Air

Air avait marqué la fin des années 90 avec son Moon Safari, album définitivement intemporel et... aérien. Un succès international amplement mérité (outre Manche, on entend parler de "french pop" alors que des Français plus pragmatiques l'élisent meilleur album pour faire l'amour), succès qui ne les empêchera pas de rester en retrait de la scène musicale, par pudeur et sûrement - à les voir en concert - par timidité.

Trois ans se sont écoulés depuis la sortie de leur dernier album 10 000 Hz Legend, souvent considéré comme moins convaincant mais néanmois très réussi. Avec Talkie Walkie, Air renoue avec la pop légère et envoûtante de Moon Safari et s'éloigne des ambiances sombres amenées par la B.O. de The Virgin Suicides et son "Dead Bodies" à vous glacer le sang. Avec l'aide de Nigel Godrich (qui a travaillé sur les derniers albums de Radiohead), les deux Versaillais nous ont donc concocté ici un petit bijou de pop atmosphérique. Pour le coup, nos deux compères semblent même assumer leur voix androgyne en ne la dissimulant plus (ou presque) derrière l'électronique du vocoder, détail qui était l'une des marques de fabrique de leur musique. Exit également les guest-stars vocales, signe que Air s'assume désormais complètement... et Talkie Walkie est là pour nous prouver que ces choix sont parfaitement justifiés : à aucun moment leurs compositions ne souffrent de ces changements... le pari est d'ores et déjà réussi.

Après une première piste d'introduction au rythme lancinant qui donne le ton très "love love" de l'album, le premier single "Cherry Blossom Girl" s'impose instantanément comme l'une des meilleurs chansons de cet opus : arpèges entêtants à la guitare, voix douces au phrasé envoûtant, flûtes et nappes aériennes au synthé, c'est tout simplement avec une petite perfection pour les oreilles que Air se lance à l'assaut de son public. Après un "Run" qui joue sur une atmosphère plus étrange et un "Universal Traveller" moins convaincant que la moyenne, "Mike Mills" nous est offert sur un plateau et l'on retiendra de cette superbe composition-hommage (Mike Mills est un ami graphiste et réalisateur, auteur entre autres de la pochette de Moon Safari), les arrangements de cordes qui se superposent magnifiquement à la guitare acoustique. "Surfin on a Rock" vient ensuite ajouter une couche supplémentaire au génie de l'album : une musique entraînante, presque pressée, sur laquelle voix et guitare se volent la vedette à tour de rôle. Retenons également un "Alpha Beta Gaga" marqué par des sifflotements guillerets qui tranchent avec l'ambiance oppressante de "Another Day", un "Biological" tout en douceur et la remarquable conclusion qu'est "Alone in Kyoto", piste instrumentale extraite de la BO du dernier film de Sofia Coppola, Lost In Translation.

Les fans qui se sentaient un peu déçus par 10 000 Hz Legend sans oser le dire peuvent désormais se délecter de ce dernier opus, admirable à tout points de vue... Les autres peuvent rentrer en tout confiance dans le monde de Air par cette porte-ci, accessible à tous... En tous les cas, Air confirme plus que jamais sa place au sommet du monde de l'électro pop.