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Mark Lanegan, la voix hantée du rock américain


Maxime, le 04/03/2014

Son parcours artistique

Un visage découpé par les excès d'une vie au long fleuve pas toujours tranquille, une voix éraillée par la prise abusive de quelques substances, une stature impressionnante, voire intimidante, qui cache à peine une sensibilité qu'il exprime dans ses chansons, Mark Lanegan est tout ça et plus que ça à la fois, il est l'un des plus grands songwriters américain actuel. La rédaction d'Albumrock, qui a élu son Blues Funeral album de l'année 2012, l'a déjà reconnu comme tel et tient à vous faire profiter de la sortie d'une anthologie de sa carrière solo pour vous rendre compte de son parcours hors du commun et vous le dévoiler sans détour.


Né en 1964 et élevé dans une famille dysfonctionnelle à Ellensburg dans l'état de Washington, Mark Lanegan a vécu une jeunesse on ne peut plus chaotique. Après des aller-retours en prison pour maraude et trafic de drogue, à l'âge de 18 ans, il écope d'un an d'emprisonnement pour possession de stupéfiant avant que sa peine ne soit commuée en un traitement au sein d'un programme de désintoxication. Peu après sa sortie, alors qu'il travaille à la récolte de petit pois dans la ferme de son cousin afin de gagner assez d'argent pour se donner une nouvelle chance à Las Vegas, il passe sous les roues de son propre tracteur. A quelques centimètres près il aurait pu y passer ou rester handicapé mais le destin a visiblement un autre plan pour Mark Lanegan. La preuve, seulement condamné à rester quelques temps alité, il est assisté par un ami d'école, Van Conner, et se rapproche de ce dernier au point de monter ensemble un groupe de musique avec le frère de Van, Gary Lee.


Celui qui a pris conscience de qui il était à l'écoute de Jeffrey Lee Pierce du Gun Club a, sans s'en douter un seul moment à cette époque, trouvé sa voie. Avec l'aide des frères Conner et de Mark Pickerel, les Screaming Trees sont nés. Ces quatre fans du punk rock de leur adolescence (Stooges, Sex Pistols, Ramones) ne mettent que deux mois pour enregistrer un EP (Other Worlds) dans le magasin d'électronique de la famille Conner. Mark s'essaye d'abord à la batterie mais se rend rapidement compte qu'il y est trop mauvais et est avantageusement condamné à prendre le micro en remplacement de Mark Pickerel. Clairvoyance, leur premier album, est une combinaison de psychédélisme à la sauce punk rock. Le son y est très brut, tout comme la relation entre les deux frères poids lourd qui en viennent régulièrement aux poings. Repéré par Greg Ginn, le guitariste des Black Flag, le groupe signe sur son label SST et enregistre Even If and Especially When en 1987. Avec un deuxième album mieux produit et une assurance grandissante, les Screaming Trees commencent à se faire connaître en passant régulièrement sur les radios de college américain et en écumant les scènes du pays.


Deux autres albums sont enchaînés, un par année, avant que la déferlante grunge de Seattle ne devienne le spot incontournable du rock au début des années 90. Tous les groupes de la ville se côtoient, Soundgarden, Pearl Jam, Alice In chains etc... les Screaming Trees en font désormais partie. A la crête de ce tsunami on y trouve Nirvana. Kurt Cobain, devenu un ami proche, figure parallèlement sur le premier album solo de Mark Lanegan (The Winding Sheet) dans la sublime "Where Did You Sleep Last Night?", une chanson qui devait faire partie d'un projet commun pour jouer des reprises de Leadbelly dans un groupe appelé The Jury, mais qui n'a jamais été plus loin que ce titre. Pour s'éloigner physiquement et musicalement des relations tendues avec les autres membres de Screaming Trees, Mark Lanegan surprend son monde avec ce premier essai solo fait de chansons folk-blues. Pas assez sûr de lui et de ses doigts avec une six cordes, il est accompagné d'amis musiciens qui sont à la hauteur de ses compositions : Mike Johnson (Dinosaur Jr,) Jack Endino (Skin Yard). L'essai est chaleureusement salué. On parle de génie, d'un Leonard Cohen du grunge ! Au même moment Screaming Trees est signé par une major : Epic ! Après Uncle Anesthesia produit par Chris Cornell (Soundgarden) et l'arrivée d'un nouveau batteur en la présence de Barrett Martin, c'est le sixième album (Sweet Oblivion) qui donnera au groupe son plus grand succès, grâce notamment à "Nearly Lost You", écrite pour la BO du film de Cameron Crowe, Singles. Le son est définitivement grunge et les guitares de plus en plus lourdes et abrasives. La voix de Mark est à l'avenant et règne désormais en maître sur les graves.


Mais la folie médiatique qui s'empare du mouvement grunge va s'avérer insupportable pour certains. Kurt Cobain disparaît en 1994, comme d'autres amis de Mark Lanegan cette même année. Après quelques difficultés de temps et d'argent avec Sub Pop, mais aussi parce qu'il ne pouvait plus chanter physiquement par moments, Mark Lanegan nous délivre son deuxième album solo un an et demi après l'avoir commencé. Il est l'un des plus marquants. Le blues sombre qui l'imprègne est à la fois reposant et empli de rage. Son titre, Whiskey For The Holy Ghost, est un miroir de la condition physique et morale de son auteur à la voix de plus en plus éraillée. La perte de Kurt Cobain, les prises d'héroïne et les verres de whisky cumulés, Mark Lanegan est très mal en point. "J'ai perdu mon esprit, dit-il, et je n'ai rien fait de bon pendant plusieurs années par la suite." Lui et son ami Greg Dulli (The Afghan Whigs), vivent en co-location et prennent soin l'un de l'autre pour s'éviter mutuellement une over-dose. Mark Lanegan survit. En 1996, les Screaming Trees se délivrent de leur mal être dans un dernier album, Dust. Ses chansons sont peuplées par des visions de mort sanctifiée et d'imagerie religieuse. Certaines paroles révèlent un homme sur le point d'en finir : "Gotta get away/Get away/Before the Lord gonna make me stay." Lors de la tournée qui suit, avec Josh Homme en sus à la guitare, Mark Lanegan est arrêté en possession de crack. Les Screaming Trees n'y survivront pas, pour le bien de tous, celui de Mark en particulier : "les Trees c'était quatre mecs complètement dingues, nous n'avions absolument rien en commun. Nous nous battions sans arrêt. C'était comme dans une prison..."


Après une cure de désintoxication de huit mois près de Joshua Tree et un album solo fait à la va vite lors d'un long week-end de libre à Los Angeles, il est invité par Josh Homme au studio Rancho de la Luna pour les Desert Sessions. Mark reprend goût à la vie et à la création musicale avec les Queens Of The Stone Age, il en devient un membre partiel sur Rated R en 2000, avant d'en faire partie à temps complet lors de Songs For The Deaf. Deux années de tournées vont suivre pendant lesquelles il se lie d'une franche amitié avec le turbulent bassiste Nick Oliveri : "je suis devenu le gars qui a fini par être le gardien de mon frère alors que je venais juste chanter quelques chansons avec eux." Rasséréné par ces nouvelles complicités mais avec une nouvelle envie de voler de ses propres ailes, le natif d'Ellensburg s'engage à rester sobre et envisage enfin un avenir plus radieux : "maintenant j'aime beaucoup de choses que je n'appréciais pas auparavant. J'aime rencontrer des gens. Même en jouant et en faisant de nouvelles chansons rien n'a été facile pour moi. Je faisais partie de ces gens qui avaient tendance à me rendre la vie difficile. J'ai appris au fil du temps, j'ai fait beaucoup d'erreurs mais aujourd'hui je suis prêt à embrasser la vie."


Une (r)évolution complètement assumée depuis dix ans ! Accompagné de ses plus fidèles amis, Greg Dulli (Twilight Singers et Gutter Twins), Josh Homme, Nick Oliveri, Duff McKagan ou Alan Johannes ; de PJ Harvey, fan du bonhomme, et de son ex femme, Wendy Rae Fowler, la création et le grand succès d'estime de Bubblegum, son avant-dernier album en date, a fait de lui un homme ouvert à toutes les propositions en posant sa voix sur des styles très différents. Ses nombreuses collaborations en témoignent : Isobel Campbell, Soulsavers, UNKLE, Martina Topley-Bird, Moby etc... Son timbre est désormais reconnu et très demandé par ses pairs et si les thèmes de la dépendance et des troubles intérieurs peuvent encore hanter ses chansons, son blues se veut plus audacieux et électrique. Funeral Blues a même étonné son monde par son penchant électronique, signe qu'il se sent réellement bien dans l'air du temps. Ses partenaires musiciens ne peuvent que le confirmer. Pour Duff McKagan "il est vraiment drôle, très lumineux avec une vision très lunatique de la vie. Certains aspects de lui sont ténébreux, mais c'est essentiellement dû à sa timidité". "Quand nous nous sommes rencontrés, j'ai senti que nous avions une sorte de connexion", explique Isobel Campbell, "Je ne peux pas vraiment l'expliquer. Il semblait doux, aimable et sans prétention, ce qui est une chose rare dans l'industrie de la musique ".


En dépit de son impressionnante apparence physique et de son air taciturne, "le plus méchant gentil gars que je connaisse", comme le dit avec amour Josh Homme, sonne comme un prophète avec sa voix unique et ses paroles où la présence de Dieu est de plus en plus signifiante. En cela il épouse un peu la carrière de Johnny Cash, celui-là même qui l'avait invité à remonter sur scène pour poursuivre une carrière solo. "Je suis surpris que l'on ne le reconnaisse pas comme un Johnny Cash d'aujourd'hui", regrette Chris Cornell. On ne peut qu'aller en son sens, tout le monde connaît Tom Waits, Nick Cave ou Johnny Cash, mais à la veille de ses 50 ans, il serait peut-être temps de reconnaître Mark Lanegan comme l'une des plus grandes voix de sa génération.

Marc
Commentaires
Barbossa, le 19/04/2016 à 13:58
Vous avez oublié l'excellentissime "I'll take care of you"!?!? Album de covers certes, mais déjà considéré malgré cela par beaucoup comme, d'une part un des meilleurs LP du vieux loup Lanegan et d'autre part comme un des meilleurs albums du côté sombre des dernières années de la planète rock.