Manic Street Preachers
The Holy Bible
Produit par Manic Street Preachers, Steve Brown
1- Yes / 2- Ifwhiteamericatoldthetruthforonedayit'sworldwouldfallapart / 3- Of Walking Abortion / 4- She Is Suffering / 5- Archives Of Pain / 6- Revol / 7- 4st 7lb / 8- Mausoleum / 9- Faster / 10- This Is Yesterday / 11- Die In The Summertime / 12- The Intense Humming Of Evil / 13- P.C.P.
Les gros Manic, les gros Street, les gros Preachers. On a envie de dire "gros" comme on parle d'une grosse couverture, et en référence au côté réconfortant que le groupe peut évoquer auprès des fidèles, via notamment quelques chansonnettes mignonnes mais jamais kitschs qu'on retient de lui. C'était un peu moins le cas à ses débuts. Bon en fait carrément moins. Et cette réédition de The Holy Bible nous le prouve bien. "Gros" aussi par rapport à la pochette, à la limite. Et "gros" car c'est bien le poids qu'a le combo gallois dans sa contrée et un peu partout ailleurs depuis les 90ies. "Pays de Galles indépendant!" comme dirait l'autre. Et l'esprit (rock) des Manic Street Preachers l’est aussi.
Edité à l'origine en août 1994, The Holy Bible fête cette année ses vingt ans. Sorti sous forme remasterisée le 5 décembre, son nom est bien raccord à la période de Noël, mais pas que.
Cet album fut le troisième du groupe et marqua un revirement musical après Gold Against The Soul et surtout Generation Terrorist, résolument rock américain. Dans The Holy Bible, les Manic reviennent aux origines, et piochent allègrement dans leur héritage britannique ma foi pas degueu, du côté de groupes "itchy"- qui-démangent tels PIL ou Gang Of Four. Milieu-ouvrier-for-ever-c'est-de-là-que-sort-le-meilleur. On a encore bien sûr à cette époque encore un peu les pieds dans le grunge et c'est également ce côté rugueux et mal rasé qui caractérise l'album est qui le met en fort contraste face à l'édulcoré This Is My Truth, Tell Me Yours quatre ans plus tard ou au duo avec Nina Persson("Your Love Alone Is Not Enough") en 2007. Contrastés, les MSP (et pas les MST) le sont, ils ont pas mal virevolté pour finalement se fidéliser au rock anglais version pop et brillant, là où ils sont les plus crédibles, et ils en feront une belle démonstration condensée dans Know Your Enemy en 2010. Et du coup, en se repenchant sur The Holy Bible, les effluves post punk du groupe nous pètent au nez comme une bonne vieille bouteille déterrée du cellier.
Le style musical rageur est revendicateur tout du long et s’inspire du post punk en vogue (Magazine, Wire...). Une véritable présentation de ce qu’il se fait de plus acéré dans les early 90ies, très près des convictions profondes des MSP, ce qui rend The Holy Bible véritable et incarné. "Yes" symbolise l’élégance Corgan-ienne du chanteur James Dean Bradfield (dans "She Is Suffering" aussi plus loin), une voix sans emphase et singulièrement défraichie par des paroles poisseuses “Puking - shaking - sinking I still stand for old ladies/ Can't shout, can't scream, I hurt myself to get pain out”. Et cette opposition fait la rue Michel. Les titres sont quasi tous à connotation négative: "Walking Abortion" davantage new wave, enfoncé en écho par "Archives Of Pain"... Le style industriel-Joy Division est insufflé au début de "Revol", pour tremper un peu plus l'album d’acier, de béton armé, de désapprobation généralisée, mise en regard intelligemment avec Ballard et ses nouvelles mélancoliques façon présent visionnaire dans "Mausoleum". Et puis un peu de grunge, parce que bon on est dedans, avec "Die in the Summertime" et le punk juvénile clôt l’album avec "PCP" sous forme de pyrotechnie de final de spectacle.
Du côté des paroles, c est ultra revendicateur, tout les sujets y passent ou presque: le fascisme, la consommation de masse, le suicide, la famine et la peine de mort... Et chaque titre d'être introduit par un extrait audio, thématique au contenu de la chanson. Pour exemple: le scandé "IfwhiteamericantoldthetruthforonedayIt'sworldwouldfallapart"- parfait papi de luxe de Green Day ou Billy Talent - est précédé d'un extrait de show du parti républicain américain, "The Intense Humming Of Evil" par un discours du procès de Nuremberg.
Cette ambiance à vif n’est pas sans lien avec l'état de l’auteur principal des paroles, Richey Edwards, qui souffrait à l’époque de troubles du comportement et de l’humeur, s’infligeant autant de blessures que de riffs de guitares rageurs. Le thème vestimentaire s’inspire du Clash, pour parfaire le tableau. Un groupe sur le fil quoi, remonté, efficace dans ses mélodies et explicite dans ses paroles et son imagerie.
Vingt ans plus tard, dans un climat de reconnaissance marqué (structure de la famille, identité étataire et régionale...), cet album apparait (incroyablement) actuel. L’humeur est raccord quoi. Tous ses niveaux s’imbriquent et s’articulent en une structure homogène de militantisme bien supporté par l’héritage punk new wave. Il y a beaucoup de bonnes idées , une belle captation kaleidoscopique d’un temps finalement pas révolu. Manic Street Preachers a l’œil aiguisé, "sharp" comme on dit outre- manche, et ce malgré ses errements parfois douteux dans sa carrière. Oui, ce groupe est "gros" (et en a gros ) tout autant que The Holy Bible, disque référence et fréquemment cité dans les tops-classements-géants. Et à juste titre.