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Critique d'album

The Bowstrings


Find a Way


(05/04/2024 - - - Genre : Rock)
Produit par

Note de 5/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Le mérite d’une boussole sans aiguille, c’est qu’elle n’indique aucun point cardinal mais qu’elle conduit partout."
Daniel, le 17/04/2024
( mots)

Où l’on commence par une petite bouderie (à caractère récurrent)

Chanter dans une langue d’emprunt reste un exercice compliqué. Il est difficile de trouver un équilibre entre l’intention textuelle et l’interprétation musicale (1).

Sur Find A Way, il arrive que, vocalement, ça "gratte" un peu. Je me permets de souligner ce défaut parce que l’œuvre est d’une qualité magistrale et que l’on ne critique utilement que ce qui en vaut la peine.

Généralement, quand j’aborde ce sujet qui fâche, les musiciens et musiciennes me répondent instinctivement que l’anglais est le seul verbiage compatible avec le rock. C’est une pure connerie (2). L’explication, beaucoup plus subtile, que m’a confiée Luca Ohnmeiss (qui maîtrise naturellement le français et l’allemand) est que le recours à l’anglais lui permet de crypter ses sentiments.

Ca, c’est un argument pudique et poétique qui pourrait tenir la route. Et c’est passionnant parce qu’il va falloir un peu suivre les traces d’Alan Turing pour tenter de comprendre The Bowstrings (3).

Où l’on se perd sur l’autre Route 66

Il fut un temps naguère où la Route 66 traversait l’Alsace. Elle filait depuis Lutterbach (dont le centre pénitentiaire aurait pu inspirer Johnny Cash) jusque Bâle. Et c’est forcément un signe. On sait en effet à quel point la musique contemporaine est liée à quelques mythes fondateurs.

Vous avez certainement remarqué à quel point les tristesses sont liées aux routes. Car les tristesses voyagent. Ou plutôt, bon gré, mal gré, les routards désespérés emportent toujours leurs tristesses en chemin. Peut-être avec l’espoir de les perdre en route ou de les abandonner à un carrefour. Posez la question à Robert Johnson. Par exemple.

Donc, ce n’est pas un hasard si l’art folk-country de The Bowstrings contient des particules de poussière d’une Route 66. Ca s’entend et c’est bien. Non pas que je me repaisse des misères humaines mais parce que l’art est aussi fait de feuilles froissées et de déchirures.

Find A Way s’inscrit au croisement de l’espérance et de la désespérance. Comme l’illustre la très belle pochette. Le cliché est d’un format classique avec ses trois tiers horizontaux. Nous sommes au cœur de la plaine, sur une route sinueuse. Tout devant, il y a cette montagne couchée qui incarne un futur au profil escarpé. Et, tout derrière, il y a un passé qui se reflète encore dans le miroir du rétroviseur. Tout est dit. Et ça n’augure que du "grand". Et du "beau".

Où l’on itinère entre clair-obscur et lumière  

The Bowstrings est un duo acoustique. Luca Ohnmeiss (chant, guitare) et Edouard Staad (guitare, violon, chant). Quelques musiciens venus en renfort (basse, batterie, percussions) étoffent excellemment le son de l’album.

La plupart des titres invitent à la réflexion ou posent les questions existentielles qui surgissent quand on connait (je m’avance) une rupture dans son existence. Et je partage le point de vue selon lequel se perdre en chemin est la meilleure manière de se retrouver après un échec de vie.

Finement placé en début d’opus, "Find A Way" est une pure tuerie folk-country enluminée d’une slide à faire pâlir le Ry Cooder de Paris, Texas et d’un violon aux sublimes accents steinhardtiens. A l’heure où j’écris ces mots (attention : spoiler), je sais que ce titre figurera en belle place dans mon Top 10 de 2024 (4). Parce qu’il est beau mais aussi parce qu’il évoque des sentiments humains dont l’universalité fout le frisson.

"I’ll Never Fall Again" avec cette voix grave est bâtie sur un beat insistant de claphands et des chœurs éthérés. Tous ceux qui tombent (au propre comme au figuré) usent de la formule du titre quand ils se relèvent. Mais la résolution ne tient souvent que jusqu’à la chute suivante ou jusqu’au crépuscule. Peu importe. Les expressions magiques participent à la beauté de la vie et il faut croire que les chutes procurent des ivresses qui justifient leur danger.

"Strong" dans sa simplicité biblique émeut par le travail des voix et, une fois encore, par les frissons de violon.

Au-delà des mots, "Easily" rappelle combien les instruments ont une capacité narrative qui peut générer des images impressionnistes (5).

En ce qu’il s’adresse à un être en devenir, "Growing Well" synthétise tous les espoirs dans les notes d’un violon habité. Et la fausse coda surprend agréablement pour dix brèves secondes de plaisir ajouté, comme un petit excédent de bagage.

"Here I Go" est le seul titre plus léger et peut-être le plus formellement "classique" puisqu’il évoque le plaisir de se retrouver entre musiciens pour taper une jam devant quelques potes et, probablement, devant quelques bières fraîches.

Le titre conclusif, "Renewal", annonce probablement le moment où l’on renonce au rétroviseur… Pour se concentrer sur ce qui vient. Devant.

Un pas de plus dans le monde / En devinant intimement / Que je pourrais être plus heureux / Si je prenais la peine d’essayer… (6)

Où l’on arrive à Bâle

Bâle, où l’on croise le souvenir de Carl Gustav Jung, le premier à avoir mis en lumière le lien qui unit l’âme des artistes et leurs productions culturelles.

Le hasard n’existe pas…

Pour ma part, c’est avec beaucoup d’impatience que je vais attendre le jour où The Bowstrings visitera une autre route. Une autre contrée. Ou la même Route 66 (entre Alsace et Texas) dans l’autre sens. Pour retrouver ces précieux moments d’harmonie entre cordes de guitare, cordes de violon et cordes vocales.


(1) Pour simplifier, si on s’attache à l’accent, on perd le fil harmonique et si on s’attache au fil harmonique, on perd l’intention du texte. Se concentrer sur les deux relève de la mission impossible. Le problème ne se pose pas quand on chante dans sa langue maternelle laquelle résonne naturellement dans l’oreille.

(2) Les rares groupes ou artistes en solo rock non anglophones qui s’exportent s’expriment dans leur langue maternelle ou pratiquent une musique instrumentale.

(3) Tant qu’à parler des défauts de Find A Way, on pourrait aussi souligner sa brièveté (moins de vingt-sept minutes au compteur) mais je partage l’avis assez tranché d’Oncle Dan selon lequel qu’il vaut mieux profiter d’une bouchée de caviar que d’un plein camion de merde en boîte.

(4) Je l’ai déjà écrit par ailleurs dans les pages du webzine consacrées à la rubrique Heavy Rotations (#8 et #9). Comme tous les vieux rockers, j’aime bien radoter.

(5) Quitte à vraiment radoter, je citerai une fois encore le fabuleux "Rainmaker" de Kansas qu’il faut au moins écouter une fois dans sa vie de rocker pour savoir ce qu’est un orage conté par des notes de musique.

(6) Si on transformait en hamburgers toute l’encre qui a coulé depuis la nuit des temps pour pleurer nos amours, nous serions tous et toutes très obèses… 

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