Tarot

Dire que le deuxième album de Tarot était la sortie la plus attendue de l’année serait hélas abusif, mais je peux affirmer que j’espérais Glimpse of the Dawn comme d’autres s’impatientent de la parousie. Le combo revival australien, tasmanien pour être précis, avait abandonné son public depuis 2016 à la sortie de leur premier véritable album, Reflections. L’excellence et l’originalité de leur style retro, à la fois Heavy et prog’, cherchait son inspiration chez Uriah Heep ou Wishbone Ash, et Tarot s’apparentait à une sorte d’Hällas océanien – ce qui est bien plus qu’un simple compliment. Depuis, le groupe semblait avoir disparu, les membres étant investis dans des projets annexes (The Wizar’d), même si quelques concerts, d’abord en Australie puis en Europe, témoignaient d’un regain d’activité.

Et c’est en 2024 que ce deuxième album tant escompté voit enfin le jour.

La satisfaction dépasse toutes les attentes dès les pistes d’ouverture, "Glimpse of the Dawn" et "The Winding Road", qui s’avèrent magistrales. La première déploie un riff majestueux, malicieusement repris au piano, auquel se superpose le chant caractéristique du combo au profit d’un registre heavy prog’ aux ambiances et aux mélodies fabuleuses. Le second commence sur une note plus hard-rock, à mi-chemin entre 70’s et 80’s, puis développe une atmosphère éthérée et épique, similaire à celle de Reflections où, aux détours de sublimes lignes de guitare, on perçoit comme un écho musical à l’univers chimérique er fantastique de la pochette, entre le rêve et le cauchemar.

On entend l’héritage de l’album précédent qui apparaît d’ailleurs bien plus maîtrisé, preuve d’un "son" qui s’affirme. C’est ce qui ressort à l’écoute de l’enivrant "The Vagabond’s Return" (aux soli démentiels), du Rainbow-like "Echoes Through Time" ou du long "Heavy Weights the Crown", une suite heavy-prog’ efficace à la Uriah Heep, avec des synthés 80’s parfois bombastiques et toujours autant de plans de guitare intelligents qui n’hésitent pas à épouser le groove de Thin Lizzy. Leur esthétique est également développée sur "Leshy’s Warning" en associant les aspérités folk et la guitare électrique à la manière d’Ashbury, d’une façon un peu plus musclée et hispanisante (au moment du solo) – voire même celtique lors du final magistral où le dispositif est agrémenté d’une flûte (notons que le final instrumental, "The Harrier", est dans le même esprit). Enfin, nous évoquions les Suédois d’Hällas afin de dresser un parallèle avec une formation plus contemporaine : celui-ci vient à l’esprit à de multiples reprises, mais peut-être que "Dreamer in the Dark", une belle démonstration Heavy-prog’ spatiale, illustre au mieux cette parenté.

Il n’est pas étonnant que Tarot ait joué son retour à visage découvert (les pseudonymes ont été abandonnés) tant les raisons d’être fier sont nombreuses : il nous reste à espérer que nous aurons moins à attendre pour explorer un peu plus leur univers avec un troisième opus.

À écouter : "Glimpse of the Dawn", "The Winding Road", "Leshy’s Warning"