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Interview : Anathema


Nicolas, le 07/05/2012
Deuxième partie d'après-midi en ce mercredi 2 mai, et suite des entretiens au Bataclan avec Anathema, un groupe qui a désormais plus de vingt années de carrière et qui a pratiquement connu tous les extrêmes du rock, débutant avec le Doom aux côtés de My Dying Bride et de Paradise Lost pour finir sur le rock progressif atmosphérique descendant de Pink Floyd dans la lignée des Riverside et Porcupine Tree. Et ça tombe bien, puisqu'avec Weather Systems, Anathema a frappé un grand coup en réalisant l'un des grands disques de cette année 2012. L'occasion était trop belle pour ne pas chercher à en savoir plus. C'est à 16h que j'arpente de nouveau le hall du Bataclan jusqu'à la salle de concert où le groupe effectue encore ses balances. Le chargé de communication est formel : il va y avoir du retard, beaucoup de retard. Qu'à cela ne tienne, car le spectacle privé vaut le déplacement : j'ai ainsi droit à "Untouchable, Part 2", "The Storm Before the Calm" et "The Beginning and the End" en intégralité. Ça envoie sévère. Puis le groupe s'étiole et s'éparpille entre différents interviewers, mais mon tour doit encore attendre, à tel point que les mancuniens d'Amplifier ont le temps eux aussi de régler leurs instruments sur scène. Le bonus se révèle rétrospectivement plus que consistant, puisque j'assiste en live à une version de "The Octopus" que le quartet n'effectuera même pas lors du concert dans la soirée. Enfin c'est mon tour, sauf qu'on m'apprend que je vais aller rejoindre Daniel Cavanagh dans sa loge. Malaise, et pour cause : l'entretien a été préparée à l'attention de Lee et John Douglas, du moins est-ce qui était prévu sur le papier. Pas le temps de tergiverser, il va me falloir improviser une bonne moitié de l'interview avec des questions qui vont me venir à la volée, et décider en dernier recours d'oser aborder "les sujets qui fâchent" avec un musicien réputé intransigeant lors de ses entrevues journalistiques. On inspire un bon coup, et on plonge. Arrivé dans la loge, c'est un Danny Cavanagh ouvert et souriant qui m'accueille et me met à l'aise. Il balaye d'un revers de main mes plates excuses quant aux quelques sujets non préparés : "Ne t'inquiètes pas, vas-y, poses tes questions, ça va le faire". Le contact est fort, la gestuelle exaltée, le regard intense et brillant. L'entretien en face à face rapproché s'avère bref mais particulièrement franc et engagé sur le plan émotionnel. Pas de doute, on a là affaire à un musicien complètement investi dans son travail et sa passion.


Albumrock : Bonjour Daniel, et merci de nous avoir accordé cet entretien. Tout d’abord vous venez juste de sortir votre nouvel album, Weather Systems, et vous venez d’entamer une tournée européenne. Êtes-vous satisfait de vous retrouver à nouveau sur la route ?
Daniel Cavanagh : Oui, l’album a été très bien reçu, et c’est bien parce que nous avons vraiment travaillé dur dessus et nous sommes content du résultat. De ce qu’on a pu en voir, les anciens fans et les nouveaux, même ceux qui ne nous connaissaient pas avant, sont heureux du résultat. Pour nous c’est important, c’est une véritable validation de ce que nous avons essayé de montrer sur disque depuis très longtemps.

Depuis We’re Here Because We’re Here, Lee Douglas fait partie intégrante du groupe même si elle avait contribué à plusieurs disques avant. Comment s’est faite la décision de l’intégrer ?
C’est arrivé comme ça, vraiment. Je pense que le déclic s’est fait sur la chanson titre de A Natural Disaster, elle a chanté sur ce titre, puis elle est venue en tournée sur de nombreuses dates, ça a été une révélation. Elle est devenue de plus en plus motivée et impliquée, elle nous a suivi partout, et tu vois, John et elle sont comme un tout indissociable, comme une équipe, lui qui fait de la batterie et qui écrit, elle qui chante, et franchement ça fonctionne très très bien. Personnellement, ça me fait vraiment plaisir de l’avoir avec nous.

On a l’impression, particulièrement avec cet album, que vous vous tournez vers une musique de plus en plus adoucie, et j’irais presqu’à dire, acoustique ?
Non, c’est arrivé comme ça sur cet album, mais le prochain pourrait parfaitement être différent. Ceci dit, j’aime beaucoup les chansons avec de l’acoustique. En fait certaines chansons sont assez anciennes, "The Gathering Of The Clouds" date de... je crois 2004, "Lightning Song" date de 2005, je travaillais pas mal sur guitare sèche à l’époque alors que maintenant je compose plus au piano, c’est un peu une combinaison des deux, mais je pense qu’on essayera un autre rendu pour notre prochain album.


Durant les sessions d’enregistrement, tu t’es montré ouvert aux suggestions des autres membres du groupe ?
Oui, c’est clair. En fait les chansons ont tendances à se chercher elles-mêmes, et j’étais ouvert, bien sûr, parce que je sais que nous fonctionnons vraiment en équipe, et l’opinion de chacun mérite vraiment d’être écoutée, particulièrement celle du producteur Christer (Cederberg, NDLR), qui s’est vraiment impliqué dans son travail avec nous. C’était bien plus qu’un boulot de technicien, c’était une magnifique rencontre musicale. Cette rencontre est vraiment ce qui est arrivé de mieux au groupe depuis de nombreuses années.

Lorsqu’on lit le titre de l’album, Weather Systems, lorsqu’on regarde sa pochette, on s’attend plutôt à une sorte de manifeste écologique. Mais en fait ce n’est pas ça du tout, ça traite plutôt du temps qu’il fait dans l’esprit, des sentiments ?
Absolument. Tu l’as dit, la métaphore est très claire, l’album traite d’orages internes, de lever de soleil dans l’esprit, tout autant que de température émotionnelle. Et puis il y a aussi le fait que quatre chansons de l’album contiennent des termes météorologiques, "Lightning Song", "The Gathering Of The Clouds", "Sunlight" et "The Storm Before The Calm". Au départ on voulait en faire un EP, un mini album, et puis on ne l’a pas sorti, on a enregistré une autre chanson, "Internal Landscape", qui semblait bien contribuer à la métaphore. Et on s’est rendu compte que c’étaient vraiment de très bonnes chansons, trop bonnes pour un simple EP. On les a alors complétées par quatre autres chansons, et on est retourné en studio pour réarranger le tout et faire en sorte qu’elles s’accordent parfaitement les unes aux autres.

... Donc ce n’est pas vraiment un concept-album ?
Non, ça n’a pas été envisagé de cette façon, d’ailleurs le titre aurait pu être différent, on avait pensé au départ à Internal Landscape, qui est un bon titre aussi mais qui ne nous renseigne pas exactement sur ce dont on parle. Internal Landscape, c’est quelque chose de purement personnel, fermé, Weather Systems évoque plus l’ouverture des sentiments, ça se place plus en continuité avec nos thèmes antérieurs.


A propos d’"Internal Landscape", on y trouve un long monologue d’une personne évoquant une expérience de mort imminente. C’est un thème qui te touche personnellement ?
Oui, ces témoignages m’intéressent beaucoup, mais c’est surtout celui-là tout spécialement qui m’a touché parce que, quand je l’ai entendu, j’ai remarqué qu’il rassemblait beaucoup d’événements véridiques, ou en tout cas qui semblent véridiques, à propos de la nature, de la haute dimension de la réalité. Tout ce qu’il dit semble corroborer tous les éléments que j’ai entendus. Le témoin en question n’en a pas parlé tout de suite, il lui a fallu attendre six mois pour se confier, et... il décrit ça de façon si naturelle que c’en est bouleversant. Plus il parle, plus les éléments s’ajoutent les uns aux autres. Il le raconte si bien, il en parle si bien que je me suis dit : "Et pourquoi ne pas inclure ce passage sur "Internal Landscape" ?", parce que le morceau n’avait pas encore de paroles à ce moment. Puis les paroles se sont construites sur cette histoire, et à partir de ce moment je n’avais plus qu’à me mettre en relation avec l’interviewer, le Dr Kenneth Ring. Il m’a dit que le témoin était encore en vie, je l’ai contacté et je lui ai dit que je souhaitais mettre son expérience en musique, de façon très poétique. C’est vraiment une magnifique connexion.

L’album a reçu d’excellentes critiques, meilleures que celles de We’re Here Because We’re Here qui étaient pourtant déjà très bonnes. Même s’il est toujours agréable de voir son travail reconnu et apprécié, est-ce que tu ressens une certaine forme de pression pour les réalisations à venir ?
C’est la première fois que j’en ressens de façon consciente. Je veux dire... je savais que nous pouvions faire un bon successeur à We’re Here Because We’re Here, mais maintenant, comment donner convenablement une suite à ces deux disques ? Je pense qu’on va y arriver, il faut juste que nous nous concentrions bien et que nous choisissions les bonnes chansons, mais je pense qu’on peut le faire. L’erreur serait de vouloir faire un autre Weather Systems, et même d’en faire un meilleur. Non, on va vraiment essayer de faire quelque chose de différent. Il faut que je me concentre, que je prenne le temps de me mettre au piano, de chercher quelque chose de beau et d’émouvant. Ça sera dur, mais ça devrait le faire quand même (sourire). Mais par dessus tout, on sait ce qu’on doit à Steven Wilson. Clairement c’est lui qui nous a soutenus et qui nous a défendus, qui nous a redonné une crédibilité artistique après une si longue période d’absence. Il a mixé We’re Here Because We’re Here et a fait de l’excellent travail dessus, mais il en a surtout parlé autour de lui, il a encouragé beaucoup de gens à l’écouter, et je pense que ces bonnes réactions lui sont en partie imputables.

Il y a beaucoup d’arrangements de cordes sur l’album : violons, violoncelles. Est-ce que vous avez l’intention de jouer l’album sur scène accompagnés d’un orchestre de cordes ?
Oui, absolument, on a prévu un concert en septembre, en Bulgarie, et on en fera un DVD.


Comment te sens-tu quand vous êtes invités à des manifestations de metal, comme le Hellfest à Clisson l’an dernier ?
Eh bien... le Hellfest, comme le Download d’ailleurs, ce sont de gros festivals, sérieux, encadrés, avec un personnel nombreux et de gros moyens financiers. Jouer là-dedans, ça ne me pose pas de problème. Ce qui me gène le plus, c’est de me retrouver en dehors de la scène et de me retrouver à écouter des groupes de death metal, ce genre de machins... ça, franchement, je ne supporte pas. J’espère qu’on pourra l’éviter à l’avenir. (pensif) Je me souviens, il y a quelques temps, on jouait dans un petit festival metal en Allemagne en plein été, devant tout un parterre de gothiques et de vikings, et... on a fait un concert plutôt bon à mon sens, mais je me suis dit : "Putain , mais qu’est-ce qu’on fout là ? Pourquoi est-ce qu’on fait ça ?". Et voilà, quoi.

Vince a dit il y a quelques temps que vous ne joueriez plus jamais de metal, que ce serait comme revenir en arrière. Qu’est ce que ça veut dire ?
C’est clair : on ne joue plus de metal. Point. (un peu agacé) On constitue un groupe de rock, au sens large. On a des des guitares lourdes, une grosse batterie, des claviers, des instruments plus fins. C’est groupe de rock large. Il n’y a pas de honte à ça. C’est quoi le metal, de toute façon ? Une forme de rock plus extrême. Pour moi, ça m’est égal. On reste un groupe de rock depuis vingt ans, c’est ça qui compte.

Dans le même registre, votre dernier album a été principalement annoncé dans les médias spécialisés en metal, comme, par exemple sur le net, Metal Hammer, Blabbermouth ou The PRP. Est-il difficile de trouver une oreille auprès des grands médias musicaux traditionnels ?
(toujours un peu agacé) Non mais... ce n’est pas mon boulot, en fait. Je ne suis pas manager, je ne suis pas un agent, je ne représente pas une compagnie de disque. Il faut que tu poses la question à quelqu’un d’autre. Moi, franchement, je n’y pense même pas, ce n’est pas mon business. (pause) bon, excuse moi si je t’ai semblé tendu, mais c’est un sujet un peu sensible, cet attachement à un genre de musique. Ça ne signifie rien, c’est vraiment des conneries. En plus en Angleterre on nous considère comme un groupe de prog-rock, alors tu vois...

Maintenant que Les Smith a quitté le groupe, Anathema n’est constitué que de deux fratries (Cavanagh et Douglas, NDLR). Tu vois cette situation comme un avantage ou un inconvénient ?
Bien sûr que c’est un avantage, c’est même pour ça que le groupe fonctionne aussi bien. Ca fonctionne, mais pour que ça fonctionne vraiment, il faut de l’engagement de la part de tout le monde, de l’entraide, de l’amour, c’est tout. Vraiment, c’est génial, parce qu’on s’aime, qu’on éprouve de l’amitié et qu’on se fait confiance les uns aux autres. Si on continue à se faire confiance, alors ça fonctionnera toujours.

Je pense que tu n’as pas encore une idée précise de ce que vous allez faire maintenant, mais en gros, est-ce que vous partez sur une grosse tournée et une pause, ou est-ce que vous pensez vous remettre à l’écriture d’un autre album dans l’idée de le sortir assez rapidement, un peu comme Weather Systems vis-à-vis de We’re Here Because We’re Here ?
Je pense que nous allons tabler sur plus de sorties, plus d’enregistrements. On pense à sortir assez rapidement un mini-album, ou alors on va le compléter en un album standard en essayant de faire encore mieux que Weather Systems. Et tout ça devrait être fait dans les deux prochaines années maximum. L’idée, c’est de poursuivre la création, on ne fera pas de break.

Remerciements à Daniel Cavanagh, Andy Leff, Axel Leeks et à Roger Wessier
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