Exsonvaldes
Aranda
Produit par Alex Frida
1- White Fires / 2- Horizon / 3- Judging Hand / 4- Cyclop / 5- Control / 6- Stories in Reverse / 7- Les Angles Morts / 8- En Silencio / 9- Walls / 10- Beyond Repair / 11- The Reckoning
Trois ans presque jour pour jour se sont écoulés depuis la sortie de Lights et de l’une des critiques qu’il m’avait été le plus difficile d’écrire. Exsonvaldes, dans ce troisième album, prenait beaucoup de risques, réorientait sa pop-rock vers des sonorités 80’s tout en faisant un appel du pied à Phoenix - anciens protégés de leur producteur désormais presqu’attitré, Alex Firla - et en s’essayant à la langue de Molière. Le résultat avait déçu, non pas forcément dans ses partis pris, mais dans un songwriting moins profond, moins maîtrisé, avec notamment une poignée de morceaux indignes de leur talent. Même si Magic avait applaudi des deux mains et que les autres critiques avaient globalement salué le virage des parisiens, on était resté dans une certaine expectative quant à l’avenir du groupe.
Trois ans ont passé, donc, et de l’eau a coulé sous les ponts. A posteriori, il faut bien reconnaître que les mots écrits à propos de Lights avaient été bien durs, l’album se réécoutant plutôt bien une fois la surprise digérée. Rien d’exceptionnel, mais rien d’insurmontable non plus. Rien, en tout cas, qui n’interdise de donner sa chance à cet Aranda, du nom de la ville espagnole dans laquelle ce quatrième effort studio a été enregistré. Le parti-pris est ici bien différent, avec des morceaux à la fois plus posés, mais paradoxalement enregistrés dans l’urgence, dans les conditions du live. La tracklist confirme le penchant du désormais trio - le bassiste Cyrille Nobilet manquant à l’appel sur les photos presse - pour des textes en plusieurs langues avec, en plus de l’anglais et du français, l’apparition de morceaux en espagnol. Il est vrai que les ibères ont toujours réservé un très bon accueil à Exsonvaldes, peut-être meilleur que les français.
Et la surprise est une fois de plus au rendez-vous, mais dans le bon sens cette fois-ci. Ceux qui avaient boudé les sonorités synthétiques de Lights en seront pour leurs frais, car Aranda ne renie pas l’élargissement de la palette sonore du groupe. Les claviers sont même encore plus présents cette fois-ci, mais ils sont également moins envahissants, moins tapageurs, mieux intégrés, en se coulant dans la chanson et en se mettant à son service plutôt qu’en l’asservissant. Varié, l’album l’est autant dans ses traitements sonores (d’un “Judging Hand” abrasif à un “En Silencio” cajoleur) que dans ses textes, ici plus travaillés et, autant le dire d’emblée, nettement mieux maîtrisés qu’avant. Le français, auparavant hésitant, prend ici une telle place et le fait avec un tel éclat qu’on regretterait presque que l’expérience n’ait pas été poussée jusqu’à son terme avec un disque entièrement francisé. Cela viendra peut-être ? Toujours est-il que si Exsonvaldes pouvait s’appuyer sur “Lali” dans Near The Edge Of Something Beautiful et sur “Days” dans Lights, c’est désormais “Cyclop” qui s’impose ici, et dans la langue gauloise qui plus est. La poésie surréaliste de l’écriture se marie à merveilles avec l’air doux-amer et impose le morceau comme une évidence. Et tous les morceaux français sont de la même veine, quel que soit le style attaqué : new wave sombre (“Horizon”), pop urbaine crépusculaire (“Les Angles Morts”) ou slow rêveur (“En Silencio”). Ce dernier accueille la chanteuse espagnole Helena Miquel dont le chant très pur épouse parfaitement la raucité contenue de Simon Beaudoux que l’on sent désormais à l’aise, moins crispé, remarque valable pour le reste du groupe. Lights sentait le calcul, la remise en question. Rien de tout ça ici : Aranda coule tout seul, sans positionnement ni posture, sans honte ni fanfaronnade. Le disque de la maturité dans toute sa splendeur.
Mais ce qui importe le plus, c’est que l’album émeut alors que le précédent divertissait. On savait les parisiens grands admirateurs de Death Cab For Cutie, et le fait est qu’ils réussissent ici à faire de l’ombre à Ben Gibbard, ce qui n’est pas peu dire. “Control” en est l’exemple parfait : un morceau lent qui n’a l’air de rien, mais qui fait preuve d’une telle délicatesse dans les arrangements, d’une telle épure dans le traitement vocal, qu’on en arrive à sombrer dans une addiction irrépressible. Même chose pour “Beyond Repair” : la redondance ouatée du titre se fait lancinante, caressante, rien à voir avec l’agaçant “Seahorse” de Lights qui, pourtant, jouait sur les mêmes artifices. Et si Aranda convainc sur ses pièces contemplatives, il sait aussi marquer les esprits lorsque l’électricité s’invite aux festivités (“White Fires”, à la fois racé et désespéré) ou que l’électronique reprend le dessus (“Stories in Reverse”, modèle de tristesse expulsée dans la pudeur des claviers). Même le très synthétique “Les Angles Morts”, lancé à mi-course dans des boucles rythmées, n’oublie pas de charrier son pathos avec lui, et c’est là qu’Exsonvaldes excelle véritablement.
Non seulement Aranda fait oublier le trop facile Lights, mais il surpasse même ses deux autres grands frères en substituant à leur émotivité juvénile une tranquille extraversion. Fort d’une tracklist quasi-intouchable (avec une petite réserve sur “Walls”, peut-être justement un peu trop facile lui aussi), d’un songwriting mature et d’influences maîtrisées voire même égalées, ce quatrième album assoit Exsonvaldes dans un style personnel que les trois hommes semblent enfin avoir apprivoisé après une quête parfois déroutante. L’occasion ou jamais de redonner leur chance aux parisiens et de leur faire bon accueil sur scène. Pour votre serviteur, en tout cas, l’ardoise Lights n’aurait pas pu être mieux effacée. Sans rancune, messieurs, et chapeau bas.