Franck Carducci
The Answer
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1- (Love is) The Answer / 2- Slave to Rock 'n' Roll / 3- Superstar / 4- The After Effect / 5- The Game of Life / 6- Asylum (feat. Derek Sherinian) / 7- On the Road to Nowhere (Bonus Track) / 8- Beautiful Night (Bonus Track) / 9- (Love Is) The Answer [Radio Edit] / 10- Slave to Rock 'n' Roll (Radio Edit)
Le petit génie du rock progressif français frappe à nouveau, quatre ans après son dernier opus, transportant à nouveau l’auditeur dans son univers déjanté et alimenté par les années 1970 (Steve Hackett est un de ses mentors et de ses compagnons de route). Si l’étiquette progressive lui va bien, elle ne résume pas complètement son œuvre puisqu’il louvoie au gré des envies dans des mondes variés, parfois surprenant.
Très personnellement, j’avais trouvé ses deux premiers ouvrages de bonne qualité, sans pour autant adhérer à l’enthousiasme démesuré qui les entourait : le tort ne vient pas du bassiste lyonnais (instrument à un ou deux manches que manipule notre protagoniste), qui avait, en effet, réalisé un travail remarquable.
Mais, il fallait bien reconnaître, d’une part, l’exagération des dithyrambes qui m’avait (trop) mis l’eau à la bouche et, d’autre part, un décalage entre la musique de Franck Carducci et sa qualification. En effet, il n’était pas toujours purement progressif : parfois simplement rock, voire pop, bref touche-à-tout. Il était alors compliqué de parler de renouveau total de la scène, d’autant plus qu’il est certain que Franck Carducci n’accepterait pas de voir ainsi négligé ses amis de Nemo ou Lazuli.
Ce déploiement de styles se retrouve d’ailleurs dans The Answer, avec le parodique et hard-blues-rock "Slave to Rock’n’Roll", déjà connu car joué sur scène depuis quelques années, loin de toute réminiscence progressive.
Avant d’entrer dans le sujet, il faut souligner le talent du groupe sur scène : un spectacle minutieux, très vivant, avec ce qu’il faut de costumes et de grimages pour rendre hommage aux grandes heures de Genesis. Mon expérience au festival Quadrifonic permet de conseiller au moindre curieux d’aller passer un grand moment de rock auprès de Franck Carducci. Ceux qui sont frileux quand il s’agit de rock progressif peuvent mettre de côté leurs velléités : si la musique est ambitieuse et alambiquée, le jeu de scène est explosif, impossible de s’ennuyer.
Quant à ce nouvel album, il reçoit comme les autres les éloges de toute la critique : une fois n’est pas coutume, on est obligé de s’incliner et de rejoindre l’orchestre. Franck Carducci s’est surpassé et signe son meilleur album, prouvant que la scène progressive française est non seulement bien vivante mais capable de réaliser des perles. Bien sûr, cela passe par un tournant davantage progressif, tel qu’annoncé par l’artiste, sans qu’il ne modifie son attrait pour le rock 70’s classique dont l’album se nourrit à nouveau.
Dès les premières notes de "(Love Is) The Answer", la direction progressive est confirmée, et ce morceau est l’un des plus réussis de l’opus. Avec son thème médiévalo-orientalisant et planant, renforcé par des accords saturés plaqués et des chœurs à propos, mais surtout par ses passages aux claviers, il renoue avec le meilleur du rock progressif français (Ange), dans sa sonorité comme dans sa mélodie. Le seul écart est le chant, qui est en anglais. Opportunément placé en première piste, il permet à l’auditeur de se laisser porter son style lancinant et ainsi entrer dans l’album.
"The After Effect" est un autre monument du genre : un hard-progressif atmosphérique et puissant, avec des claviers ultra-inventifs et synthétiques (rappelant parfois Dream Theater), des guitares aux riffs à la limite du Metal, des mélodies nombreuses et composées avec inventivité, un refrain mémorable. Une belle montée en puissante guidant vers des passages plus décalés, atmosphériques, et toujours harmonieux. On peut parler de "The After Effect" comme du pinacle de The Answer.
Si Franck Carducci est plus progressif, il n’oublie pourtant pas d’être accessible. Le plus long titre, « Superstar » - plus de douze minutes - alterne des thèmes purement progressifs, des variations nombreuses, mais des mélodies et des plans très classic-rock : riffs assez lourds, arpèges classieux, chœurs type gospel, orgue 70’s … On peut parfois se croire dans du rock sudiste. Les parties plus planantes – notamment à la fin – nous ramènent néanmoins dans le sillon habituel. Le morceau est une bonne porte d’entrée pour ceux qui ne sont pas acclimatés au genre. Il raconte l’histoire d’un personnage fictif, Arion (inspiré par la mythologie), souvent incarné sur scène puisqu’on le retrouve comme auteur imaginaire de "Slave to Rock’n’roll". Son Gérald Bostock à lui, en quelques sortes.
Dans la même idée, à l’intersection entre la face classic-rock et le progressif de l’esthétique de Carducci, on trouve "Asylum", avec des relents sudistes et blues-rock nombreux (le riff de départ, le solo, les chœurs). Des parties plus éthérées – notamment le pont central – renvoient davantage à l’univers progressif, d’autant plus que Derek Sherinian (Dream Theater, Sons of Apollo) est aux claviers !
Seul le jazzy "The Game of Life" (trio chant/piano/trompette) est un peu en-dessous, mais il a un rôle de transition, de respiration pour un album bien rempli, dense, mais sans aucune longueur.
Certes, en France, on n’a pas de pétrole, mais on des musiciens, notamment à Lyon qui avait vu naître, il y a quelques décennies, Pulsar ou Spheroe, et qui accueille désormais une figure talentueuse du rock progressif, Franck Carducci. Il est même le fanal du genre hexagonal à l'étranger. Plusieurs dates sont programmées pour le printemps 2020, en France et en Angleterre, alors foncez.