The Brian Jonestown Massacre
Aufheben
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1- Panic In Babylon / 2- Illuminomi / 3- Seven Kinds Of Wonderful / 4- Blue Order/New Monday / 5- Walking Up To Hand Grenades / 6- Gaz Hilarant / 7- Stairway To The Best Party In The Universe / 8- The Clouds Are Lies / 9- Face Down On The Moon / 10- I Want To Hold Your Other Hand / 11- Viholliseni Maalla
Ce sont les derniers génies du rock. The Brian Jonestown Massacre ce sont des vrais. Ils jouaient du rock psychédélique sixties avec des instruments hippies avant que ce soit à la mode, preuve que c'est pas du chiqué. Ils ont à leur tête un leader trop ouf barré dans sa tête qui file des coups de latte dans la gueule des gens mais c'est pas grave parce que c'est un artiste incompris. The Brian Jonestown Massacre c'est vachement mieux que The Dandy Warhols qui font de la pop (cette horreur, nous on veut du rock!) et qui ont tout piqué à Anton Newcombe et sa bande pour finalement leur voler leur succès. Bref les BJM sont rock.
Mais à y regarder de plus près The Brian Jonestown Massacre pourraient bien être le groupe le plus surestimé des années 2000. Sans rien enlever au caractère éminemment sympathique de certains membres du collectif (mis en lumière par le documentaire Dig ! qui a fait découvrir au monde le groupe), la musique n'est pas vraiment à la hauteur du génie musical supposé d'Anton Newcombe. Elle se compose essentiellement de morceaux bons voire excellents ("Nevertheless", "She's Gone", "If I Love You") mais éparpillés sur des albums inégaux et surtout beaucoup trop longs. On apporte souvent comme preuve ultime du caractère génial de Newcombe le fait qu'en 1996 il a produit trois disques dont l'un (Thank God For Mental Illness) aurait coûté 17 dollars. La vérité c'est qu'aucun de ces albums n'est très bon et qu'on leur préfère aisément Give It Back !, sans doute le seul opus réellement réussi de bout en bout.
Concernant la musique elle-même, elle est loin d'égaler les pairs revendiqués ou non. On n'échangerait pas une chanson de Between The Buttons des Rolling Stones contre l'intégralité de la pléthorique discographie des Brian Jonestown Massacre. Anton Newcombe est un piètre chanteur sans voix mais après tout Ian Brown chez les Stone Roses et Bobby Gillespie chez Primal Scream ont le même problème sans que ça porte préjudice à leur musique. Le vrai problème c'est que, loin de s'apparenter à d'authentiques diamants oubliés en droite ligne de la musique psyché des années 60, l'oeuvre des BJM enfile les clichés sonores sixties comme des perles (bandes inversées, sitars, voix réverbérées, morceaux à rallonge). Ce ne serait pas très grave si les titres ne s'avéraient pas aussi simplistes, puisqu'ils sont généralement construits autour de 3 accords qui tournent en boucle sans variations ou changements de tempo. En plus le son est tout pourri, la faute à Newcombe qui vire les ingés son à la pelle en se targuant d'une intégrité underground bornée comme on n'en avait pas vue depuis Kurt Cobain.
En 2012 The Brian Jonestown Massacre sont plus ou moins sortis de l'underground, leurs disques se vendent toujours assez peu et ils ne font rien pour inverser la tendance puisqu'ils incitent régulièrement au téléchargement illégal de leurs œuvres. Avec Aufheben Anton Newcombe donne presque l'impression d'avoir voulu rassurer ses fans après l'essai electro-techno plutôt réussi Who Killed Sergent Pepper ? de 2010. Fini l'électronique bourrin chanté en russe ("Dekta ! Dekta ! Dekta!") et retour au rock psychédélique même si la guitare reste en retrait au profit de la rythmique. Et a priori ça fonctionne bien, le premier titre "Panic In Babylon" se pose comme une parfaite synthèse entre des influences moyen-orientales et allemandes (comme du krautrock au 21e siècle). La batterie et la basse ne dérivent pas de leur axe et déroulent un beat simple et implacable, un groove hypnotique mais jamais ennuyeux. "Viholliseni Maalla" est un mantra mystique d'une froideur glaciale, comme si The Raveonettes avaient écouté DJ Shadow au lieu des Ronettes.
Mais après ça se gâte, peut-être parce que Newcombe ne parvient plus à faire la distinction entre la transe et la monotonie. Comme toujours chez The Brian Jonestown Massacre les titres semblent avoir été enregistrés avec un dictaphone dans un garage mal isolé. Les vocaux sont enterrés dans le mix sous une couche d'écho et de basses. Pourquoi pas, ça permet de se focaliser sur les autres instruments en assumant l'idée que les textes de rock sont généralement inintéressants, surtout quand on cherche à créer une hypnose musicale. Problème : niveau musique ça ne vaut pas tripette. On pourra gentiment qualifier la majorité des titres qui composent Aufheben de merde hippie. Les années 60 sont terminées et avec elles les longues improvisations pénibles sur 3 notes qui se courent après 1h durant. On est en 2012, on ne prend ni acide ni ecstasy pour écouter des disques alors avec Aufheben on se fait chier. "Gaz Hilarant" et ses borborygmes ou la flûte irritante mêlée au sitar bien cliché comme il faut sur "Face Down On The Moon", non merci. Il ne suffit pas de plagier paresseusement le gimmick de "Paint It, Black" ("Stairway To The Best Party In The Universe") pour rattraper le coup. Dans les années 90 les morceaux des BJM tenaient déjà sur une base fragile de 3 accords répétés ad vitam aeternam mais Newcombe avait alors assez d'inspiration pour faire passer la pilule avec des compositions parfois brillantes ("Whoever You Are", "The Devil May Care (But Mom & Dad Don't)"). Aujourd'hui sa musique s'est vidée de sa substance, ne restent que de molles esquisses à peine dignes des démos d'un groupe médiocre ("I Want To Hold Your Other Hand").
Que s'est-il passé ? Il est parfois avancé que depuis la sortie de Dig ! et l'accession des BJM au statut de groupe culte l'inspiration d'Anton Newcombe n'a fait que décliner. Si l'hypothèse reste sujette à discussion (Who Killed Sergent Pepper ? était bon et montrait une réelle volonté de renouvellement), il se peut que Newcombe ait puisé sa force dans le caractère anachronique de sa musique. À l'époque du Grunge puis de la Britpop personne ne voulait entendre parler de revival psyché et Newcombe pouvait jouer à être "seul contre tous". Mais les années 2000 lui ont apporté une certaine reconnaissance publique, impossible dès lors de jouer les victimes. La décennie en question fut aussi celle du revival permanent et du vintage élevé comme valeur suprême, il ne subsistait aucun challenge pour un type qui paraît avoir fondé une partie de sa valeur artistique sur son statut d'outsider obsédé par les années 60. Dommage, d'autant qu'à l'écoute du dernier titre de Aufheben "Blue Order/New Monday" (toujours les mêmes clichés sonores mais cette fois mis au service d'une mélodie lumineuse qu'on aimerait pouvoir écouter à chaque aurore, le son pourri faisant alors écho à nos méninges embrumées) on se dit qu'il reste à Anton Newcombe assez de jus pour encore produire quelque chose de valable, s'il daigne se sortir les doigts.