Wishbone Ash

Forts du succès de leur premier album, les comparses de Wishbone Ash se lancent rapidement – chose fréquente à l’époque – dans la réalisation d’un second volet, Pilgrimage, en 1971. La direction choisie est celle du rock progressif, cet album étant, de toute leur discographie, le plus ancré dans ce courant, sans pour autant mettre de côté le jeu de guitare ultra-mélodique caractéristique de la formation. 

Dès le premier titre pourtant relativement électrique, "Vas Dis", les libertés rythmiques (en saccades) et les onomatopées en guise de chant, suivant la mélodie de la guitare, lui donnent un aspect canterburyen. Que dire de "The Pilgrim" qui, après une longue et langoureuse introduction, voit les guitares arriver derrière un rythme très heurtée (proche des gimmicks de Gentle Giant) pour guider plus de huit minutes intégralement instrumentales (les voix, encore une fois, servent uniquement d'instrument sans qu'aucune parole ne soit prononcée). Les variations rythmiques et mélodiques sur un thème répétitif à la structure brisée apportent une dimension réellement progressive à ce titre qui est devenu un classique. Notez le pont lourd à la batterie qui amène des montées et descentes de la part de l’ensemble des instruments. A l’opposé du titre précédent, "Lullaby" fait naître une ambiance éthérée et douce avec une guitare cristalline et une basse bien ronde. 

Certains morceaux prennent une coloration un peu différente. Très rock avec des racines blues, "Jail Bait" déborde d’énergie et de groove. L’édition de 1991 a rajouté en bonus une version live du titre qui démontre son potentiel scénique. "Where Were You Tomorrow" est dans la même veine mais manque cruellement d’originalité : c'est un très long blues-rock (plus de dix minutes) avec beaucoup de soli, sorte de jam enregistré live. On est à la limite du remplissage. Le côté folk-rock s’exprime aussi sur "Alone" et sa démonstration de twin-guitars ou, dans une certaine mesure, sur "Lullaby". 

Pour ceux qui sont à la recherche d’Argus, éternelle balise du groupe, "Valediction" sera une belle surprise et sûrement le titre le plus mémorable de Pilgrimage pour le riff du refrain rompant avec les arpèges du couplet ou, le solo contrasté, à la fois épique et doux. Là aussi, les variations progressives, notamment en fin de morceau, sont de mise. 

Ovni dans la discographie du groupe qui reste facilement compréhensible étant donné le contexte musical, Pilgrimage sera adoré ou laissera pantois les auditeurs. Peu de chant (surtout si l'on ne considère que les parties avec des paroles), des expérimentations, des parties de guitare extrêmement bien écrites montrant une maturité gagnée, l'album est plus prog’ mais ne perd pas pour autant la touche hard-blues-rock du groupe. C'est pourquoi Pilgrimage demeure plus que recommandable du point de vue musical comme de celui de l’histoire de Wishbone Ash. 

A écouter : "The Pilgrim", "Valediction"