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Critique d'album

Pearl Jam


Dark Matter


(19/04/2024 - Monkeywrench - Republic - Grunge - Genre : Rock)
Produit par Andrew Watt

1- Scared Of Fear / 2- React, Respond / 3- Wreckage / 4- Dark Matter / 5- Won't Tell / 6- Upper Hand / 7- Waiting For Stevie / 8- Running / 9- Something Special / 10- Got To Give / 11- Setting Sun
Note de 4/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"Du très très bon et du franchement pas terrible pour les désormais grands-pères de Seattle"
Nicolas, le 02/09/2024
( mots)

L’avantage, quand on se retape toute une discographie, c’est qu’on arrive facilement, et même très facilement, à juger un petit dernier. Pour de vagues raisons de travail approfondi sur le grunge (ça traîne mais c’est en cours), j’ai été amené à écouter, récemment et à maintes reprises, les Ten, Vs, Vitalogy et autres No Code de Pearl Jam - on passe pour la suite. Dès lors, un seul tour de piste suffit à juger ce Dark Matter, avec une sentence sans appel : du très bon, mais aussi et malheureusement pas mal de déchet.


On était resté sur un Gigaton plutôt sympa quoiqu’un peu trop longuet - et qui aurait vraiment gagné à être écrémé. Au moins Dark Matter règle ce problème : quarante-huit minutes en onze titres, ça rentre pile poil - ou quasi - sur un vinyle double face. C’est bien. Là-dessus, l’entame déboîte, et c’est là qu’on en oublierait presque que Pearl Jam reste - et sans doute restera - une redoutable machinerie rock n’ roll. L’enchaînement des trois premiers titres fait d’ailleurs un peu penser à celui de Vs, avec deux pièces bien rentre-dedans suivies d’une jolie balade. “Scared of Fear” débute les hostilités avec la manière, riff cadencé qui claque, section rythmique au cordeau (difficile de faire mieux qu’Ament-Cameron, soit dit en passant) et toujours un Eddie Vedder en grande forme, qui se balade tout en groove avec sa gouaille de baryton exalté - et un peu moins de vibratos, ce qui ne chagrinera pas ses détracteurs… et n’oublions pas le petit solo de McCready qui va bien (sans doute l’un des guitaristes les plus mésestimés, à mon humble avis). “React Respond” enfonce le clou sur un hard rock bien cogné, porté par un superbe dialogue tendu entre Stone Gossard et Jeff Ament, avec cette petite vibe punk qui va bien et cette batterie maousse costaud qui déboite. Superbe, et on ne parle même pas des envolées rageuses de Vedder en fin de refrain. Là-dessus, Pearl Jam enchaîne avec un “Wreckage” absolument magnifique en semi-acoustique avec piano en sus, jolie ritournelle qui nous renvoie au beau “Daughter” de l’album au mouton énervé. Très très belle production, très belle montée en puissance, avec un travail assez remarquable sur les guitares. Quand vient “Dark Matter”, la messe est dite : puissance, énergie, technique, attitude, ça envoie du lourd, avec toujours une impression d’aisance, comme si les cinq hommes se baladaient sans effort sur cet hymne cosmique enragé. A ce stade, on reste estomaqué par la puissance et la facilité (sans aucune sous-entendu péjoratif) du gang de Seattle qui s’est rarement montré aussi pertinent sur quatre titres d’affilée depuis, disons, No Code. Quand même.


Mais parce que la vie n’est jamais toute rose, on ne peut s’empêcher de noter - et de déplorer - une dommageable baisse de régime à mi-parcours. C’est déjà assez flagrant sur un “Won’t Tell” qui se montre au mieux agréable, au pire téléphoné sur un plan strictement musical, un peu trop pop, un peu trop lisse pour emporter l’adhésion. Malheureusement, “Upper Hand” enfonce le clou dans la mièvrerie, power slow barbe à papa ayant déjà le mauvais goût de débuter par une intro d’une minute trente qui ne lui apporte rigoureusement rien. Ce n’est pas sur ce genre de trucs que brille Pearl Jam, c’est le moins que l’on puisse dire. Et c’est presque pire avec un “Waiting for Stevie” qui déploie un down tempo plan plan sur fond de guitares vaguement hindouisantes (coucou les Screaming Trees) et qui a une sérieuse tendance à tourner en rond - et à nous faire tourner en bourrique - malgré, allez, un pont assez correct. Qu’il est loin, le temps ou PJ savait capter son auditoire avec des power ballads sur orbite intersidéral (“Alive”, “Jeremy”, quelqu’un ?). Dès lors, quand l’énergie revient avec “Running”, c’est déjà trop tard, on a décroché. Et c’est dommage parce que “Running” envoie du steak, tout en rage et en artillerie lourde, avec son refrain tendu comme une trique. C’est aussi brutal que jouissif à encaisser. Pour le reste, c’est pas trop mal avec un “Something Special” country tranquillou des grands-pères (mais ça fonctionne) et un “Got to Give” gorgé de slide et de soleil. Pour conclure, “Setting Sun” ne se montre pas foncièrement désagréable avec sa slide béate, ses atours acoustiques et ses percus sourdes, sans compter qu’un sursaut d’énergie se dégage sur une coda enfiévrée. Un peu long à ce stade, ceci dit.


Du très bon, mais aussi et malheureusement pas mal de déchet, ou comment un groupe toujours aussi à l’aise dans ses instruments et ses chemises à carreaux (même si c’est galvaudé) parvient à nous pondre un disque très honorable mais qui aurait pu s’avérer tellement meilleur avec un peu plus d’énergie et un peu moins de flemme. Dark Matter fait-il le taff ? Oui. Vaut-il le coup d’oreille ? Oui, surtout pour ceux chez qui le nom de Pearl Jam n’évoque qu’un vague relent de la gloire de Seattle depuis longtemps révolue et qui n’auraient jamais essayé de s’y frotter (et il y en a plus qu’on le croit). Peut-il faire oublier les monstres engendrés par la bande à Vedder dans les 90’s ? Pas le moins du monde. On s’en doutait, certes, mais comme ça c’est dit. 


 A écouter : "Scared of Fear", "React Respond", "Running", tout ce qui a de la pêche, en gros.

Commentaires
Eily, le 03/09/2024 à 21:31
Ravi de voir enfin la critique de cet album sur le site ! J'ai failli désespérer... Globalement, d'accord avec tout ce qui a été écrit. En particulier, très très grosse déception sur Upper Hand où après l'intro d'1min30 en crescendo j'attendais une explosion...pour n'avoir qu'un début de morceau bien plat. Petits bémols tout de même, Wreckage est très sympa, mais je trouve qu'on s'en lasse trèèèès vite. A contrario, Waiting for Stevie tourne en boucle chez moi ! Les goûts et les couleurs ! En tout cas, merci d'avoir chroniqué l'album d'un groupe qui n'a pas la palce qu'il mérite chez nous, on se rejoint tous là-dessus.
Vianney , le 03/09/2024 à 19:45
Concernant la musique rock en France, oui on est à la rue… Quand tu vois que Pearl Jam, en Espagne, ils font deux dates à Madrid et deux à Barcelone… J’en comptabilise zero en France. Le rock en France, c’est un peu comme le metal ou le jazz, il y a les aficionados souvent la 40aine passée et voilà. Pas de releve en vue. Pourquoi la jeune génération s’en désintéresse ? Allez demander aux patrons de NRJ, Fun Radio ou Skyrock (qui n’a plus de rock que le nom). Il fut un temps où ces radios diffusaient Pearl Jam! Je me souviens notamment d’un teasing important avant la sortie de leur nouveau single Given to Fly… sur skyrock. Alors est ce que c’est l’oeuf qui fait la poule ou la poule qui dait l’oeuf… Est ce le désintérêt des jeunes qui poussent ce genre de radio à adapter leur programmation ou inversement, le bourrage de crâne de ces programmations qui façonnent les goûts musicaux de la jeunesse… peut etre un peu des deux.
Vianney , le 03/09/2024 à 19:03
Après plusieurs écoutes, voici mon avis sur la galette: Sans conteste, il s’agit de leur meilleur album depuis… depuis un long moment, je dirais qu’il faut remonter à Binaural. C’est déjà pas mal! Alors oui, la fougue de leur jeunesse, ils l’ont un peu perdu (comme dit plus bas, c’est le cas de pas mal de groupes), pour les prises de risques on repassera, mais ca reste û bon album dans l’ensemble et je trouve que le chant de Vedder est particulièrement inspiré ici. Quant à l’ami McReady, l’importance de sa contribution est à géométrie variable dans le groupe, sur certains album il est à peine credité, sur d’autres plus. Et quand il l’est pleinement sur un titre, c’est souvent très réussi ! Je renvoie notamment au seul titre qu’il signe sur No Code : l’excellent Present Tense (titre sous estimé du groupe mais joué régulièrement en concert). Bon, sinon si vous êtes fan du bonhomme je ne peux que vous renvoyer vers Mad Season pour lequel sa contribution est totale et magique !
NicolasAR, le 03/09/2024 à 08:27
Ah ah merci @afterthegoldrush pour tes éclaircissements, et globalement je suis d'accord avec toi sur le manque d'estime (voire l'anonymat) de Pearl Jam en France, c'est malheureux mais c'est ainsi. Le groupe reste surtout un phénomène aux states, et quand on voit les ventes de disque de PJ dans le monde, il est un fait que la France n'est pas la seule à snober le groupe. Pour McCready, je le trouve sous-estimé de façon criante, y compris en regard du succès du groupe, parce que quelque part PJ est assez difficile à positionner dans l'échiquier du rock et en particulier du grunge. McCready est clairement une exception à Seattle, le seul (ou presque, avec Cantrell mais qui s'avère bien moins flamboyant) à être issu de la scène "metal" de Rain City, et clairement il a souffert de ce jeu trop technique, trop propre, trop "classique" (à la Stevie Ray Vaughan) dans le milieu du grunge. Mais il apporte une vraie patte à ce projet qui le démarque notamment beaucoup de Mother Love Bone. Pour aller dans ton sens, on va dire que je le trouve "encore plus sous-estimé" que son actuel statut. Et je garde mon avis sur "Upper Hand", franchement pas bon de mon point de vue - mais je ne prétends pas détenir le bon goût absolu !
afterthegoldsrush, le 02/09/2024 à 20:30
Attention Nico, un die hard fan te lit....Je suis globalement d'accord avec toi...l'album est plutôt bon sans être au niveau des premiers efforts (comme pour 99,9% des groupes) et les titres heavy sont franchement réussis et effectivement supérieurs au reste du disque...Mais ! McCready n'est pas sous-estimé...c'est PJ qui est sous-estimé en France...On est le seul pays a avoir été hermétique (Cobain a tout vampirisé malgré lui chez les média français), du coup, ils nous snobent a chaque tournée. McCready est reconnu par ses pairs comme étant immense et, ce depuis le début. Et il est justement la star de l'album avec de longs solos , il a bien plus de place que d'habitude ! Upper Hand est à mon sens bien meilleur que ce que tu en dis et setting sun superbe...Alors il y a des temps faibles, Got to give sonne comme du Who en moins bien (référence de Vedder), something special (dédicace à ses filles) pourrait/devrait figurer sur un lp solo et wreckage (salut tom petty !) est bien trop longue. La production de A. Watt apporte une vraie énergie (un vrai plus) mais manque de respiration... En bref, un sacré disque après 33 an d'existence et bon sang les gens , mais écoutez Pearl Jam nom de diou !!! Bisous !!!