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Critique d'album

The Cure


The Head on the Door


(26/08/1985 - Elektra, WEA Fiction Records Metronome Polydor, PolyGram - - Genre : Rock)
Produit par Robert Smith; David M. Allen

1- In Between Days / 2- Kyoto Song / 3- The Blood / 4- Six Different Ways / 5- Push / 6- The Baby Screams / 7- Close to Me / 8- A Night Like This / 9- Screw / 10- Sinking
Note de 4.5/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Un disque inégal mais attachant"
Raphaëlle, le 19/05/2021
( mots)

C'est un groupe en piteux état qui revient de sa tournée américaine en 1984. Lol Tolhurst, empêché de tenir son rôle de batteur par l'alcoolisme, se réfugie derrière les claviers. Il joue tellement soul que ses acolytes sont obligés de disposer des gommettes de couleur sur les touches pour qu'il se souvienne de l'ordre des notes ! Robert Smith est lui-même au bout du rouleau, épuisé nerveusement. Quant à Simon Gallup, il décampe du groupe pour trouver un repos salutaire (rassurez-vous, vous en entendrez parler de nouveau).


Smith a vingt-cinq ans et pourtant, il se sent déjà bien vieux. Pornography et la tournée qui l'a suivi l'ont laissé sur les rotules. Il sent bien que son groupe doit prendre un tournant, mais lequel?


Le manager du groupe, Chris Parry, demande à Smith d'écrire des chansons plus pop, plus accessibles. Excédé, Smith pond Japonese Whispers en 1983, qui rencontre un succès inattendu. Pire encore, la compile se vend mieux que tous leurs albums précédents! Pourtant, avec Let's go the bed, The Lovecats et The Walk, Smith a l'impression d'avoir rendu une copie bâclée, juste pour que son manager le laisse tranquille. Quelle ironie du sort, c'est lorsque Smith se moque du monde qu'il rencontre le succès!


Pas rancunier, Smith comprend alors que le salut du groupe arrivera par la pop. Après avoir créé le bijou de la cold-wave, les Cure vont donc expédier le genre aux oubliettes et se tourner vers une pop plus mainstream, plus lumineuse aussi. C'est ainsi qu'ils donnent naissance à The Head on the door.


 


La transition: The Top (1984)


 


Avant the Head on the Door, signalons tout de même la présence de l'anecdotique The Top, paru en 1984. Gallup ayant disparu des radars, le groupe est désormais composé de Robert Smith, Lol Tolhurst aux claviers et Any Anderson à la batterie. Smith s'est engagé à jouer de la guitare pour les Banshees lors de l'enregistrement de ler album Hyaena, ce qui l'oblige à d'incessants aller-retours guère recommandés pour la concentration. Excédé par l'état de Tolhurst, Smith joue la plupart des instruments du disque.


Il n'y a pas grand-chose à sauver du très boursouflé The Top, décousu et creux. La plupart des chansons semblent anormalement lentes, comme si on écoutait le disque en mode ralenti. La voix maniérée de Smith, lorsqu'elle n'est plus noyée dans le brouillard des guitares, est proprement insupportable. Si vous écoutez parfois RTL2, vous avez sûrement déjà eu les oreilles en sang suite à l'écoute "The Caterpillar". Inutile de vous infliger ce calvaire, qui vire dangereusement au délire imbibé de bière. Le seul titre potable de cet album est le titre d'ouverture, "Shake dog shake", reliquat de la période noire des Cure. Et encore, sur The top, le titre sonne comme une chanson d'ivrogne. Si vous voulez y jeter une oreille, tentez plutôt la version live 1984 sur l'album live Concert (issu de la tournée qui a suivi the Top... Quel rythme!). Par le miracle du live, le titre se révèle un brûlot de rage rentrée, qui clôt en beauté la période cold wave. Nous voilà prêts pour l'épopée pop.


 


The head on the door: un disque inégal mais attachant


 


Suivant la méthode Pornography, qui consiste à ouvrir l'album avec un titre annonçant haut et fort la couleur, The head on the door débute par le tube "Inbetween Days". Là encore, vous l'avez peut-être entendu sur RTL2, coincé entre un titre de Phil Collins et une énième diffusion de "L'homme pressé", et il vous a laissé de marbre. C'est pourtant dommage de ne pas faire honneur au premier vrai titre de pop des Cure. Les premières paroles, là encore, sont assez significatives: "Yesterday I got so old/I felt like I could die". Smith dit adieu aux oripeaux de la cold wave et se tourne résolument vers des jours plus heureux. La lumière se déverse sur ce premier titre et malgré quelques détours, ne quittera pas l'album.


Libéré de ses contraintes avec les Banshees, Smith peut enfin se consacrer à son groupe et passer du temps en studio. Cela se ressent sur les compositions qui ont tendance à partir dans tous les sens. On trouve dans presque tous les morceaux de très bonnes idées: la guitare introduisant "Push", le rythme néo-flamenco de "The Blood", le clin d'oeil aux ballades de Faith avec "Kyoto song", la flûte de "Six different ways", la guitare abrasive type Pornography de "Screw". Malheureusement, sur presque tous ces titres, des éléments ont mal vieilli: la basse de "Screw" sonne affreusement eighties, le solo en toc de "The baby screams", l'espèce de clavecin pseudo-japonisant de "Kyoto song", la voix de chat étranglé de Smith sur "Six different ways". La recette fonctionne un peu mieux sur "The baby screams", qui mêle efficacement les claviers, la guitare et la voix de Smith.


L'album compte malgré tout quelques très belles réussites. Outre le titre d'ouverture précédemment évoqué, c'est sur ce disque qu'on retrouve le culte "Close to me", tout en rythme et minimalisme, tube intemporel dans ce disque au charme suranné. Enfin, cet album est aussi l'occasion d'un petit plaisir coupable: "A night like this". Ce n'est ni un méga hit du groupe (donc a priori vous ne l'avez pas entendu sur RLT2), ses claviers en retrait sonnent légèrement démodés, le romantisme des paroles est tout aussi kitsch, sans parler du saxo à la Supertramp... Pourtant, le résultat est une parfaite pop song qu'on se prend à fredonner en un rien de temps. Et monsieur Smith de donner une leçon de pop à ses détracteurs.


La nouvelle recette de The Cure rencontre un succès fulgurant. Pourtant, les textes sont toujours désabusés ou déprimés (le cauchemar de "Kyoto song", la méchante ironie de "The baby screams", les adieux de "A night like this", etc.), mais les mélodies accessibles permettent à un plus large public de s'y reconnaître. Les fan tendance dark gothique sont laissés sur le carreau, voire furieux. Ils ont l'impression de s'être fait enfumés par un groupe malhonnête qui se contentait de prendre des postures depuis le début! Cela n'empêchera pourtant pas le succès de l'album et l'installation définitive du personnage de Smith. Désormais, le groupe est en route vers un succès qui ne se démentira, via le double album Kiss Me, Kiss Me en 1987 et surtout, le magistral Disintegration en 1989.

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