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Critique d'album

Eiffel


À tout moment


(05/10/2009 - Pias - Rock poétique français - Genre : Rock)
Produit par

1- Minouche / 2- A tout moment la rue / 3- Le coeur Australie / 4- Je m'obstine / 5- Sous ton aile / 6- Cet instant-là / 7- Mort j'appelle / 8- Nous sommes du hasard / 9- Clash / 10- Ma blonde / 11- Mille voix rauques / 12- Ma nébuleuse mélancolique
Note de 4/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Romain Humeau le survivant revient avec un quatrième album parfaitement maîtrisé"
Nicolas, le 21/12/2009
( mots)

2007 aura indubitablement été une année terrible pour Eiffel. Malgré un opus unanimement salué par la critique (Tandoori), la formation de Romain Humeau a dû subir les foudres de sa major qui, suite aux réorganisations propres aux multinationales tentaculaires et dans le contexte difficile que l'on sait quant à "l'industrie du disque", fut mécontente des faibles ventes de l'album. Expulsé de son label, le groupe finissait l'année dans une expectative plutôt inquiétante en peinant à remplir un Olympia qui lui promettait pourtant un formidable triomphe. Comme un malheur n'arrive jamais seul, Romain et Estelle furent de surcroît successivement lâchés par Christophe Gratien et Hugo Cechosz, partis voguer vers des zones climatiques plus tempérées. Il en fallait pourtant plus pour stopper le clan Humeau dans son élan : réorganisé autour du label indé PIAS, renforcé par le retour du vieux briscard Nicolas Courret derrière les fûts, et épaulé en live par le solide guitariste Nicolas Bonnière (Dolly) moyennant le transfert d'Estelle à la basse, Eiffel a réussi à survivre. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que le groupe a particulièrement soigné son retour.

Dès les premières notes de "Minouche", le ton est donné : guitare acoustique sèche, arabesques de cordes électriques instables, piano en filigrane, roulements de percussions solennels, Eiffel avance à pas de loup pour mieux éclater sur un refrain ascensionnel tout en verve contenue. Moins direct que sur l'album précédent, Romain Humeau module les émotions, fignole les détails et gère intelligemment ses effets de style. Symbole de cette maturité palpable, "A Tout Moment La Rue" manie une mélodie immédiate sur des arrangements qui laissent parfaitement transparaître une tension asphyxiante, presque matérielle dans sa densité. Le titre n'explose jamais complètement, et c'est là sa plus grande force : avec ses grondements sourds et inquiétants et sa guitare prête à nous sauter à la gorge, Eiffel se place au delà du discours partisan et nous met simplement face à une réalité française que chacun ressent imperceptiblement, une réalité que les hommes politiques, toute classes confondues, redoutent comme la peste : le spectre révolutionnaire. Ailleurs, c'est la poésie de Humeau qui fait la différence, l'homme maniant comme personne la langue de Molière et ses extravagances précieuses, ses juxtapositions osées et ses contrepieds en décalage. On aime ou on déteste, mais dans le genre, difficile de trouver mieux que ce songwriting hérité en droite ligne des Vian et des Brel. Avec en point d'orgue la partie de ping-pong vocal séduisante d'un "Coeur Australie" où les mots et les thèmes s'entrechoquent avec maestria. Cette verve qui oscille en permanence entre argot et métaphores soutenues est mise au service de morceaux plus variés qu'à l'accoutumée, le rock d' Eiffel se laissant ainsi teinter de folk ("Sous Ton Aile", avec son banjo claquant qui souligne en contrepoint les images presque mythiques des paroles) ou de jazz ("Clash", faisant se succéder un binaire lourd et un jam de trompettes débridé en fin de piste), sans compter une conclusion enjouée aux arrangements pop qui ne dépareilleraient pas au sein de la nouvelle scène française ("Ma Nébuleuse Mélancolique").

Même si l'album marque un peu le pas dans sa partie médiane, autour d'un "Mort J'Appelle" un tantinet terne (bien que bâti sur un poème de François Villon) et d'un "Cet Instant Là" pour le coup plus grossier et téléphoné que le reste, on y trouve aussi des moments qui recèlent une indéniable grâce. Comme "Je M'Obstine", édifié autour d'un schéma de guitare haletant et d'un jeu de dissonance habilement dosées qui transcrivent magnifiquement la fermeté et l'entêtement du chanteur, ou encore comme "Nous Sommes Du Hasard", excellent de force lyrique et de puissance instrumentale. Ailleurs, ce sont les guitares qui projètent la foudre des mélodies, et c'est vers la fin du disque que les six cordent font enfin parler la poudre sans retenue : entre force de frappe pilonnée et solo expéditif succédant à un jeu racé rappelant les Pixies ("Ma Blonde") ou binaire truffé au plomb transportant un chant hurlé où le "rauques" se mêle au "rock" sans effort ("Mille Voix Rauques"), il n'y a plus qu'à faire son choix.

Bien sûr, le fantôme de Noir Désir planera toujours sur la tête de Romain Humeau, inutile de le nier. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Bertrand Cantat a choisi Eiffel pour effectuer son retour officiel derrière le micro en interprétant les chœurs de "A Tout Moment La Rue". Plus qu'une amitié ou un respect mutuel, c'est un lien de filiation fort qui unit indéfectiblement les deux hommes, le plus jeune s'étant en grande partie appuyé sur les faits d'arme de son aîné pour construire son édifice, même si la réciproque est de plus en plus d'actualité (en témoigne les arrangements concoctés par Humeau sur le titre "Des Visages Des Figures" et sa participation vocale récente sur la reprise du "Temps Des Cerises" par le combo bordelais). Pourtant, même si Humeau a occupé tant bien que mal le créneau du rock français à vocation poétique tandis que Cantat purgeait sa peine de prison, sa formation s'est révélée être bien plus qu'un simple ersatz de transition. Plus désintéressé, plus lumineux, plus futile pourrait-on même dire que son alter ego du sud ouest (sans que le terme n'ait de connotation péjorative), Eiffel est parvenu en quatre albums à développer son propre style sans avoir sacrifié quoi que ce soit au star system, mais malheureusement sans avoir encore remporté à ce jour la reconnaissance qu'il mérite. Puisse ce solide A Tout Moment rencontrer un succès public qui ne cesse de le fuir à l'heure où l'élève est en passe d'égaler son maître.

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