Viagra Boys
Cave World
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1- Baby Criminal / 2- Cave Hole / 3- Troglodyte / 4- Punk Rock Loser / 5- Creepy Crawlers / 6- The Cognitive Trade-Off Hypothesis / 7- Globe Earth / 8- Ain't No Thief / 9- Big Boy / 10- ADD / 11- Human Error / 12- Return To Monke
Vous ne pensiez sincèrement pas que nous allions clore notre saison 2022 sans évoquer les Viagra Boys ? D’autant plus lorsque l’on évolue sous la houlette d’un rédac' chef tenant des objectifs très strictes quant au nombre de groupes suédois traités en cours d’année ? Mais surtout et blague à part, lorsque l’on réalise que le troisième effort de la bande de nos joyeux lurons nordistes pourrait bel et bien être leur meilleur en date ?
Inspiré par toutes ces théories abracadabrantesques entendues çà et là tout au long de la crise covid ("Creepy Crawlers”, plus un réel coup de gueule qu’une vraie chanson), Cave World est résolument punk, dans son registre goguenard toujours aussi ludique. Rassurez-vous, cet album va bien au-delà des puces 5G bien planquées dans nos vaccins et d’autres théories conspirationnistes tordues. Sebastian Murphy et ses sbires ont définitivement délaissés les sonorités post-punk de leurs débuts pour se consacrer pleinement à ce garage rock abrasif hybride teinté de jazz (on vous rappelle au passage que tous les membres du groupe ont un solide background dans le domaine). On pense au Stooges pour le flambeau punk, à Sleaford Mods pour le mélange abrasif des genres (“Ain’t No Thief”) mais aussi au LCD Soundsystem de James Murphy qu’évoquent toutes ces gimmicks électroniques parsemés çà et là.
L'album s’ouvre sur les chapeaux de roues avec un “Baby Criminal” au saxo survolté (Oskar Karls toujours au poste!), déjà intercepté l’an passé sur leur second long format. Le groupe est résolument plus catchy ici, premier single à l’appui (“Troglodyte”), à la flute sautillante et aux claviers nasillards, d’autant plus pertinent lorsqu’il s'agit de ricaner au nez et à la barbe des conspirationnistes crachant leur venin sur les scientifiques derrière... leur ordinateur (“He says he don’t believe in science / He thinks that all the news is fake / And late at night he sits on his computer / And writes about the things he hates”). Les quelques épisodes de confinements auront permis aux six scandinaves d’affiner la clinquance de leurs riffs et la verve de leurs compositions, prenant bien souvent à la gorge. “Ain’t No Thief” aux relents industriels tranchants, fait écho aux moments les plus décapants de Street Worms. Mais ce n’est rien à côté de la déflagration “Return to the Monk”, réussissant magistralement à ensacher en un peu plus de 6 minutes tout les éléments ayant participé au succès artistique du disque, de la guitare agressive typée garage au discours cynique scandé, en passant par quelques moments d’accalmie.
Parce que certes, les boys savent envoyer du pâté, mais ça, on le savait déjà. Il est plutôt intéressant de mettre en exergue cette volonté à canaliser une énergie électrique palpable, au lieu de tout envoyer valser à coup de grosses guitares et de caisse claire percutante (bien que les thèmes abordés puissent être révoltants). De l’ego surdimensionné de "Punk Rock Looser”, faussement country à “The Cognitive Trade-Off Hypothesis”, très pop dans son approche, en passant par “ADD”, sorte de trip electro-chelou mais non moins captivant, le groupe nous propose une bonne grosse poignée de titres mid tempos. Et vous savez quoi ? Du Viagra Boys qui ne fonce pas toutes guitares dehors, c’est vraiment pas si mal au fond. Difficile d’affirmer le contraire en se laissant emporter par la hype de “Big Boy”, bluesy à souhait et basse groovy infléchissable, le rôle de crooner-branleur délirant collant parfaitement à la peau de Murphy. Surprise en fin de titre avec l'intervention de Jason Williamson, chanteur des Sleaford Mods, prêtant sa voix pour ramener modernité et fraicheur à cette compo déjà bien foutue !
On s’avance donc un nouvelle fois, pour marteler que Cave World constitue à ce jour l’album le plus abouti du sextet de Stockholm, nous présentant ici la meilleure version d’eux même. Assagis en terme de chemins sonores empruntés mais toujours aussi piquants lorsqu’il s’agit de traiter l’actualité, on ne sera pas surpris de voir s’envoler la notoriété du groupe dans le sillage de ce nouveau cru. Une chose est sûre, un album des Viagra Boys ne laisse jamais de marbre et accrois systématiquement la volonté de les attraper un beau jour en live, d'autant plus que leur réputation sur scène est, selon les dires, monstrueuse !
A écouter : "Troglodyte", "Ain't No Thief", "Big Boy"