Massive Attack
C’est Martina Topley-Bird qui ouvre ce soir. L’ex-muse de Tricky vient délivrer une variante minimaliste du trip hop des origines. Accompagnée d’un multi instrumentiste grimé en ninja, elle triture son clavier, joue de la guitare ou sample sa voix pour nous sortir de petites compositions au charme non négligeable. Ses atouts principaux sont sans nul doute ses cordes vocales, pleines de grâce et d’érotisme, que l’on a déjà pu entendre sur "Psyche", quatrième piste du EP Splitting The Atom. Pour cette raison, Martina reviendra à plusieurs reprises sur la scène du Zénith pour accompagner le combo de Bristol.
La salle se remplit peu à peu en attendant le début du concert. Bientôt les lumières s’éteignent et la boucle électro de "Bulletproof Love" se fait entendre. Épaulé par un dispositif visuel impressionnant le groupe entre en scène. Et lorsque 3d s’approche du micro c’est toute la fosse qui le salue avec émotion. Avec Massive Attack, on ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre, proposant des albums aux atmosphères éthérées, le groupe est pourtant connu pour ses prestations scéniques abrasives. Et le début de leur set ne les fait pas démentir. Jetant en pâture au public quatre nouveaux titres très prometteurs, le groupe prend un plaisir évident à revenir sur scène. Les fans sont bien là, ils écoutent avec ferveur les nouvelles compositions très inspirées. De celles-ci on retiendra surtout un "Hartcliffe Star" surpuissant, qui voit 3d et Daddy G se renvoyer la balle comme au bon vieux temps. Puis, sur le morceau suivant, dans une arène entièrement acquise à sa cause, Horace Andy entre en jeu avec le statut de monument vivant. Le concert est parti sur les chapeaux de roues.
À l’arrière-plan, un écran entièrement constitué de LED diffuse des images, des messages ou des citations, traduits en français pour l’occasion. Le concept donne une tournure politique au concert quand se mettent à défiler les chiffres de la pauvreté ou un visage de femme battue. Ce dispositif visuel contribue à faire de chaque titre un moment unique. Et le groupe ne s’est pas arrêté là : la majorité des grands classiques ont été réarrangés de la plus élégante des manières. C’est ainsi avec "Risingson" que commencent vraiment les hostilités. Daddy G est entouré d’une aura magnétique quand il pose avec nonchalance son verbe sur la basse ronde du morceau. Toutefois la véritable première claque de la soirée est assénée par "Future Proof". Si, sur album, le morceau trouve sa force dans son explosion contenue, c’est, sur scène, un déluge tellurique qui s’abat lorsque le solo central arrive. Loin du trip hop entêtant des premières heures, on se croirait ici dans un concert de post-rock brûlant. Le guitariste est à terre délivrant une pluie de décibels, 3d est en transe et les deux batteurs s’évertuent à concasser les oreilles de la fosse. Un frisson indescriptible se transmet de proche en proche dans la foule. À peine remis, Martina vient proposer une jolie version de Tear Drop, toute en finesse et en émotion. Elle enchaîne avec la version album de "Psyche" qui perd un peu la sensualité qui émanait du remix figurant sur Splitting The Atom.
Puis c’est le sprint final : le groupe enchaîne quatre morceaux énormes, dont trois issus de Mezzanine, pour le plus grand plaisir des fans. Un bon "Mezzanine", un "Angel" un peu classique mais avec Horace Andy en grande forme, un "Safe From Harm" magnifique qui voit l’entrée en scène de Déborah Miller et surtout un "Inertia Creeps" démoniaque. À la manière de "Future Proof", le morceau est rénové à coup de papier de verre. L’impression d’être broyé par un mur de son est saisissante, si bien que l’on finit à terre quand Massive Attack quitte la scène.
Il ne leur faut que quelques minutes pour revenir dans un tonnerre d’applaudissements. Ils nous délivrent une version très proche du EP de "Splitting The Atom". Puis vient "Unfinished Sympathy", classique parmi les classiques où le groupe s’efface dérrière Déborah. Enfin, le rappel se clôture avec le morceau le plus impressionnant de la soirée : "Marakesh" prend tout le monde à contre-pieds dans une lente montée en puissance. Violent et entêtant, peu de mots peuvent le décrire. Sans doute un des meilleurs morceaux jamais composés par 3d et les siens. Ils se retirent une dernière fois avant de réapparaîtrent pour faire exploser la dernière bombe à leur disposition : les premières notes de "Karmacoma" déchaînent les ardeurs de la foule.
Premier constat en sortant : Massive Attack a livré une prestation d’une impeccable rigueur technique. Le son était excellent, très précis, très fort aussi. Si bien que l’on quitte le Zénith abasourdi par ce marasme. Des frissons parcourent encore votre serviteur à l’évocation de cet instant. En prime les fans ont eu droit à plusieurs titres inédits qui laissent présager le meilleur pour l’album à paraître. En effet, le groupe est parvenu à se renouveler tout en gardant la force créatrice des premières années. Très rock, les nouvelles compositions se retrouvent matinées d’influences 80’s perceptibles dans des basses rondes et des claviers vintage. La force du groupe ce soir est d’avoir réussie à livrer une performance extraordinaire (sans doute un des meilleurs concerts de l’année) au sein d’un show millimétré, que personne n’a perçu comme tel. Là où Archive c’était un peu cassé les dents, il y a un mois avec une prestation poussive, Massive Attack marque de son empreinte, non seulement le trip hop, mais la musique en général. Qu’il va être dur d’attendre jusqu’à février…
Setlist :
Bulletproof Love
Hartcliffe Star
Babel
16 Seeter
Risingson
Red Light
Future Proof
Teardrop
Psyche
Mezzanine
Angel
Safe From Harm
Inertia Creeps
Rappel :
Splitting The Atom
Unfinished Sympathy
Marakesh
Karmacoma