The Hu
Rumble of Thunder
Produit par
1- This is Mongol / 2- YUT Hövende / 3- Triangle / 4- Teach Me / 5- Upright Destined Mongol / 6- Sell the World / 7- Black Thunder / 8- Mother Nature / 9- Bii Biyelgee / 10- Segee / 11- Shihi Hutu / 12- Tatar Warrior / 13- Black Thunder - Extended
Nouvel épisode de Blake et Mortimer : The Hu doit, au départ d’une base secrète située à Oulan-Bator (Mongolie), conquérir les charts de la Terre entière et mettre en lumière la très fière (et très expansionniste) culture de son pays (1). Le centre de gravité du hard-rock va-t-il brutalement se déplacer de plusieurs milliers de kilomètres vers l’Est ?
Créé en 2016, The Hu (Être Humain) est un "faux groupe" monté de toutes pièces par le chanteur, compositeur et producteur mongol Dashdondog Bayarmagnai (dit, plus simplement, Dashka) qui conduit son projet avec une rigueur toute militaire (1). Le groupe a été adoubé (et est subsidié) par la nomenklatura locale et par l’ex-Président démocrate Khaltmaagiin Battulga en personne (2).
Dashka compose tous les titres (textes et musiques), produit les albums dans ses propres studios (situés au cœur de la capitale), organise les tournées, sélectionne les musiciens, désigne ses collaborateurs et tient ostensiblement le crachoir lors des interviews.
Le "produit" est trop authentique pour être vrai : les costumes et accessoires folkloriques semblent tout droit sortis d’ateliers hollywoodiens ; les clips sont aussi friqués qu’un western-spaghetti de Quentin Tarantino ; l’artwork, avec cette pochette très inspirée de Snaggeltooth, est simplement parfait.
Le concept fleure bon (ou pas bon) le faux-semblant, le carton-pâte, le désert mongol de Californie et le plan de carrière millimétré (4).
Assez curieusement, et malgré les indices de contrefaçon concordants, l’album fonctionne à merveille. Les rythmes martelés sont addictifs, le chant de gorge traditionnel (5) est impressionnant et le mariage entre sons familiers et instruments "folkloriques" (6) fonctionne réellement à merveille.
Présenté comme un octuor, The Hu propose une musique martiale qui, titre après titre, finit par balayer les réticences et ce, bien au-delà des clichés habituels du genre.
Comme beaucoup de productions contemporaines, Rumble Of Thunder pêche par sa longueur, même si aucun titre ne démérite. Et l’opus contient quelques perles qui méritent assurément le détour, comme le presque joyeux "Triangle", l’impressionnant "Upright Destined Mongol", les menaçants "Sell the World" et "Shihi Hutu", le martial "Tatar Warrior" ou le très cinématographique "Black Thunder".
Le point d’orgue, l’extraordinaire "Mother Nature", est une ballade naturaliste, plus contemplative, qui arrache des frissons et démontre que l’élémentaire respect de sa terre est un sentiment humain qui devrait tendre vers l’universalité.
A ce stade du récit (pour en revenir à Blake et Mortimer), la question qui se pose est de savoir si The Hu, sous la gouverne de l’énigmatique Colonel Olrik-Dashka, va réussir à mettre le reste du monde à genou. Les services secrets britanniques vont-ils réagir ? Qui possède la dernière copie des plans de l’Espadon ?
Pour le savoir, il faudra patienter jusqu’au prochain album !
A suivre…
(1) Les complétistes se régaleront à la lecture de l’ouvrage de Jean-Paul Roux, Histoire de l’empire mongol (éditions Fayard – 1993). Et les rockers qui maîtrisent mal le patois d’Oulan-Bator se réjouiront du fait que la pochette de Rumble Of Thunder contient une traduction des textes (rédigée dans un anglais post-académique plutôt comique).
(2) A sa façon, Dashka suit les traces de pygmalions célèbres comme Phil Spector (The Ronettes), Andy Warhol (The Velvet Underground), Bill Aucoin (Kiss) ou Malcolm Mc Laren (The Sex Pistols)…
(3) Coutumier de réunions dans les bureaux de la présidence, The Hu est devenu un ambassadeur culturel officiel de son pays. Lorsque le groupe, médaillé de l’ordre de Gengis Khan, s’est retrouvé bloqué en Australie pour cause de pandémie, le pouvoir a immédiatement affrété un avion pour rapatrier les musiciens et leur entourage. Tout ça n’est pas très rock…
(4) Premier album (The Gereg) en 2018, reprise remarquée de Metallica en 2021, nombreux singles publiés à la chaîne, articles de presse élogieux, clips comptabilisant plus de 40.000.000 de vues sur YouTube, … Une vraie machine.
(5) Le khöömii (ou chant diphonique) est classé au patrimoine culturel et immatériel de l’humanité depuis 2010.
(6) L’adjectif ne se veut pas réducteur. Au même titre que les percussions tribales, les sonorités du morin khuur (vièle à tête de cheval) sont vraiment intéressantes ; elles s’intègrent parfaitement à un contexte hard-rock, au point de devenir familières dès la deuxième écoute.