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Critique d'album

Elvis Presley


Way Down In The Jungle Room


(05/08/2016 - RCA / Legacy Recordings - King of rock 'n roll - Genre : Rock)
Produit par Elvis Presley / Felton Jarvis

1- Way Down / 2- She Thinks I Still Care / 3- Bitter They Are, Harder They Fall / 4- Pledging My Love / 5- For The Heart / 6- Love Coming Down / 7- He’ll Have To Go / 8- Blue Eyes Crying In The Rain / 9- Hurt / 10- Never Again / 11- Danny Boy / 12- Solitaire / 13- Moody Blue / 14- It’s Easy For You / 15- I’ll Never Fall In Love Again / 16- The Last Farewell / 1- Bitter They Are, Harder They Fall – take 1 / 2- She Thinks I Still Care – take 10 / 3- The Last Farewell – take 2 / 4- Solitaire – take 7 / 5- I’ll Never Fall In Love Again – take 5 / 6- Moody Blue – take 1 / 7- For The Heart – take 1 / 8- Hurt – take 3 / 9- Danny Boy – take 9 / 10- Never Again – take 9 / 11- Love Coming Down – take / 12- Blue Eyes Crying In The Rain – take 4 / 13- She Thinks I Still Care – (alternate version) take 2 / 14- It’s Easy For You – take 1 / 15- Way Down – take 2 / 16- Pledging My Love – take 3 / 17- For The Heart – take 4
Note de 5/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"Le roi de la jungle"
Etienne, le 10/08/2016
( mots)

1976. Il était une fois, un petit homme... Non, un grand homme en fait. Un grand homme, superstar de son état, ex-roi du rock 'n roll tombé en disgrâce face à une concurrence des plus rudes. Seul, reclus dans son dépeuplé palais de Graceland, Elvis Presley subit une vie de représentations mécaniques et pailletées sans autre intérêt que celui de remplir les caisses. Divorcé, loin de sa fille, singé par le public de la nouvelle scène rock des années 60, il est le symbole d'une musique vieillissante, sans écho pour une génération attachée aux sensations nouvelles d'un progressisme planant ou d'un hard rock vigoureux. Il reste pourtant globalement très populaire mais vit mal son catalogage d'artiste country diffusé sur les radios "Adult Contemporary". Psychologiquement atteint, il décide de se relancer en réhabilitant sa salle de relaxation hawaïenne de Graceland en studio d'enregistrement personnel, une première pour un artiste de sa trempe. C'est donc du résultat de ces sessions impromptues, se déroulant du 2 au 8 février et du 28 au 30 octobre, qu'il est question sur cette dernière compilation RCA/Legacy Way Down In The Jungle Room.


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Attaché depuis maintenant plusieurs années à magnifier l'héritage du King au travers de superbes remasterisations CD de grande qualité (le très recommandable coffret Young Man With The Big BeatElvis Presley, Elvis Is Back!, From Elvis In Memphis, That's The Way It's Is et plus récemment Today), le label historique américain prend soin de son éternel poulain. Pour rappel, en 2015, il est le quatrième artiste a avoir vendu le plus de disques en Grande-Bretagne derrière Adèle, Ed Sheeran et Sam Smith. Un résultat étonnant accompli grâce à son album If I Can Dream, enregistré avec le Royal Philharmonic Orchestra à Abbey Road. Un poulain on or, en fait. Loin de bafouer la mémoire d'Elvis Presley, RCA traite avec beaucoup de respect chaque période de la carrière du King, permettant à tous de se (re)plonger dans les grands moments du rocker. Ici, les enregistrements originaux ont été remixés par Matt Ross-Spang (Rival Sons, The Sheepdogs) aux Sam Phillips Studios de Memphis. Encore une fois, l'attention portée à ce nouveau disque est particulière afin de permettre une appréciation absolue de ces sessions de la jungle.


De ces chansons enregistrées voilà quarante ans se pose la question de leur audibilité aujourd'hui. Et même si la production de ce dernier disque frôle encore la perfection, force est de constater que les seize titres extraits de ces sessions ont bien mal vieilli. Loin d'être au meilleur de sa forme, la voix d'Elvis vogue dans des graves souvent amples et trop appuyés. Il est méconnaissable sur "Way Down", exaspérant sur l'interminable "He'll Have To Go", larmoyant par excès sur "Hurt", pourtant un hit à sa sortie en 1976 sur l'album From Elvis Presley Boulevard, Memphis, Tennessee. Bien loin du rock 'n roll binaire exécuté par un simple quatuor de jeunes loups, le King s'entoure de sa troupe habituelle pour capitonner chaque titre d'un bourrage orchestral indigeste ("Bitter They Are, Harder They Fall"). Déjà stéréotypés, les seize titres de Way Down In The Jungle Room peinent à vraiment s'émanciper des canons de l'époque et à trouver un véritable écho aujourd'hui. Mais il serait injuste de juger ces sessions historiques par leur simple résultat sur bandes. Car en dépit de son hermétisme musical, les enregistrements ressuscités de la "Jungle Room" ont comme un air d'innocence, de fantaisie même. Un air qu'on n'avait plus entendu chez Elvis depuis un long, très long moment.


On sourit à l'écoute d'un "Moody Blue" d'une gaieté naïve ou d'un "For The Heart" au piano cocasse mais groovy. Elvis Presley semble heureux d'entonner les titres qu'il a lui seul choisi d'enregistrer (et de produire), qu'ils soient les siens ou des standards du catalogue américain. Supervisé par Felton Jarvis, son producteur attitré depuis 1966, le King retrouve la liberté d'interpréter ce qu'il veut, loin de l'asservissement contractuel imposé par le "Colonel" Parker. De l'air lourd et humide de la jungle émane un chanteur retrouvant une verve certaine sur le lancinant pop-blues "Blue Eyes Crying In The Rain" ou l'épatant "She Thinks I Still Care". Clairement plus hospitalière sur un deuxième disque composé de prises alternatives inédites, la jungle du King le dévoile sur un autre jour, plus libéré, plus touchant aussi. Une maigre consolation dirons certains pour cet album délicat à considérer aujourd'hui qui a pourtant le mérite d'éclaircir la volonté de RCA avec cette compilation: redorer le blason d'une fin de carrière tumultueuse, noircie par les tabloïds et les addictions diverses de Presley. Dans sa jungle, il est redevenu le roi.


Au même moment où Elvis enregistre ses derniers titres dans cette jungle de son, RCA sort la compilation de ses premiers morceaux captés aux Sun Studios avec Sam Phillips entre juillet 1954 et juillet 1955. Symbole d'une époque révolue où le jeune chanteur révolutionnait le monde de la musique avec toute son innocence, ces Sun Sessions sont aux antipodes de la musique du King vingt ans après. Les guitares saillantes, les basses roulantes et le chant titubant ont laissé place à des compositions millimétrées, sur-produites et à l'orchestration boursouflée. La voix appuyée du King est lissée de toute aspérité, bien loin des balbutiements jubilatoires de ses premiers émois de rocker. Mais il y a bien un point commun entre ses deux disques: l'instinct. Elvis Presley, l'ingénu, avait enregistré ses premiers titres au culot, sans format prédéfini. C'est dans cet état d'esprit qu'il capte ces quelques journées d'enregistrements au sein de sa "Jungle Room". Et si le résultat musical n'est pas à la hauteur du génie de ces jeunes sessions, Elvis a imité un temps le candide petit homme qu'il fut autrefois.


A peine une année plus tard, les fauves du show-business auront sa peau.

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