Diamond Head
Lightning to the Nations
Produit par Reg Fellows
1- Lightning to the Nations / 2- The Prince / 3- Sucking My Love / 4- Am I Evil? / 5- Sweet and Innocent / 6- It's Electric / 7- Helpless
Y’a-t-il assez de place pour deux albums blancs dans l’histoire du rock ? Du point de vue de la grande histoire, le grand récit héroïque qui commence aux États-Unis dans les années 1950 et qui n’a aucune pitié pour les seconds couteaux, il n’y aura qu’un seul album blanc : celui des Beatles, mal surnommé White Album en raison de la couleur de sa pochette, sorti en 1968 et gorgé de tubes (comme "Back in the U.S.S.R.", "While My Guitar Gently Weeps", "Blackbird", pour citer mes préférés). Du point de vue de l’histoire du Metal (et de la propre mythologie de votre serviteur), il y aura aussi (et même surtout) Lightning to the Nations, premier album de Diamond Head (officiellement une démo) qui, dénué d’illustration, était distribué lors des concerts (ou envoyé par la poste) et, pour les plus chanceux, décoré des autographes des musiciens – qui en font désormais sa valeur marchande.
Par bien des aspects, Diamond Head apparaît comme un groupe maudit. Pas de ceux qu’on vend abusivement comme étant "sous-cotés", mais bien de ceux qui, quoique brillants, n’ont pas obtenu la reconnaissance méritée. Car en pleine vague NWOBHM, le combo des Midlands était tout aussi recommandable qu’Iron Maiden, Saxon ou Def Leppard, et remplissait à juste titre les clubs au point d’attirer, depuis les États-Unis, le jeune Lars Ulrich qui s’improvisa roadie pendant quelques jours. C’est d’ailleurs en grande partie grâce à Metallica que Diamond Head obtint enfin une légitimité dans la postérité et dans l’histoire du Metal (et au passage, des royalities tirés des reprises du groupe du Thrash), après avoir longtemps stagné parmi les seconds couteaux des 1980’s, principalement à cause de mauvais choix managériaux (mais aussi, en partie, artistiques).
Formé dès 1976 par le guitariste Brian Tatler, Diamond Head commence classiquement par potasser des reprises de standards des groupes de hard-rock des 70’s, mais propose rapidement ses propres compositions grâce auxquelles il soulève la foule lors des concerts et parvient à être finalement repéré par Geoff Barton de Sounds. Vite propulsé dans des premières parties plus ou moins prestigieuses, Diamond Head a tout pour devenir la nouvelle étoile montante de la scène anglaise, si bien qu’on lui promet un avenir digne de Led Zeppelin – mais ils en sont empêchés par une signature trop tardive sur un label à cause de managers qui croyaient trop en eux pour qu’ils sautent sur la première occasion.
Reste le témoignage de ces premiers temps du groupe qui ont fait vibrer toute une nouvelle génération de metalheads, une œuvre originelle jamais égalée, qui a l’intelligence d’entendre les attentes d’une phase de transition en se situant entre deux époques (le couplet d’ouverture "Lightning to the Nations" / "The Prince", où la fougue punk motörhead-ienne croise des envolées instrumentales très 70’s), à durcir le propos tout en restant sensuel voire aguicheur ("Sweet and Innoncent"), le chant de Sean Harris se prêtant parfaitement à cet entre-deux, mi crooner hard-rocker des 70’s, mi diva metallique des 80’s. La nouvelle vague – New Wave of British Heavy Metal – déferle, et rien ne semble pouvoir arrêter la fougue d’un "Helpless" toujours intransigeant, même dans ses transitions à la basse et ses gammes à la guitare, en plus d'être magistralement incarné par le chant d’Harris. Le groupe se permet de jouer les prolongations sur près de dix minutes lors de "Sucking My Love", qui sans être progressif dispose de longs passages solistes, de variations et de guitares jumelles séduisantes, avec en bonus une véritable touche à la Robert Plant au chant – qui explique peut-être la comparaison dressée à l’époque.
En outre, Diamond Head produit déjà des tubes, parmi lesquels nous mettrons en avant l’indomptable "It’s Electric", encore très marqué par les 70’s, et sans surprise "Am I Evil?", non seulement fameux pour son introduction qui passe d’une suite d’accords à la Deep Purple pour gagner les abysses de Black Sabbath à l’aide d’un triton, mais aussi pour avoir offert l’un des riffs les plus iconiques du Heavy Metal naissant.
Est-ce donc là que commence une nouvelle ère ? Sans aucun doute.
À écouter : "Am I Evil?", "It’s Electric", "Lightning to the Nations", "Helpless"