Bob Dylan
The Bootleg Series Vol. 7: No Direction Home: The Soundtrack
Produit par Jeff Rosen, Steve Berkowitz, Bruce Dickinson, Martin Scorsese
1- When I Got Troubles / 2- Rambler, Gambler / 3- This Land Is Your Land / 4- Song to Woody / 5- Dink's Song / 6- I Was Young When I Left Home / 7- Sally Gal / 8- Don't Think Twice, It's All Right / 9- Man of Constant Sorrow / 10- Blowin' in the Wind / 11- Masters of War / 12- A Hard Rain's a-Gonna Fall / 13- When the Ship Comes In / 14- Mr. Tambourine Man / 15- Chimes of Freedom / 16- It's All Over Now, Baby Blue / 1- She Belongs to Me / 2- Maggie's Farm / 3- It Takes a Lot to Laugh, It Takes a Train to Cry / 4- Tombstone Blues / 5- Just Like Tom Thumb's Blues / 6- Desolation Row / 7- Highway 61 Revisited / 8- Leopard-Skin Pill-Box Hat / 9- Stuck Inside of Mobile with the Memphis Blues Again / 10- Visions of Johanna / 11- Ballad of a Thin Man / 12- Like a Rolling Stone
Voyons les choses en face, Bob Dylan n'a en théorie rien à faire dans un discorama des années 2000. Ses disques sont toujours considérés comme un évènement mais en réalité tout ceci est très surfait. Le sieur Zimmermann n'a en effet rien sorti de valable depuis...pffiou, Blood On The Tracks en 1974. Bon d'accord, 1975 avec Desire. Ses concerts demeurent parfaitement valables puisqu'il reste un des seuls artistes à savoir revisiter son propre répertoire, donnant chaque soir une nouvelle interprétation des classiques qui ont construit sa légende. Mais ses disques, tout le monde s'en tape, et tout le monde a bien raison. Pourquoi un disque de Bob Dylan ici alors? Parce que depuis 1991 l'artiste s'est lancé dans une grande entreprise de dépoussiérage de sa discographie en sortant ses Bootleg Series. Il s'agit de morceaux inédits, versions live, prises alternatives, etc. tout ce que les fans maniaques de l'homme rêvaient de posséder depuis que ce dernier a craché "Blowin' In The Wind" à la face du monde ils le trouvent chez un disquaire habituel et dans une qualité sonore défiant tous les enregistrements pirates de ces mêmes morceaux. Les maniaques de Dylan: ces malades mentaux qui se portent volontaires pour analyser le moindre borborygme sorti de la bouche de leur idole, qui sont prêts à se prosterner devant chaque nouvelle œuvre (notion très relative quand on regarde la production de Dylan depuis...une trentaine d'années) et à cracher au bassinet pour avoir de nouveau le droit d'entendre la sainte parole. Mais au-delà de ça, il se trouve que Bob Dylan a réellement sorti de bons disques. Excellents parfois. Primordiaux souvent. C'est simple, de The Freewheelin' Bob Dylan (1963) à Nashville Skyline (1969) soit 8 albums en 6 ans dont un double, il est constamment génial. Et c'est justement sur cette époque bénie (jusqu'à Blonde On Blonde) que se concentre le 7e volume des Bootleg Series. Les enregistrements regroupés ici devaient servir de bande-originale à No Direction Home l'excellent documentaire réalisé par Martin Scorsese en 2005.
Le disque se déroule de manière chronologique avec tout d'abord une prise de "When I Got Troubles" captée par un ami de Dylan en 1959 et qui constitue sans doute le premier enregistrement connu de l'homme qui allait devenir Bob Dylan. L'intérêt est ici essentiellement historique puisque le son est de qualité médiocre. Après ça tout s'accélère avec "Rambler Gambler", "Dink's Song" (d'une puissance impressionnante) ainsi que les Minnesota Tapes, à savoir les morceaux de Dylan enregistrés par lui-même pour servir de démos aux artistes qui seraient ensuite chargés de les enregistrer différemment (un procédé habituel dans la soul mais devenu très rare depuis que les artistes en grande majorité composent leurs propres titres). Il en va ainsi de "Don't Think Twice It's Allright" dans une version primitive intéressante (mais pas essentielle non plus). Viennent ensuite des versions live de grands classiques ("Blowin' In The Wind", "A Hard Rain's A-Gonna Fall"), versions fascinantes car le maître chante ses morceaux avec une ferveur qui fera défaut aux tournées électriques (1965 et 1966). On arrive alors à "Chimes Of Freedom" chanté au Newport Folk Festival en 1964, chanson qu'il faut mettre en parallèle avec le "Maggie's Farm" à ce même festival en 1965. On prend alors la mesure de la révolution fondamentale qu'a constitué le passage à l'électricité de Bob Dylan et le fossé qui sépare ces deux prestations pourtant distantes temporellement d'à peine un an. D'un côté "Chimes Of Freedom", qui faisait déjà avancer la musique populaire à pas de géant (8 minutes d'images surréalistes enchaînées sans temps mort) mais restait compréhensible par le public folk (Bob Dylan la chante seul accompagné de sa guitare sèche). De l'autre "Maggie's Farm" où la foudre s'abat sur le festival habitué à des artistes s'exprimant en acoustique. Ici c'est toute l'instrumentation bringuebalante (deux guitares électriques, basse, batterie, chant criard) qui se met en marche et déclenchera la colère de ceux qui voulaient que Dylan reste celui qu'ils avaient connu, un type qui chante des protest songs (quoiqu'il ait toujours refusé ce terme le concernant).
Mais cela n'a de valeur que pour les archéologues. Que reste-t-il donc pour l'amateur de Dylan lambda (si cette espèce existe)? Le grand intérêt de ce 7e volume des Bootleg Series est de proposer des versions alternatives de morceaux connus mais également de grandes chansons qu'on retrouve rarement sur les nombreuses compilations de Bob Dylan. Tous ces "Maggie's Farm", "Desolation Row", "Ballad Of A Thin Man", "Chimes Of Freedom" sont généralement absents des greatest hits, ils côtoient ici les habituels "Blowin' In The Wind" ou "Like A Rolling Stone". De cette manière, No Direction Home Soundtrack se révèle un parfait best-of alternatif. Celui qui veut une initiation à l'œuvre de Dylan sans pour autant devoir se fader tous les morceaux qu'il a déjà entendus ni les médiocrités sorties des albums post-Desire et qui présentent bien peu d'intérêt peut commencer par là. Il pourra se raccrocher à certaines choses qu'il connaît déjà tout en ayant l'opportunité de découvrir de grandes choses dont il aura peut-être entendu parler. Car uand on est une légende comme Dylan, avec un peu de chance il se peut qu'on ait aussi écrit des morceaux légendaires dont les titres eux-mêmes paraissent mythiques tant ils sont inscrits dans la culture de la musique pop ("It's All Over Now, Baby Blue", "Desolation Row").
Pour chacun c'est une nouvelle fois l'occasion de se rendre compte du génie et de l'assurance sans faille de cet homme qui perpétue par sa voix la tradition folk tout en créant le futur de la pop. Mais pour apprécier cela il faut être capable de supporter sa voix de crécelle et ça, c'est vraiment trop en demander à certains. Et on les comprend.