
Iron & Wine
Kiss Each Other Clean
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1- Walking Far from Home / 2- Me and Lazarus / 3- Tree by the River / 4- Monkeys Uptown / 5- Half Moon / 6- Rabbit Will Run / 7- Godless Brother in Love / 8- Big Burned Hand / 9- Glad Man Singing / 10- Your Fake Name Is Good Enough for Me


Où l'on se rend très vite compte des limites de la critique rock  traditionnelle. A en croire les derniers papiers extatiques de NME,  Paste ou Spin, Kiss Each Other Clean serait une véritable  merveille, un pont audacieux reliant la folk, l'électro et la world  music, et l'aboutissement de toute la carrière de Samuel Beam. Nous  n'avons probablement pas dû écouter le même disque, dans ce cas.
Inutile  de vanter encore une fois les mérites d'Iron & Wine, soit  l'association de l'un des meilleurs songwriters de la folk US  contemporaine (Samuel Beam) et, depuis 2007, d'un backing band de grande  classe comptant également parmi les artistes les plus intéressants et  singuliers de la côte ouest, aux premier rang desquels Joey Burns (Calexico). Inutile non plus de vous rappeler que, jusqu'à ce jour, la  carrière discographique de Beam s'est révélée absolument exemplaire,  avec en point d'orgue un Shepherd's Dog époustouflant de finesse  mélodique et de pertinence ornementale. Toujours en recherche  stylistique, le barbu folk a cette fois-ci décidé de franchir un pas de plus vers  la modernité et le brassage des styles en développant un disque plus  pop dans l'esprit, agrémenté d'arrangements électro assez prononcés et  sur lequel on n'entend quasiment plus de guitare acoustique. Un pari  risqué pour un résultat en demi-teinte.
"Walking Far From Home" reprend les choses là où "The Trapeze Swinger" du recueil de B-Sides Around The Well  les avait laissées, en déroulant une longue litanie sans refrain  qu'égrènent encore et toujours des textes d'une grande richesse  poétique. Sauf que l'on ressent immédiatement un malaise latent, malaise  qui se répète à l'envi sur l'ensemble du disque : ce parti pris des  grands voyages dylaniens, s'il sied à merveille au folk traditionnel  dont le dépouillement naturel se trouve propice à en magnifier  l'émotion, se révèle un choix étrange quand on l'habille avec des  textures plus synthétiques. Le titre tente coûte que coûte de jouer sur  de subtiles variations sonores, mais son caractère lancinant suscite  rapidement l'ennui en lieu et place de la contemplation attendue.  Malheureusement, Beam commet la même erreur sur la grande majorité des  chansons, ratissant les effets mélodiques de sa superbe voix pour tenter  de mettre en avant la richesse de ses arrangements, mais sans parvenir à  convaincre complètement. Bien sûr, "Tree By The River" réussit à  dégager une sorte de nostalgie sereine sur fond de xylophones  caressants, mais on a du mal à ne pas trouver irritant le recours  systématique à des chœurs presque niais dans leur intention, travers  maintes fois répété sur le disque - notamment sur le poussif "Rabbit  Will Run". Ailleurs, on peine à accrocher à des incartades certes  particulièrement osées mais pas forcément en adéquation avec l'univers  du bonhomme, impression ressentie avec le funk gentiment édulcoré de  "Big Burned Hand". Même le conclusif et imposant "Your Fake Name Is Good  Enough For Me" n'enthousiasme pas plus que cela, malgré l'intention  évidente d'en mettre plein la vue.
Kiss Each Other Clean  n'est pourtant pas un mauvais disque, heureusement. Avec un auteur de  cette trempe, on ne peut s'attendre à être déçu sur toute la ligne, et  quelques pépites viennent largement relever le niveau. L'expérience du  remplacement des arpèges de guitare sèche par une association  harpe-piano se révèle vraiment incroyable, et "Godless Brother In Love"  en tire un parti bienvenu. De même, "Monkeys Uptown", avec sa  fantastique diction scandée, et "Half Moon", lové dans ses cordes  chatoyantes, se révèlent très appréciables, alors que "Me and Lazarus",  bien que très étrange dans son approche initiale du fait de ses  bidouillages électro anarchiques, se laisse finalement assez bien  appréhender. La perplexité, pourtant, prédomine à la fin de l'écoute.  Peu importe, finalement, que Beam délaisse la folk pour quelque chose de  plus moderne et, allons-y, de plus "fashion". James Mercer, par  exemple, avait brillamment réussi ce virage vers une pop actuelle avec  Broken Bells et son collègue Danger Mouse. Lancé à corps perdu dans une entreprise identique, Samuel Beam, lui, a perdu une  partie de son âme en chemin : espérons qu'il la retrouvera bien vite.






















