Contrairement à ce que l’on pense, le rédacteur (la rédactrice) rock n’est pas, même s’il (elle) aime entretenir cette légende, un être mystérieux et omniscient qui ne s’abreuve que de la musique du Diable. Derrière la collection officielle de disques qui occupe les étagères du salon, il y a un "Enfer", cette alcôve où sont cachées des œuvres épouvantables et "interdites". Ces musiques maudites doivent rester à l’abri du regard et de l’ouïe car elles pourraient dévaster la réputation de leur propriétaire auprès de ses pairs ou de ses lecteurs et lectrices. Les albums de l’Enfer ne sont écoutés que dans le plus grand secret (tentures fermées, éclairage tamisé et, évidemment, casque sur les oreilles).
Heavy Rotation dévoile les trois titres qui ont été réellement écoutés en boucle par les membres de la rédaction durant ces derniers jours. Alors, bienvenue au Paradis ou bienvenue en Enfer ?
Daniel
Southside Johnny – "Why Is Love Such A Sacrifice". La question existentielle ultime à laquelle personne ne peut répondre.
Roxy Music – "Love Is A Drug". Et si c’était la seule réponse plausible. Finalement.
Alain Chamfort – "Whisky Glace". Le plus beau testament musical qui soit. Histoire de mettre un terme à l’histoire sans en faire (des histoires). Juste un fond de whisky et quelques glaçons. Pour faire passer. En regardant les passants. Et en attendant le terme. Apocalypse heureuse, en quelque sorte...
François
Dool - "The Shape of Fluidity". Le troisième opus du groupe néerlandais intégrera sans aucun doute le top de fin d'année. Dool est parvenu à maintenir son identité mélancolique et accrocheuse tout en évoluant vers un registre plus metallique et plus progressif. En témoigne ce morceau titre.
La Revolución de Emiliano Zapata - "Nasty Sex". Le tube psychédélique du Mexique des 70's, et un témoignage des circulations esthétiques au sein des musiques populaires américaines.
Alice Cooper - "Freedom". L'hymne qui résume le véritable sens de la rébellion rock : une simple transgression générationnelle et dépolitisée. C'est pourtant imparable.
Maxime L
Sepultura - "Propaganda". Parce que le morceau déboite (tout comme le reste de Chaos AD), et que le groupe a l’air d’être un des rares grands noms du thrash à soigner et réussir sa sortie.
Pearl Jam - "React, Respond". Depuis combien de temps Pearl Jam ne nous avait pas sorti un début d’album aussi mordant ? Après un "Scared of fear" de haute-volée, les vétérans du grunge enchainent avec un "React, Respond" incandescent, toutes guitares devant, et une ligne de basse solide. Dommage que la seconde moitié de Dark Matter soit bien plus anodine.
Lorde - "Take Me To The River". Après The National, Paramore et avant Blondshell (je vous ai parlé de Blondshell ?), c’est Lorde qu’on retrouve sur l’album hommage aux Talking Heads, sur un « Take Me To the River » qui perd en malice ce qu’il gagne en sensualité.
Valentin
Car Seat Headrest - "Sober to Death". “Don’t worry / You and me won’t be alone no more”. Un classique moderne de l’indie rock, particulièrement célébré par les communautés queer.
Haruomi Hosono - "Sports Men". Quand le bassiste de Yellow Magic Orchestra pousse l’exercice de la pop song dans l’excès, cela donne ce “Sports Men” hilarant et fatalement irrésistible.
Knocked Loose - "Suffocate (feat. Poppy)". Chaque extrait du prochain Knocked Loose réussit l’exploit d’être encore plus extrême et dérangé que le précédent, avec ici une contribution hostile et renversante de la chanteuse Poppy. L’album metalcore/mathcore de l’année ?