Le Prince Miiaou

Avec son second album autoproduit Safety First en 2009, le Prince Miiaou nous avait étonné par sa sincérité, où chaque chanson faisait office d'un petit bijou précieux à conserver jalousement. Sur scène, on découvre Maud-Elisa Mandeau, de son vrai nom, un petit bout de femme blonde, timide et frêle, mais qui s'avère avoir du coffre et une présence magistrale. Farouchement indépendante, on sent une grande timidité et une angoisse latente chez elle, qui rappellent le tempérament de Shannon Wright ou encore de Scout Niblett. D’ailleurs, cette jeune femme originaire de Réaux ne se laisse pas apprivoiser pour son troisième album Fill the Blank with your own emptiness, mais signe avec le label 3ème bureau pour la logistique, tout en restant maîtresse de ses chansons.

Repérée à ses débuts par Lenoir (France Inter), c'est en partie en cherchant l’assentiment des critiques que Maud-Elisa Mandeau a écrit Fill the Blank with your own emptiness. Même si la jeune française parle de l'angoisse de la page blanche, il n'y a pas de vide dans ses textes, mais plutôt des histoires d'amour, de comportements, de sentiments et d'émotion : c'est la suite logique de Safety First, un peu claustrophobe et égocentrique. Sa voix s'y déploie, plus sûre et ses mélodies s'affirment limpides. Avec ce nouvel opus, terminé la confidentialité, parce qu'à l'écoute de ses titres flamboyants, on peut parier qu'une belle reconnaissance attend cette jolie charentaise.

Démarrant avec "J'ai deux yeux", (en référence à ses yeux globuleux) le seul titre alternant le français et l'anglais, on découvre un premier morceau à l’écriture subtile et aux arrangements harmonieux. La suite avec "Be silent" représente tout le talent qu’on connaissait du Prince Miiaou, une mélodie explosive tout en coups de griffes et feulements puissants. Influencée par PJ Harvey, Arcade Fire, Radiohead, Maud-Elisa rappelle aussi les Pixies sur "Turn me off" ou "I love nobody". Avec une voix évoquant Cat Power ("Hollow hero"), même si Le Prince Miiaou chante sublimement "Do you know my name ?" sur "I don't know my name", parions sur le fait que le public retiendra le sien. Sublimés par un violoncelle et les vrombissements de sa guitare électrique, les morceaux de ce chat au sang bleu s'accompagnent d'un murmure ("Fill the blank with your own emptiness – Part 2") répondant à des cris de haine ("Be silent"), synonymes de ses combats intérieurs. On est transporté par des profusions de chœurs ("Down in the well"), surpris par l’utilisation du pipeau ("Turn me off") et des sifflements sur "I Love nobody". Un album de 48 minutes qui filent rapidement et où chaque chanson bénéficie d’un arrangement soigné. L’écoute de Fill the Blank with your own emptiness offre malgré tout quelques (faibles) respirations avec "Bugs" ou encore "Easy target", qui ne nuisent pas à l’ensemble. Mais on préfère les constructions dramatiques telles celles de "I don't know my name" ou "Be silent".

Fill the Blank with your own emptiness est un ensemble très cohérent, un album assez mature au caractère mélancolique. On succombe facilement à ce disque au charme brut, dégageant une force rare et une énergie sans limite, pour une jeune autodidacte de 27 ans.