le  rebattre à tour de lignes: composer de la bonne pop music est un  exercice particulièrement ardu. Alors que n’importe quel péquin se  trouve capable de brailler sa douleur dans un micro tout en brutalisant  son instrument sans posséder la moindre espèce de talent, alors que  certains groupes peinent à subsister sur le souvenir d’un seul et unique  tube sans parvenir à en pondre un second, on ne peut que s’extasier sur  un disque de ce calibre. Un disque sur lequel chaque chanson se révèle  aboutie et addictive, en clair un disque quasi-parfait, tout simplement.  
Mais  pour entrer complètement dans l’univers Girls, il faut s’habituer à  quelques particularités propres à Christopher Owens et notamment à sa  sensibilité exacerbée. Le timide trentenaire, entravé par un passé pour  le moins pesant - secte, drogue and punk n’ roll, n’hésite pas à mettre à  nu ses pérégrinations amoureuses sous leurs atours les plus naïfs et,  osons le dire, les plus fleur bleue, alors que sa voix frêle et écorchée  peine à transporter immédiatement les coeurs tant elle s’échappe  difficilement du micro. Dans Father, Son, Holy Ghost, il n’est (presque)  question que d’amour, de complexes et de tourments sentimentaux, même  si Owens a écrit deux morceaux, "Honey Bunny" et "My Ma", en l’honneur  de sa mère. Mais passé ce sentiment de vague niaiserie, un constat  s’impose : le blondinet s’avère éblouissant en terme de songwriting. On  jurerait ses chansons échappées d’un vieux disque des années 60, de l’un  de ceux qui ont vraiment compté, et si le fait d’oser une comparaison  avec les Fab Four ou les garçons de plage pourrait paraître carrément  déplacé de prime abord, l’épreuve du temps, trois à cinq passages de  platine, pas plus, l’impose pourtant comme une évidence. Girls est de ce  niveau, pas moins.
Le  reste ne compte pas, ou si peu. La mise en forme du disque prend  l’apparence d’un rock indie à très forte couleur folk, qui délivre ses  munitions à couteaux tirés dès le début du disque, allant de  l’électrique sûr de son fait à l’acoustique intimiste en un très  progressif décrescendo d’intention. Tout y passe, et à toute les sauces :  surf-pop musclée ("Honey Bunny", rayonnant), indie empoisonné à  l’arsenic (le suffocant "Alex"), hard rock pourpre ("Die", qui se cale  au poil sur le "Highway Star" de Deep Purple), régurgitations gospel  maladives ("Vomit", de très très haut vol) ou même progressif floydien  tout en rondeur ("Forgiveness"). Girls peut tout faire mais excelle  avant tout dans les déclarations enthousiasmantes de naïveté ("Saying I Love You", "Magic", limpides et entêtantes) ainsi que dans la pudeur et le dénuement ("Just A Song", "My Ma" et les deux derniers morceaux, des trésors de sensibilité à fleur de peau). 
Father,  Son, Holy Ghost est un grand disque, déjà un classique des années 2010,  un recueil de fantastiques chansons qui ne pourront que vous trotter en  tête à longueur de journée en quelques journées d’écoutes. Girls n’aura  commis que trois disques mais n’aura pas failli à sa mission de  retournement de coeur... espérons seulement que Christopher Owens, tout  au long d’une carrière solo qu’on lui souhaite longue et fructueuse,  endossera avec le même talent le sacerdoce qu’il a si bien magnifié avec  ses défuntes filles.





















