PreHistoric Animals
The Magical Mystery Machine (Chapter Two)
Produit par PreHistoric Animals
1- An Empty Space / 2- We Harvest the Souls of the Brave / 3- I Am the Chosen 0ne (And I Like It) / 4- Ghostfires / 5- Cora's New Secret / 6- The Protectors of the Universe / 7- 2100 (New Year's Eve) / 8- Pull Me In / 9- It's a Start, Not the End
A l’heure où le débat autour du dernier opus de Muse fait rage, il est opportun de prendre un peu de recul pour se questionner sur le rôle du chroniqueur musical. Vous avez été nombreux à pointer du doigt une tendance de notre part à tailler comme il se doit - et parfois de manière un peu gratuite - chacune des sorties de Matthew Bellamy & Co. Il est clair que nous ne procéderions pas à un tel bashing envers une formation émergente ; et il faut bien avouer que la critique devient nettement plus facile et virulente quand il s’agit d’aborder un groupe accoutumé aux stades à guichet fermé… Au fond, à quoi bon jouer la retenue face à la démesure (et parfois la mégalomanie) affichée par de tels groupes ? Donc oui, la chronique peut effectivement se montrer plus sévère : pas pour le simple plaisir d’aller à contre-courant d’un mouvement populaire, mais surtout parce qu’on est en droit d’en attendre un peu plus d’artistes aussi talentueux (on ne le dira pas trop fort, mais qui aime bien châtie bien…).
On en arrive finalement à se questionner sur l’intérêt de chroniquer une formation de ce standing, hormis le fait de s’embarquer dans un débat stérile où la passion prend le dessus sur la raison (et où certains en perdent leur courtoisie au passage…). Mais si nous - Albumrock - persévérons sur cette voie, c’est avant tout pour défendre une certaine vision de la musique et de la subjectivité qui en découle, tout en tentant de transmettre notre passion de manière tout à fait sincère (et bénévole). Et si nous sommes si sévères avec des groupes comme Muse ou Red Hot Chili Peppers, c’est aussi parce que nous sommes convaincus que des formations évoluant dans des registres relativement similaires (et dans un anonymat quasi complet) mériteraient un tantinet plus d’attention.
Prenez pour exemple, PreHistoric Animals : un groupe proposant un rock incisif doté d’une redoutable force mélodique ; exploitant ses racines prog tout en s’autorisant des incursions pop ou électro ; le tout porté par une prestation vocale enflammée. Ça ne vous rappelle rien ? Malgré cette carte de visite plutôt attrayante, le dernier album en date de ce groupe suédois est sorti dans l’indifférence générale. Pourtant cette petite bande ne manque pas de qualités, et avait même su se distinguer sur la scène progressive grâce au très réussi The Magical Mystery Machine (Chapter One) sorti en 2020 ; un album vivifiant qui osait mêler rock alternatif, rock progressif et pop plus mainstream. Malheureusement la pandémie est passée par là, éteignant tout espoir de défendre cette audacieuse création sur scène…
Loin d’être abattu, le groupe scandinave mené par Samuel Granath et Stefan Altzar, revient donc en 2022 avec le deuxième chapitre de son récit fantastique contant les aventures cosmiques des personnages de Cora et Jareth. Il ne vous reste désormais plus qu’à prendre le train en marche, et de contribuer - si vous êtes convaincu - à la renommée de PreHistoric Animals !
En tout cas le groupe met toutes ses chances de son côté pour réussir. D’abord par l’intermédiaire d’une intro à l’esthétique rétrofuturiste (rappelant par moment le générique de Stranger Things), puis avec un début d’album tonitruant porté par l’explosif "We Harvest the Souls of the Brave" qui nous cueille à vif avec sa rythmique syncopée sur fond d’arrangements électroniques. A la surprise générale, nous découvrons un refrain beaucoup plus solaire et mélodieux que ce que les premiers riffs métalliques pouvaient laisser imaginer, donnant un bel avant-goût de la polyvalence du combo. Même si les Suédois ne se cantonnent pas à un registre en particulier, on cernera assez vite la forte influence de Porcupine Tree, tant sur les textures sonores que sur l’approche mélodique. Il est d’ailleurs impressionnant de constater à quel point l’œuvre de Steven Wilson a pu marquer le style de nombreux groupes émergeants de la scène new-prog (Smalltape, Altesia, Sinoptik, The Paradox Twin…). Une preuve de l’aura immense du binoclard britannique dans le milieu.
Si l’affiliation à la scène progressive est clairement assumée (avec des compositions avoisinant les 6 minutes et n’hésitant pas à sortir des sentiers battus), elle ne doit en aucun cas devenir un frein pour l’auditeur en quête d’une musique plus directe. PreHistoric Animals compense en effet avec une bonne dose d’immédiateté, et se montre souvent entrainant avec de savoureuses excursions pop teintées de sonorités 80’s. Il serait également trompeur de restreindre le groupe à une seule étiquette, tant celui-ci brasse un large spectre d’influences qui se retrouvent plutôt bien digérées et amalgamées au sein d’une même composition. A ce titre, on pensera à la combinaison metal/pop/punk de "I am the Chosen One (And I Like it)", au côté NWOBHM de "2100 (New Year’s Eve)" ou encore à l’electro emo de "Pull Me In".
Le groupe assume également une certaine grandiloquence par la démesure de son récit et son parti pris créatif (qui pourra en rebuter certains). Mais là où un groupe comme Muse à tendance à s’auto parodier sur ses dernières réalisations, PreHistoric Animals parvient à trouver le bon dosage et à rester cohérent. Bien entendu, tout n’est pas parfait, et on pourra reprocher quelques longueurs (l’extension de certains morceaux n’est pas toujours justifiée), mais aussi un aspect un peu trop linéaire, duquel il est assez difficile de ressortir un morceau en particulier. Cela ne constitue que des pistes d’amélioration dans le cadre d’un potentiel chapitre 3, que nous attendons déjà avec impatience !
Vous l’aurez compris, la scène rock recèle encore d’innombrables pépites que nous nous lasserons jamais de mettre en avant chez Albumrock. Si l’on doit bien sûr apprécier les blockbusters musicaux comme il se doit, il serait bien dommage de négliger les formations en quête d’un soupçon de notoriété… Ambitieux et très bien produit, The Magical Mystery Machine (Chapter two) rejoint donc la liste des belles découvertes de 2022, et prouve qu’on peut tout à fait prendre des risques et mixer les genres, sans pour autant se dénaturer ; mais aussi rester accessible sans pour autant tomber dans la facilité. A bon entendeur.
A écouter : "We Harvest the Souls of the Brave"; "Ghostfires", "Cora's New Secret"