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Compte-rendu de concert

David Gilmour


Date : 26/07/2016
Salle : Saline Royale (Arc-et-Senans)
Première partie :

Remember that night...

Etienne, le 26/07/2016
( mots)

Hello, is there anybody in there ?

La date est cochée dans l'agenda depuis des mois. Et à mesure que l'échéance approche, le cœur s'emballe à l'idée même de voir le maître Gilmour de ses propres yeux. S'il doit bien y avoir un seul représentant de l'âme de Pink Floyd aujourd'hui, c'est lui. Là où Wright en était la voix du cœur et Waters la caution intellectualiste, l'impassible et discret guitariste continue de cultiver cette recherche de perfection, cette quête sonore et visuelle qui a fait du Floyd l'iconique groupe qu'il est devenu au fil des années, statut qui n'a jamais faibli malgré les années de plus en plus nombreuses le séparant de sa glorieuse période, bien au contraire. Pink Floyd est une véritable institution musicale, le Saint-Graal de tous les rockers quels que soient leurs horizons et leurs penchants, du folkeux le plus apaisé au metalleux le plus chevelu. Si l'on pourrait s'étendre longuement sur les raisons de cette universalité unique ne pouvant subir aucune comparaison tangible, au contraire de l'éternel dilemme Beatles / Stones, rien ne peut maintenant venir écorner l'image du Floyd. Seul despote au sein d'un monde qu'il a lui même créé, il a fédéré toutes les générations de mélomanes de la planète. Et c'est avec un tel fardeau que le septuagénaire Gilmour entre en scène sobrement, en même temps que ses comparses, au milieu de la superbe Saline d'Arc-et-Senans.

Si Roger Waters continue d'empiler encore et encore les briques de son mur dans les plus grands stades du monde à grands coups de discours révoltés et de messages démagos, David Gilmour préfère entretenir le mythe Pink Floyd en offrant à la plus belle des musiques, les plus beaux des endroits. Les arènes de Pompei ou Nimes, le château de Chantilly, le Royal Albert Hall, le Rattle That Lock Tour se drape de lieux de choix, classieux et ayant forgé l'histoire, à l'instar de ce cher David Gilmour en sorte. 21h30, le soleil a plongé depuis quelques minutes derrière l'imposante bâtisse d'Arc-et-Senans au moment où David Gilmour entonne "5 A.M.", ouverture instrumentale de son dernier album. Les claviers, majestueux, emplissent les grands volumes d'un parterre qui contemple, émerveillé, le guitariste délivrer sa partition avec justesse et sérénité. Ses longues notes d'une pureté cristalline fendent les nappes synthétiques et volent telles une plume soulevée par une légère brise d'été. La magie opère déjà.

Une magie bien aidée par un son tout bonnement exceptionnel. On sait Gilmour très au fait de la précision du rendu sonore pour les spectateurs, lui l'ingénieur du son et producteur méticuleux. Mais il est très rare de pouvoir jouir d'une telle acuité musicale lors d'un concert en plein-air. L'impression globale du groupe est absolument impeccable tant chaque instrument sonne parfaitement. Le ferroviaire "Rattle That Lock" corrobore d'emblée ce constat en déroulant une rythmique éléphantesque, basse grondante et batterie titanesque, avec toute la respectueuse lourdeur qu'impose le statut d'icône de David Gilmour.  D'un morceau studio correct, lui et sa bande en font un pur moment de groove chaloupé qui occulte totalement sa filiation entrepreneuriale compliquée. D'un morceau acoustique paisible ("Fat Old Sun"), la troupe en fait progressivement un jam rock détonnant, en rien semblable à l'originale, au cours duquel le maître se délecte d'un solo monstrueux sur sa vieille Telecaster émoussé. Des morceaux plus faibles de la discographie du Floyd ("What Do You ans From Me", "Coming Back To Life"), les choristes Lucite Jones et Brian Chambers usent de leur joie communicative et de leurs voix puissantes pour en faire d'intenses moments de communion.

Et si Gilmour écorche sa voix claire sur quelques syllabes récalcitrantes ("Money"), les sublimes harmonies vocales de son groupe ("On An Island", "A Boat Lies Waiting") happent l'attention et serrent le cœur d'un parterre subjugué par tant de maestria musicale. Une qualité imposante qui nous fera même percevoir un léger moment de flottement lors du jam de "Money" ou quelques incartades rythmiques - blasphématoires, pas touche à Rick Wright - lors de l'introduction à l'orgue de "Shine On You Crazy Diamond (Parts I - V)". Et que voulez-vous, face à de tels monuments de la chanson dont chaque fan connaît la moindre note, le moindre souffle, la moindre reprise, le moindre silence, des morceaux poncés depuis des décennies sur les platines, les chaînes hi-fi, les baladeurs, les autoradios, des titres qui ont passé toutes les évolutions technologiques possibles, la sanction est immédiate. Mais pas sans appel. Car il faudrait être sacrément mal luné pour fustiger une prestation à la musicalité hors-norme...

Surtout qu'au moment où le maître empoigne sa sombre Stratocaster, usée par des heures d'un jeu homérique qui n'a rien perdu de sa superbe, l'instant confère presque au mystique. Tant sur le répertoire récent du musicien ("Faces Of Stone", "In Any Tongue") que sur les classiques cultes du Floyd ("Money", "High Hopes" et bien évidemment "Comfortably Numb"), David Gilmour inonde de sa classe chaque seconde d'une interprétation forcément épique. Toujours parfaitement en place, il distille de superbes notes envolées quitte à tirer ses cordes jusqu'à la limite du point de rupture. Ses mains charpentées semblent voler sur le manche d'une guitare chantante, souvent romantique ("On An Island"), parfois dramatique ("Wish You Where Here"), toujours épique ("Shine On You Crazy Diamond"). La fusion de l'artisan et de son outil est touchante tant ils bravent ensemble des moments suaves et passionnés ("Coming Back To Life") autant que des instants orageux et torturés ("Sorrow", dont les accords tonitruants résonnent encore...). La synergie est fascinante. L'un sert l'autre et réciproquement. David Gilmour, 70 ans, affublé d'un simple tee-shirt noir, est magnétique au contact de sa six-cordes. Sa Fender, forme banale et couleurs orthodoxes, fascine dans les mains du maître. L'aura du guitariste est sans égale.

Plus que ça, il est conforme au mythe que chacun s'est forgé de lui. Conforme dans sa timide virtuosité, conforme dans son flegmatique charisme, conforme dans sa sobre majesté. D'ordinaire réservé, il ne se fendra que de quelques mots, en français et en anglais, en fin de set pour remercier son public, présenter son groupe, et saluer l'endroit magnifique dans lequel nous nous trouvons. Il ne dira rien de plus. Il sourira longuement et saluera la foule avec sa troupe. Des mots suffisants pour nous rapprocher du musicien d'un soir et nous faire aimer l'homme. Des mots suffisants pour nous garder à une distance raisonnable du guitariste et continuer à honorer la légende David Gilmour, avec toute la retenue qui s'impose.

De retenue il n'est pas question concernant la scénographie d'un show qui suit les grandes lignes de ce que faisait le Floyd dans les années 80-90. Un immense écran géant circulaire cerclé d'une cinquantaine de projecteurs surplombe une scène sans artifice, faite pour la musique avant tout. Des ambiances feutrées unies ("The Blue"), en passant par les oppressants stroboscopes bigarrés de "Run Like Hell" - morceau exceptionnel soit dit en passant, David Gilmour propose un pléthore d'effets visuels. Une confortable couche illuminée qui accroît la portée de chaque titre, chaque instant, chaque mot. Qu'elle soit la dénonciation sérieuse et oppressante de la guerre ("In Any Tongue") ou la critique subtile d'une économie ébranlée ("Money", plus que jamais d'actualité 43 ans après...), la revendication du discret Gilmour est toujours percutante. Qui a dit que seul Roger Waters avait des messages à faire passer ? Pink Floyd, dans son propos ou sa musique, n'était pas la propriété exclusive du mégalo bassiste - du moins pas jusqu'à The Wall. Et David Gilmour le rappelle à tous avec poésie, non sans une pointe de mélancolie...

D'un sublime "Wish You Were Here" repris à gorge déployée par l'assemblée à l'inéluctable "Comfortably Numb", le guitariste transcende chaque titre de son ancien groupe culte. Le psychédélisme spatial de "Us And Them" n'a jamais semblé si aérien. "Money", en dépit de son pont foiré, n'a jamais semblé si clinquant. "High Hopes", avec sa longue progression initiée par un délicat son de cloche et quelques notes échappées avec pudeur du clavier, se veut aventureuse, une véritable cavalcade des sentiments clôturée par une slide guitar tranchante et quelques arpèges acoustiques éclatants. Même quand le rythme s'accélère, du titanesque "One Of These Days" à l'épatant "Run Like Hell", David Gilmour soigne sa prestation pour mieux émerger du tumulte ambiant. La démonstration de force est implacable. Celle de finesse et de noblesse aussi ("Shine On You Crazy Diamond (Parts I-V)"). La musique de Pink Floyd n'a rien perdu de son capital émotionnel. Il est même plus grand que jamais. Car alors qu'on glisse doucement vers la fin d'un concert qui approche des trois heures de show, "Time" puis "Comfortably Numb" - difficile de faire meilleur rappel - sonnent le glas d'une épopée féerique noyée dans un déluge d'effets prodigieux. Le final est grandiose, inoubliable. Des refrains repris en chœurs, un solo magistral augmenté de plusieurs minutes et une longue ovation sincère scellent définitivement un voyage sans pareil. Il est 0h40.

D'un concert, on attend forcément des émotions. En ça, le concert de David Gilmour délivré à la Saline d'Arc-et-Senans n'a pas failli. Bien au contraire. Si le musicien a marqué l'Histoire depuis longtemps, il est le seul à pouvoir définitivement la faire vivre sur scène aujourd'hui. Alors qu'il quitte les lieux sur un "Au revoir" symbolique, le sentiment d'avoir voyagé auprès d'un géant est palpable. Et s'il n'a pas marqué l'Histoire ce soir-là, nul doute qu'il a marqué celle de chacun. Le souvenir de ce moment unique perdura dans les mémoires des pères, des frères, des sœurs, des filles, des amis, des inconnus, comme celui d'un moment hors du temps à la rencontre d'un des génies de la musique contemporaine. Si Gilmour ne racontera peut-être plus jamais l'Histoire sur scène une fois cette tournée terminée, il s'est assuré que tous les spectateurs présents ce soir-là le feront pour lui, en se rappelant cette nuit...

The time is gone, the song is over, thought I'd something more to say...

Les photos sont disponibles dans notre Galerie Photos en cliquant ici: Photos du concert de David Gilmour.

Commentaires
Patrice, le 14/08/2016 à 04:35
Le compte-rendu du concert de David Gilmour à Arc et Senans est fidèle et retranscrit parfaitement cette soirée inoubliable que j'ai vécu ce jour-la. Oui il y avait de l'émotion à l'état pur, me rappelant celles que j'avais en écoutant ou en réécoutant la discographie de ce légendaire groupe " Pink Floyd ". Ce jour la, j'ai littéralement été transporté dans l'univers floydien avec le légendaire David Gilmour. Comme il est si bien dit dans ce compte-rendu, le son était magnifique, clair et cristallin. Chaque instrument sonnait avec justesse et précision, les jeux de lumières n'étaient pas en restes, surtout sur le final de "Comfortably numb"avec la projections des lasers de différentes couleurs qui illuminaient le site, c'était un moment de très forte émotion ce final, j'en avait la chair de poule tant j'ai été ému et à juste raison avec cette furie de lumières et de sons qui envahissait tout le site dont se souviendront pendant de très longues années les Arc-et-Senanais. Pour ma part, je garderais ad vitam eternam le souvenir d'un moment de pur bonheur et de magie, que j'ai partagé avec mon fils, un inconditionnel lui aussi. Le concert de David Gilmour fera parti aussi d'une des plus belles choses que j'aurais vu et entendu.