Diamond Head
Canterbury
Produit par Mike Shipley
1- Makin' Music / 2- Out Of Phase / 3- The Kingmaker / 4- One More Night / 5- To The Devil His Due / 6- Knight Of The Swords / 7- Ishmael / 8- I Need Your Love / 9- Canterbury
Canterbury. Si ce terme vous évoque un courant musical plutôt qu’un haut lieu de l’histoire religieuse britannique, c’est que vous êtes un mélomane accompli dont la passion pour le rock ne connaît aucune limite. C’est pourtant bien loin de l’École de Canterbury par contre, que se situe Canterbury, le troisième album de Diamond Head (si l’on compte Lightning to the Nations, qui est officiellement une démo) tant il a peu à voir avec les expérimentations de Robert Wyatt et cie. Le groupe est en effet l’un des grands noms de la NWOBHM au destin heurté par une malédiction qui continue de les poursuivre en 1983, puisque des défauts de pressage sur les premières copies de cet album empêchèrent tout succès immédiat.
Néanmoins, le véritable problème de Canterbury est son orientation esthétique, située entre deux extrêmes dont les caractéristiques sont approfondies alors qu’elles étaient seulement velléitaires sur l’opus précédent (Borrowed Time, 1982).
D’un côté, le tournant FM est plus clairement emprunté et n’est plus confiné à des titres entraînants mais indéniablement Heavy. Diamond Head ne manque pas de talent dans le genre, en témoigne le désertique "Makin’ Music" plutôt séduisant mais bien éloigné du Metal pour se rapprocher d’un Bad Company sauce US, avec des paroles simplistes et des "ohohoh" convenus. Dans une veine similaire mais plus légère, le single "Out of Phase" pourrait être un titre de Peter Gabriel chanté par Paul Rodgers, un parallèle qui devient de plus en plus flagrant à mesure que Sean Harris progresse à son poste. Le sombre et langoureux "Ishmael" est encore plus imparable avec ses petites arabesques, c’est même une démonstration de l’inventivité d’un Tatley qui s’avère définitivement à la hauteur de son ambition guitaristique. Le seul moment où Diamond Head ne convainc plus du tout, c’est sur le boogie sautillant "One More Night", digne d’un Wham! électrique. Il faut sûrement interpréter ce tournant à l’aune de l’influence de Mike Shipley, producteur australien associé à la mutation américaine de Def Leppard, avec lesquels la comparaison est pertinente à l’écoute du très télécommandé "I Need Your Love" aux belles lignes de guitare mélodiques.
De l’autre côté, Diamond Head poursuit sa mue progressive commencée avec "Borrowed Time", voire même depuis ses débuts si l’on prend en considération le goût du groupe pour l’extension des compositions au-delà des limites du groupe de Heavy moyen. Dans cette catégorie, nous trouvons les titres qui approfondissent le concept de l’album, comme "The Kingmaker" : les synthés en guise de fanfare cérémoniale et les chœurs virils mettent en musique l’ambiance médiévale promise par la pochette Wishbone Ash-ienne, tandis que le chant est narratif et épique. Les quelques dissonances, les variations entreprenantes et les belles alternances de plans et de riffs, en font un titre court mais alambiqué. Le final "Canterbury", à l’introduction tamisée en mode piano (bar), poursuit le récit avec ses mélodies Renaissance et ses sonorités Purcell-ienne mais synthétiquement désuètes : brutalement, la basse sort du bois pour lancer la cavalcade et inaugurer une forme de Metal symphonique sans grandiloquence déplacée. Autre ambiance sur l’excellent "Knights of the Sword", au thème inspiré par la science-fiction, est écrit à la manière de Blue Öyster Cult, quoique son rythme soit plus Heavy et son approche plus stadium-rock ; le pont arpégé, comme une phase calme avant le combat, lui donne une dimension épique savoureuse. Enfin, le raffiné "To The Devil His Due", un mid-tempo élégant qui sans être vraiment progressif, impose un refrain quasi symphonique, une touche hispanisante et de magnifiques lignes de guitare.
Dernier acte de Diamond Head historique, soit celui des années 1980, Canterbury laisse un arrière-goût amer de rendez-vous manqué : même cet album mal aimé regorge de bonnes pièces et de belles idées, bien qu’il soit en décalage avec les aspirations du temps (leurs héritiers revendiqués outre-Atlantique – Metallica - savent ce qu’il en est). Quelques années plus tard et dans un autre contexte géographique, Diamond Head aurait pu faire de l’ombre à Fates Warning et Queensrÿche avec Canterbury. Mais l’histoire ne saurait être réécrite.
À écouter : "Makin’ Music", "To The Devil His Due", "Knights of the Sword", "Ishmael"