
MGMT
Congratulations
Produit par
1- It's Working / 2- Song for Dan Treacy / 3- Someone's Missing / 4- Flash Delirium / 5- I Found a Whistle / 6- Siberian Breaks / 7- Brian Eno / 8- Lady Dada's Nightmare / 9- Congratulations


Pas la peine de le cacher : on avait initialement l'intention de tacler  méchamment les MGMT avec ce second album. Les quelques réactions à chaud  sur le forum, réactions qui faisaient suite à la parution de Congratulations,  ne laissaient d'ailleurs place à aucune équivoque : cette critique  allait virer à la boucherie, au carnage, à la Black Holes And  Revelations by Maxime. Parce qu'il fallait à tout prix que tout ce  remue-ménage cesse et que l'on remette Andrew VanWyndgarden et Ben  Goldwasser à la place qu'ils n'auraient jamais dû quitter : leur salle  de bain. Marre d'entendre vanter les louanges de ce duo néo-baba cool de  Brooklyn sous prétexte que " 'tain, "Time To Pretend" et "Kids",  c'est trop de la balle" et que "Des jeunes qui remettent la  société moderne en question, c'est trop ouf". Marre d'avoir dû  supporter les dithyrambes élégiaques qui ont fait suite à la sortie d'Oracular  Spectacular, le plus grand hold up jamais réalisé par un groupe de  pop sur les charts et sur l'intelligentsia de la critique, l'album qui a  eu le culot de terminer bon premier des albumrock awards 2008 alors  qu'aucun rédacteur, aucun, ne l'avais mis en tête de ses préférences de  l'année. 
Et là, miracle, la première écoute de Congratulations  se révélait épouvantable. Aucune ligne mélodique ne ressortait  véritablement, et l'ensemble donnait l'impression d'un énorme capharnaüm  de sons empilés au petit bonheur la chance entre deux séances de surf  glandouille. Incroyable. Alors que l'on s'était fermement préparé à  rechercher, avec la mauvaise fois la plus éhontée, tous les arguments  possibles pour atomiser l'irritant duo, voilà qu'il nous tendait  naïvement le bâton pour se faire battre. Une aubaine comme on en avait  rarement vu, et ce d'autant plus que les critiques élogieuses pleuvaient  une fois encore sur l'opus. On se préparait donc à affûter une plume  qui ne demandait qu'à trancher avidement quelques gorges tout en  préparant quelques crocs en jambe vicelards (et vas-y que l'artwork et  moche, et vas-y qu'ils assurent pas un cachou en live, etc etc). Sauf  qu'au fil des écoutes, la répulsion initiale se transformait en  perplexité, la perplexité se muait en curiosité, et la curiosité  laissait finalement place à une sincère adhésion. Ainsi en est-il de ce Congratulations  : on le détestera cordialement ou on l'encensera de façon plus ou  moins justifiée selon l'intérêt qu'on lui aura initialement accordé, et  il n'y aura aucune place pour la tiédeur hautaine ou le bottage en  touche en catimini. Mais comme vous le verrez un peu plus loin, la  vérité se situe probablement ailleurs...
Parlons plutôt de  l'album, et faisons lui le plaisir de ne pas aborder immédiatement tous  les à-côtés qui ont parasité les papiers extatiques de nos estimables  confrères. Tout d'abord, Congratulations n'a rien d'un album  évident à la première écoute car il ne contient aucune mélodie  immédiate, et il faut le décanter au moins quatre ou cinq fois avant de  commencer à en distinguer les différents arômes. En deuxième lieu, cet  opus ne ressemble a rien de déjà entendu en terme d'ambiance sonore. Si  on distingue bien sûr des influences assez évidentes (à rechercher du  côté des late 60's : Brian Wilson, Syd Barrett, David Bowie et autre  sorciers du proto-psychédélisme), on y pense à l'occasion avant de  sombrer corps et âmes dans une atmosphère vraiment étrange, hésitant  sans cesse entre un onirisme joyeux gorgé d'hélium et une vision  psychotique fluorescente masquant une réalité profondément triste. Et  c'est le troisième et dernier point à aborder : s'il est vrai que l'on  avait déjà noté deux niveaux d'écoute différents dans Oracular  Spectacular, électro-pop alerte versus mal-être adulescent, cette  dichotomie prend ici une ampleur inégalée car elle n'a plus de mots pour  s'exprimer. Tout le dilemme charrié par le disque réside uniquement  dans les nuances musicales polymorphes qui s'enchaînent ou se  surexposent en permanence, révélant une profondeur d'écoute vraiment  exceptionnelle pour un disque estampillé "pop". La fameuse marque de  fabrique MGMT se confirme donc et rend de facto ce groupe intéressant, bien plus que son clone australien d'Empire Of The Sun  dont le clinquant synthétique cache une vacuité d'intention assez  désolante.
Pourtant, Congratulations n'est pas aussi  irrésistible qu'il aurait pu l'être, la faute en grande partie à une  volonté inflexible de se plier au dogme des chansons sans refrain. Le  concept s'avère éminemment ambitieux et parvient à faire mouche la  plupart du temps, en égrenant des motifs mélodiques qui se répètent en  boucle dans une espèce de transe extatique volontiers ascensionnelle  ("It's Working") ou en mimant l'effet de flux et reflux des vagues sur  une plage irisée de soleil ("Someone's Missing"). Ailleurs, le talent du  duo s'exprime par sa propension à sculpter une pièce cataclysmique  partant du minimum auditif pour se finir en un déluge punk complètement  débridé ("Flash Delirium"), ou à tisser des trames sonores d'une beauté  souveraine qui parviennent sans effort à nous faire voyager dans des  contrées fabuleuses ("Siberian Breaks") ou inquiétantes ("Lady Dada's  Nightmare). Mais la formule ne fait pas mouche à tous les coups. Preuve  en est, justement, de la partie ventrale de ce pantagruélique "Siberian  Breaks" qui laisse parfois notre attention vagabonder en dehors de ses  sphères d'influence, faute d'un liant mélodique suffisant. Dans d'autres cas, ce sens mélodique ô  combien nécessaire à une telle entreprise fait tout simplement  défaut, en témoigne un "I Found A Whistle" franchement rébarbatif même  s'il reste largement écoutable. Ailleurs, enfin, on reste dans le cadre  d'une pop légère et désaltérante sans parvenir à tutoyer les sommets du  genre ("Song For Dan Treacy", "Brian Eno"). Dommage... surtout quand on  écoute une petite perle comme "Congratulations", magnifique de pudeur et  de timidité refoulée, qui confirme définitivement le talent des deux  branquignols shootés et qui conclue l'album de la meilleur façon  possible.
Mais on ne pourra pas terminer cet aperçu de Congratulations  sans évoquer, une fois de plus, le contexte grotesque dans lequel il a été  accueilli. Assurément, Andrew Van Wyngarden et Ben Goldwasser se foutent  ouvertement du monde, nul besoin d'être un expert en communication pour  s'en rendre compte. Il n'y a qu'à voir comment les deux zigotos se  gaussent des interviews, ici en laissant croire que l'enregistrement de  leur album s'est uniquement effectué en dilettante entre deux parties  de surf et trois dégustations de marijuana au soleil, ou là en faisant  mine de s'excuser du manque de potentiel tubesque de leur nouvelle  création. Ailleurs, on les voit snober les questions relatives aux  fameux "Time To Pretend" et "Kids", quand on ne les voit pas carrément  dévisager leurs interlocuteurs d'un air faussement ingénu devant une  question éminemment perverse. N'oublions pas que les deux gus ont à  peine 27 ans et qu'ils ont pourtant développé une attitude totalement  détachée vis à vis de l'ouragan médiatique dans lequel ils ont été bien  involontairement propulsé. Il faut en effet posséder une bonne dose de  recul pour mettre sur le même plan le leader de Televison Personalities  (Dan Treacy), qu'ils adorent, la reine de la pop fashion marketée  scientifiquement (Lady Gaga), qu'ils plaignent, et l'un des producteurs  les plus réputés de la planète (Brian Eno), dont on ne sait même plus  s'ils s'en moquent ou s'ils le vénèrent. Alors par pitié, laissons à une  presse abhorrée et aveuglée par leur fascinante personnalité le soin de  nous engluer dans des concepts d' "anti Oracular Spectcular" et  de "chef d'oeuvre de la pop du 21ième siècle", et prenons ce Congratulations  uniquement pour ce qu'il est : un album vraiment réussi, supérieur à  son prédécesseur lorsqu'il est pris dans sa globalité, parfois génial,  souvent perfectible, et qui va surtout à l'encontre intégrale des canons  en vigueur dans le petit monde de la pop. Et croyez-nous ou non, pour  avoir réussi à refourguer un album aussi anti-commercial à une major (Sony /  Columbia) et l'avoir mis en vitrine de façon quasi-universelle là où  des formations comme les Flaming Lips, les Of Montreal ou les Animal Collective ont  régulièrement échoué à glaner un réel succès populaire, il faut avoir un  foutu talent, mais surtout une sacrée paire de corones. Gageons que les MGMT continueront à mettre à profit ces deux avantages substantiels pour imposer leur musique à l'avenir. Et bien malin celui qui prophétisera la teneur de leur prochaine livraison...























