Glowsun
The Sundering
Produit par
1- Virus / 2- The End / 3- My Jesus / 4- No Way / 5- Green Sun, Sick World / 6- Barbarella / 7- Inside My Head / 8- The Heads / 9- Need
La sortie du premier album de Glowsun est une excellente nouvelle, pour plusieurs raisons. Après Blackstone, Zoé, Loading Data et Rescue Rangers, elle prouve tout d’abord que la France, de nombreuses années après ses homologues américains et scandinaves, est capable d’enfanter de bons albums de stoner. Dit comme ça, ça a l’air de rien, mais on n’aurait jamais pensé il y a dix ans, alors que le genre avait failli percer devant le grand public, qu’avec la maigre scène nationale d’alors (3-4 groupes à tout casser), le coq gaulois en avait assez dans le plumage pour s’imposer dans la compétition. Autant savourer un peu le moment en bombant le torse et en criant cocorico, le rock d’ici ne nous en fournissant pas toujours l’occasion. Et quand on songe à la jeune garde qui se presse derrière (Alcohsonic, 7 Weeks…), on ne peut que savourer ce regain d’activisme pour la cause heavy rock. Ensuite, de façon plus marginale, The Sundering confirme la bonne forme du stoner instrumental made in Hexagone, si l’on songe au labo sonique clandestin de A Tijuana Trip ou à Caldera et son Mist Through Your Consciousness (dans une veine plus doom il est vrai). Car oui, du stoner instrumental, ça existe. Cette sous-chapelle compte d’ailleurs bien des adeptes, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. Une concurrence devant laquelle Glowsun n’a aucune raison de rougir, vu que le combo s’avance aujourd’hui avec 9 titres et autant de sérieux arguments.
10 années d’activisme acharné auront toutefois été nécessaires pour arriver à pareil résultat, le temps de stabiliser le line-up, de parfaire son jeu scénique en terres nordistes et en Belgique, et d’ébaucher ses premières compositions. Une période de maturation finalement bien salutaire, car ce qui saute aux yeux une fois la galette entre les mains, c’est le professionnalisme affiché par le groupe. A commencer par cette superbe pochette, exécutée de main de maître par Johan Jaccob (chanteur et guitariste) qui épouse à la fois les principaux traits du genre, avec sa belle créature noyée dans des motifs psychédéliques (on n’est pas loin des artworks des premiers Atomic Bitchwax) et un imaginaire qui puise sa substance aussi bien dans la science-fiction de série B ("Barbarella"), les trips mentaux ("Inside My Head") que dans les forces de la nature élevées au rang de divinités ("Green Sun, Sick World"). Une dualité (les fleurs se transforment en crânes humains une fois la pochette mise à l’envers) qui prépare idéalement les réjouissances une fois pressé la touche play. Car The Sundering regorge de duels antagonistes : parenthèses aériennes violemment balayées par des bourrasques de guitares cinglantes, instants de contemplations lysergiques laissant place à de furieux exercices de headbanging, pulsions sexuelles ("Barbarella" et son rythme en forme d’appel à la chair) et instincts de mort.
Musicalement, la forme du power-trio avec laquelle Glowsun a choisi de s’imposer n’est pas sans rappeler les figures tutélaires du mouvement, Cream et Jimi Hendrix en tête, tout comme ses magmas de riffs en fusion ne manquent pas d’évoquer les forteresses guerrières qu’Hawkwind imposait à ses ouailles à la grande époque. Mais parce qu’il n’est pas bêtement resté bloqué à la case 1970, le groupe sait aussi s’inspirer de quelques moulineurs contemporains. On pense ainsi tout autant au psychédélisme géométrique de Colour Haze, la virulence sudiste d’un Karma To Burn, l’efficacité redoutable de The Atomic Bitchwax Mark I (l’utilisation parcimonieuse du chant, se limitant à quelques paroles scandées derrière le mur du son, n’est d’ailleurs pas sans rappeler le combo d’Ed Mundell à ses débuts) ou encore cet art du binaire planant qui les rapproche de leurs camarades de label Monkey 3. Influences et voisinages que Glowsun parvient à dompter pour les plier à ses caprices, car par petites touches la formation dessine un univers bien à lui, où se mêlent effusions de sang et regard scrutateur porté sur la nature, Eros et Thanatos liés dans un seul et même coït.
Comme tout bon disque instrumental qui se respecte, The Sundering permet tout d’abord d’apprécier trois musiciens en train de s’affronter en de puissantes escarmouches. Johan Jaccob tricote ses lignes hypnotiques avant de tout ensevelir sous un torrent de fuzz déchaînée ("Virus", bouillant titre introductif qui évoque une chute libre depuis la stratosphère sans harnais de sécurité, le désenchanté "The End"), se livrant à un jeu pervers avec une section rythmique vorace alternant grooves gironds et grondements meurtriers (écouter à ce titre l’impitoyable "The Heads" qui progresse vers un climax effréné). Avec un désir certain de confectionner des atmosphères singulières (le torride "Barbarella", "Green Sun, Sick World" peignant un paysage post-apocalyptique ravagé par une catastrophe écologique), Glowsun se montre plus subtil qu’il n’y paraît, enrichissant l’écoute du disque à chaque passage. Une qualité que l’on avait déjà décelé dans les productions précédentes du groupe, et qui se fait ici criante, grâce aux mains expertes de Göran Finnberg (Spiritual Beggars, Generous Maria, Opeth, In Flames) qui s’est chargé du mastering. Autant ne pas jeter toutes nos fleurs sur le Suédois, la présence de "My Jesus", "No Way" et "Inside My Head" dans des versions très similaires à celles de l’EP Lost Love (2005) assure que le groupe sait très bien comment faire sonner sa mixture lui-même. Mixture que l’on espère goûter à chaud en concert le plus tôt possible, lieu sur lequel l’expérience sonique de The Sundering risque d’atteindre son point d’efficacité maximale et faire bon nombre de victimes consentantes.