
Broken Bells
Broken Bells
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1- The High Road / 2- Vaporize / 3- Your Head Is on Fire / 4- The Ghost Inside / 5- Sailing to Nowhere / 6- Trap Doors / 7- Citizen / 8- October / 9- Mongrel Heart / 10- The Mall and Misery


On le sentait venir depuis un petit moment, en particulier depuis que  les longues séances passées en studio pour peaufiner Wincing The  Night Away avaient passablement éreinté le leader des Shins :  James Mercer avait vraiment besoin de changer d'air. Car si l'homme  reste un mélodiste hors pair, probablement même l'un des tous meilleurs  mélodistes en activité à ce jour (sans exagérer), ses dernières  livraisons pêchaient peut-être par un certain manque de souffle, de  renouvellement. Pas étonnant qu'il ait souhaité donner un nouveau coup  de fouet à son groupe, même s'il a fallu pour cela qu'il dégage de façon  assez peu cavalière son batteur attitré en le renvoyant à ses baraques à  frites de Seattle (sic). Pour autant, la libération de James Mercer  n'est pas venue des Shins, mais d'un certain Brian Burton, alias Danger  Mouse.
La naissance de Broken Bells tient entièrement au hasard,  et notamment à la rencontre entre le doux barbu de la pop indie et le  dinosaure de l'électro branchouille lors du projet collaboratif Dark  Night Of The Soul édifié autour de Mark Linkous (R.I.P. Sparklehorse) et de David Lynch. Le temps d'un titre, "Insane Lullaby" (pas  franchement inoubliable, d'ailleurs), voilà que Mercer et Burton se  trouvèrent des atomes crochus, suffisamment en tout cas pour envisager  un duo et même un album. Or si l'alliage de Danger Mouse et des Black Keys dégageait dès le départ quelque chose de saugrenu (et ce  n'est pas le rendu final d'Attack & Release qui ira à  l'encontre de ce sentiment), l'idée de marier un pro de la pop surf  vintage avec le papa de Gnarls Barkley éveillait une certaine forme de  curiosité. Surtout, l'idée de voir Mercer tourner légèrement le dos à  quelques tendances surannées pour embrasser complètement notre époque  moderne aux côtés d'un bidouilleur compulsif ne pouvait vraiment pas  laisser indifférent. Et on comprend désormais pourquoi : cet album  éponyme est une entière réussite.
Faisons tout de suite tomber le  masque du songwriting commun. Le féru des Shins ne s'y trompera pas  une seule minute : chaque ligne mélodique issue de Broken Bells  transpire la patte de James Mercer à plein nez. "Vaporize" représente  même la parfaite carte d'identité du gentil songwriter, montant et  descendant ses gammes en des arpèges douces-amères aussi élégantes que  lumineuses. Un style inimitable, impossible à falsifier. D'ailleurs le  rêveur "Trap Doors" aurait presque pu trouver sa place sur Wincing  The Night Away. Mais n'allons pas imaginer que Brian Burton se soit  contenté d'un rôle de faire-valoir : c'est au niveau des arrangements  que l'on sent sa griffe originale et racée. Si les trois premiers  morceaux ne dénotent pas forcément une énorme différence avec ceux de la  fratrie Shin, "The Ghost Inside" renverse la vapeur avec ses beats  cools et ses synthés gorgés de LSD bon enfant. On pourra alors noter a  posteriori l'intro très MGMT de "Your Head Is On Fire" avec ses choeurs  noyés par des claviers en phase de déréalisation avancée, les voix  trafiquées d'un "Citizen" qui respire un bonheur serein communicatif, ou  même les rythmiques trépidantes surfant sur les "ohohoh"  planants en diable et l'intermède gorgé de cuivres à la Enio Moricone de  "Mongrel Heart". Mais l'explication de cette singulière alchimie se situe  en fait juste à mi-chemin entre la gratte sèche et la voix  immaculée de Mercer et les milliers de trouvailles portant la signature  de Danger Mouse. Avec en point d'orgue des mélodies splendides, au  premier rang desquelles l'impeccable "The High Road" qui se permet  d'enchainer deux couleurs musicales succesives sans aucun accroc : c'est  ce qu'on appelle la classe avec un grand C.
Mais ne nous  leurrons pas : la plus grande partie d'entre vous s'est déjà jetée  avidement sur le très surfait Plastic Beach ou encore sur le  ridicule Congratulations. Que voulez-vous, les lois du marketing  et de la branchitude sont ainsi faites. Cela ne doit pourtant pas vous  empêcher de vous tourner impérativement vers Broken Bells si vous tenez à  vous rassasier de chansons, de vraies chansons, troussées avec  intelligence et délicatesse. Il va sans dire (et c'est encore mieux en  le disant) que l'album éponyme du duo Mercer-Burton enfonce à plate  couture les deux galettes précitées, même si, on vous l'accorde, les  trois disques ne s'attaquent pas exactement au même type de pop. De toute  façon, ceux qui connaissent les Shins ont déjà fait leur choix, et  quant aux autres, ils ne savent pas à côté de quoi ils passent. En un  sens, tant pis pour eux.
Edit, le 23/05 : finalement, Congratulations n'est pas aussi ridicule qu'on aurait pu le penser. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.























