FAUVE

Les bonnes surprises ont toujours leur part de chance. Pour le concert de Fauve du 5 Février au Bataclan, la mienne est venue d’un bon pote qui s’est rappelé de moi quand il a retrouvé ses deux places achetées en Octobre dernier.  Un vrai coup de chance quand on sait que Fauve jouera certainement à guichet fermé sa résidence de 20 dates entamée début Février dans la salle parisienne.

Soyez d’abord sans crainte, je vous épargnerai les métaphores animalières du style « Les Fauves étaient lâchés » ou « Fauve rugit au Bataclan», AlbumRock n'a pas vocation à imiter l’Equipe commentant un match de Lyon. Ayant miraculeusement échappé au buzz phénoménal qui a entouré l’émergence du groupe, je n’ai écouté l’ensemble de leurs titres que quelques heures avant le concert. Et sans être ébouriffant, il faut reconnaître que Fauve en concert apporte à la pop française un peu d'air. Un vent frais, un vent du petit matin pourrait-on ajouter car ce concert de Fauve n’est pas le Grand Soir. Aucune révolution ne se fomente sur la scène du Bataclan. On y découvre une ambiance familiale attisée par la candeur du combo qui contraste avec une certaine noirceur des textes.
 
Giorgio, un jeune MC du 18ème assure la première partie et prend très à cœur son rôle de chauffeur de salle. En bon héritier des grognards français, il hurle ses pénibles injonctions à « faire du bruit » à une fosse bienveillante. Aidé par un compère, il livre quelques morceaux de hip hop qui animent bien la salle sans la faire décoller. Fauve entre ensuite très discrètement en scène. Quand le groupe est en terrain connu sur ses premiers titres, le spectacle a de l’ampleur. La voix du chanteur se lâche et on perçoit dans les refrains rageurs ce fameux malaise de génération sensé être la marque de fabrique du groupe. L’enthousiasme de la fosse sur ces titres émeut le chanteur aux larmes. Le riff funky à la Gossip de Nuits Fauves chauffe la salle à blanc. Haut les cœurs,  Cock Music Smart Music sont scandés comme des hits FM. Par contre le groupe manque cruellement d’automatismes sur les nouveaux titres de l’album "Vieux Frères – Partie 1" sorti le 3 Février. Si certains morceaux déjà diffusés réveillent le public comme De Ceux, Voyou ou Lettre à Zoé, d’autres font chou blanc comme  Requin Tigre ou Jeunesse Talking Blues. En termes de présence scénique, le groupe se détend un peu au fil des chansons mais l’ensemble reste assez figé. Le chanteur parcourt la scène de part en part avec une gestuelle un peu empruntée. On pense à un Ian Curtis scotché derrière son micro agitant les bras machinalement.

Malgré l’engouement sans précédent que le groupe a suscité avant la publication d’une œuvre majeure, Fauve est, à l’image de son public, un groupe assez jeune dans sa mise en scène, qui souffre de certains tics. L’utilisation permanente de clips projetés sur le fond de la scène enlève de la spontanéité à l’interprétation. Le public reconnait souvent le titre à la vidéo qui passe. Le groupe cultive son identité visuelle forte avec un light show impressionnant mais assez répétitif. Le rappel constant du logo du groupe, le signe ≠, synonyme de « différent » en langage mathématique, devient un peu pesant à la longue car l’expérience vécue n’a rien de fondamentalement novatrice. Si on peut apprécier que Fauve cultive son indépendance avec les règles l’industrie du disque, on ne voit pas encore de révolution scénique. Au final, Fauve sert un concert classique et généreux qui devrait se bonifier au cours des 50 dates déjà annoncées.

Setlist: 1. De Ceux / 2. Hauts les Coeurs / 3. Cock Music Smart Music / 4. Saint Anne / 5. Lettre à Zoé / 6. Voyou / 7. 4000 Iles / 8. Infirmière / 9. Requin Tigre / 10. Rub a Dub / 11. Nuits Fauves / 12. Jeunesse Talking Blues - Rappel 1. 2xgm / 2. Vieux Frères / 3. Kané / 4. Loterie / 5. Blizzard