Mustang
A71
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1- Je M'emmerde / 2- Le pantalon / 3- King of the Jungle / 4- Pia pia pia / 5- Maman chérie / 6- Mustang (instrumental) / 7- Anne-Sophie / 8- La dame de Pique / 9- Ma bébé me quitte / 10- La plus belle chanson du monde / 11- En arrière, En avant / 12- C'est fini
J'ai un pote Auvergnat. Un bon copain. Mais je suis très jaloux de deux choses. La première, c'est l'élégance et la désinvolture avec laquelle il réalise la truffade Auvergnate, qui est au Puy de Dôme ce que la tartiflette est au Mont-Blanc. La seconde chose que je lui envie, c'est "la Coopé", cette salle de Clermont Ferrand qui est probablement la salle de concert la plus rock de France. En plus d'avoir une excellente programmation, La coopérative de Mai (de son vrai nom) apporte son soutien aux groupes locaux, et les trois gars de Mustang sont leurs poulains (Mustang/Poulain, cet article risque d'être long). Vous me croirez si vous voulez, mais le trio Mustang, gominé, aux chemises couleurs pastel de Cadillac 50's, est un groupe... Clermontois.
Je préfère vous mettre en garde. Cet article est diffusé sur un webzine rock qui s'adresse à un public globalement jeune. Mais là, ne vous offusquez pas si l'auteur pro-auvergnat que je suis vous jette à la gueule des références d'un autre temps, de l'époque des scopitones, du Twist, et du pento dans les cheveux.
L'album de Mustang est sobrement intitulé A71. Pas de quoi fouetter un cheval diront les plus sceptiques, mais ils n'empêche que ce titre nous donne deux informations capitales. Tout d'abord, le bon routier que je suis vous le confirme, l'A71 est l'autoroute qui permet de rejoindre Bourges par Clermont-Ferrand. Et quand on sait que les Mustang étaient au dernier printemps de Bourges, on peut se la raconter. Deuxièmement, on lit A71 comme on aurait pu dire A40, A89, A10. Sauf que s'appeler Mustang et parler d'A71, c'est comme si l'on s'appelait Simca 1000 et que l'on baptisait son album Road 66. C'est antinomique. Que doit-on comprendre ici ? Les Mustang sonnent comme l'amérique de Buddy Holly, Johnny Cash, et Wanda Jackson, mais leur patrie est celle des Chats Sauvages, de Jesse Garon, et de Monsieur Eddy. Monsieur Mitchell (Claude Moine de son vrai nom) semble d'ailleurs hanter le morceau "Je m'emmerde", aux allures de "Eddy sois bon" époque Chaussettes Noires. "Le Pantalon", hymne anti-hippie, rappelle le "hippie hippie houra" de Jacques Dutronc. Les Mustang semblent être nostalgiques d'une époque qu'ils n'ont pas connue, celle des cheveux courts et bien peignés, de Bonne nuit les petits, et des premiers émois moites sur le skaï bleu turquoise d'une 4 chevaux. Une mélodie qui vous envoie direct à la foire du trône en 64, à l'époque ou votre mère (ou votre grand-mère) était sexy. D'ailleurs, si les Mustang avait connu votre mère, il lui aurait sûrement fait un plan drague sur "King of the Jungle", en rêvant du Drive-in de American Graffitti depuis Clignancourt. Mais attention, les Mustang sont des playboys, aux faux airs de Vince Taylor, et lorsqu'une fille les exaspère, ils lui chantent "Pia Pia Pia" à la façon de Nino Ferrer. A grand coups de " ta gueule", parce que, je vous le rappelle, à l'époque les femmes savaient fermer leur gueule. Toutes, sauf Maman, à qui l'on rend hommage dans "maman chérie" (oui, les rockeurs sont aussi régressifs). Les bons osent tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît comme ne dirait pas Audiard. Du coup, les Mustang tentent un instru à la "Shadows" qui remplit sa mission. Et à l'écoute de "ma bébé me quitte", il ne manque plus qu'un collier de fleurs et un parapluie de Coktail sur une noix de coco pour se croire dans King Créole avec le grand Elvis. J'arrête le disque, j'ai le Teppaz qui chauffe (Vas-y, je t'autorise à taper "Teppaz" dans google).
Mustang, à ne pas confondre avec Les Mustangs, groupe des années 60 aux allures de Shadows, remet donc le couvert avec les yé-yé. Mais détrompez-vous si vous imaginez que ce n'est qu'une madeleine de Proust. C'est fait avec intelligence, finesse, et un certain degré (je ne sais pas encore lequel, mais dès que j'ai trouvé, je vous le dit, promis). Tout y est. Les onomatopées vocales (rendues célèbres par le "All shook up" de Elvis), la désinvolture (comme Jesse Garon et mon pote Auvergnat), et les néons du Juke Box. Jean, le chanteur, nous emmène avec sa Gretsch (je crois) très loin des mélodies d'aujourd'hui, et arrive tout de même à faire monter la température. Parfois, ça commence comme un morceau pré-enregistré de clavier Bontempi ( "Anne-Sophie"), et puis on se laisse porter par la réverb' et on court enflammer la piste du bal monté.
ça me fait penser que je dois cirer mes boots.
L'écoute de A71 est fortement conseillée, afin de mieux comprendre vos parents (ou vos grands-parents), et d'enfin apprendre que le Golf Drouot n'était pas un dix-huit trous. La prochaine fois que je prends l'A71, il se pourrait bien que la galette de Mustang tourne dans ma Simca.