Rokia Traoré , un nom qui sent bon la chaleur de l’Afrique, celle de l’Ouest, et du Mali plus précisément. Là-bas, la musique y est une institution. Pas étonnant qu’une vraie culture s’émane de ce pays, reconnue par certains des plus grands musiciens du monde (Damon Albarn, K’Naan, Manu Dibango). C’est dans cet univers à l’insouciante pauvreté qu’est née la fille d’un diplomate devenue fer de lance d’un milieu griot en mal d’exportation. 4 disques et une victoire de la musique sous le bras pour son précédent album, et Rokia Traoré revient rendre hommage à son pays et à son continent natal, dans un contexte que tout le monde connait.
Cela fait maintenant un peu plus d’un an que le Mali est confronté à une actualité chargée, avec un coup d’état et un conflit entamé par une France en plein complexe d’ancien colonisateur. C’est pourtant un réel optimisme qui émane d’une grande partie de ce Beautiful Africa. Un nom pour la première fois en anglais (les précédents disques étaient nommés en bambara) qui semble alors presque donné à contrepied, mais que Rokia Traoré assume en chantant une Afrique idéalisée. Largement inspiré de la musique africaine, et nourri par un ensemble rythmé, l’univers du disque oscille entre rock, groove, et musique traditionnelle mandingue. Rien d’original au regard des efforts tenus par les artistes cités plus haut. Néanmoins, Rokia Traoré parvient à conserver son identité musicale et celle de son pays, bien loin de dénaturer sa culture. La part belle est donc faite aux morceaux que l’on penserait sorti des maquis bamakois, la saturation d’un matos trop limité en moins, sauf sans doute dans le très rock titre éponyme "Beautiful Africa".
Car c’est un anglais qui est aux commandes de cette production léchée : réalisé par John Parish (producteur de PJ Harvey, entre autres), Beautiful Africa sublime la voix de la chanteuse. Entre calme pop et envolées répétitives, Rokia Traoré s’exprime en anglais, français ou bambara. Une voix unique qui impose par la maitrise d’effets qui ne sont jamais de trop, toujours dans la justesse, toujours dans l’émotion du tapis musical qui soulève la chanteuse. Rokia Traoré trouve néanmoins son terrain où elle excelle dans les titres les plus doux, "N’Teri" et "Sarama", qu’elle accompagne de sa voix suave d’où un flot d’images propices au voyage semble se dégager.
Un travail de composition et d’interprétation qui contribue à donner au continent noir l’image d’une Afrique belle et moderne. Un leitmotiv chez Rokia Traoré qui s’attache une fois de plus à ouvrir les barrières entre des genres trop cloisonnés pour une musique du monde qui se veut, par essence, universelle et colorée.